Interviews : l'élément humain de votre investigation

par Nuria Tesón, Ankita Anand, Jess Lempit, Megha Rajagopalan

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En Bref: Acquérir les techniques, les compétences et les bonnes pratiques dont vous avez besoin pour identifier, interroger et maintenir le contact avec les personnes en toute sécurité au cours de vos investigations afin de recueillir et de renforcer les preuves.


La plupart du temps, lorsque vous entreprenez une investigation, vous devrez la renforcer au-delà de la recherche documentaire et de la recherche sur le terrain. Les sources humaines sont souvent indispensables dans ce processus, et il sera inévitable de faire face à des réactions subjectives aux incidents ou de mener des conversations d'expertise. Vous trouverez ici des conseils sur la façon d'aborder des sujets difficiles, des techniques pour assurer votre sécurité et celle de vos interviewé⋅e⋅s, ainsi que des méthodes pour établir des connexions qui pourraient être utiles lors de futures investigations.


Sur les « Sources » et les « Sujets d'interview / entretien »

Il est important de faire une distinction entre les personnes interviewées / les personnes sujetes des entretiens et les sources . Les personnes interviewées sont celles que vous pouvez rencontrer dans le cadre d'une investigation en cours, et que vous pouvez ou non rencontrer à nouveau. Les sources sont celles avec lesquelles vous devrez faire un certain effort pour établir des liens, créer et maintenir un réseau de contacts pour le travail actuel et futur. Certaines des personnes que vous aller interroger peuvent devenir vos sources et vous devrez établir avec elles une dynamique différente de celle que vous obtiendriez avec une personne interrogée ponctuellement.

Notez - ici nous utiliserons 'interview' et 'entretien' avec le même sens.

Atténuer les risques des interviews

Les interactions humaines sont une question de sens commun. Cependant pour les entretiens en particulier, parce que vous avez affaire à des personnes et que les gens sont souvent imprévisibles, la préparation est essentielle.

Cela peut sembler assez intuitif : vous déterminez d'abord quelles sources pourraient être utiles et vous trouvez leurs coordonnées ; ensuite, vous prenez contact, vous organisez une réunion, vous préparez vos questions, vous vous réunissez, vous posez une série de questions et vous prenez des notes ou vous enregistrez.

L'entretien est, en fait, un processus beaucoup plus long qu'une simple conversation ponctuelle ou qu'une série d'échanges et de questionnaires que vous pourriez utiliser pour recueillir des informations. Cela nécessite des recherches de fond, l'établissement de profils de personnes, l'établissement de la confiance, l'anticipation des risques, la prise de mesures de sécurité, etc. Parfois, vous devrez rencontrer les gens plus d'une fois, tandis que d'autres personnes seront totalement réticentes à la rencontre.

Vous devrez faire preuve d'ingéniosité, de souplesse, de détermination et de respect envers vos interlocutrices et interlocuteurs et vos sources, mais aussi de prudence. Votre sécurité et celle de vos sources humaines devraient toujours être votre priorité.


La sécurité avant tout! - L'évaluation des risques

Chaque fois que vous envisagez d'entrer en contact avec quelqu'un⋅e, vous devez tenir compte du risque de cette interaction, non seulement pour vous, mais aussi pour votre interlocutrice, interlocuteur ou votre source.

Soyez prudent⋅e lorsque vous décidez de l'ordre dans lequel vous recueillez des informations, des personnes avec lesquelles vous les partagez, du moment et de l'endroit où vous les rencontrez, ainsi que du lieu et de la manière dont vous conservez les informations que vous avez recueillies lors de vos entretiens.

Prenez garde à ne pas divulguer d'informations confidentielles ou sensibles sur votre investigation et vos sources, car cela pourrait vous mettre en danger, vous et vos collaboratrices et collaborateurs, selon le contexte et les questions sur lesquelles vous faites des recherches. Tenez compte des implications juridiques et écoutez votre intuition : si quelque chose ne semble pas correct, c'est probablement le cas.

Le risque est hérité. Si vous êtes une personne qui ne court que peu ou pas de risques (vous pouvez vivre et travailler dans une zone sûre) mais que vous interrogez une personne qui court un risque élevé (vivre dans une zone dangereuse, être sous pression ou travailler sur des questions controversées), vous héritez de ce risque. Votre niveau de risque sera plus élevé pendant un certain temps avant et après l'entretien. Si l'entretien porte sur un rapport ou un article qui sera publié, préparez-vous à ce que votre risque augmente au moment de la publication. Lorsque vous investiguez sur des personnes en position de pouvoir et d'influence, préparez-vous à un risque plus élevé prolongé si elles prennent connaissance de votre investigation.

Bien que vous ne vous considériez pas comme une personne à haut risque, vos contacts avec des personnes et des situations à haut risque ou avec certains sujets controversés peuvent vous obliger à vous préparer à des risques accrus et peu familiers. Pour y faire face, vous devez constamment revoir et retravailler les évaluations des risques et les plans de sécurité à mesure que votre investigation progresse. Intégrez ces éléments dans votre flux de travail habituel ; il ne s'agit pas d'une tâche ponctuelle.

Genre

Vous serez confronté à des situations où votre sexe perçu aura un effet sur la façon dont vous pouvez faire votre travail et sur la façon dont les personnes interrogées vous acceptent ou s'adressent à vous. Soyez-en conscient et veillez à établir des limites claires dès le début pour éviter les approches non souhaitées. Parfois, il peut être utile de faire semblant d'être dans une relation même si vous ne l'êtes pas, ou de porter une alliance. Dans de nombreux contextes, les gens peuvent respecter le fait que vous avez un partenaire. Faites des recherches sur le lieu, la culture, les croyances et les normes sociales des lieux, des communautés et des personnes que vous visitez ou avec lesquels vous prévoyez de parler. Cela peut vous aider à vous préparer à la manière dont la question du genre est abordée dans différents contextes.

Avant l'entretien : Préparation

La première étape consiste à trouver des personnes sources de potentielles informations et des sujets d'entretien. Cela nécessite de la recherche, de la pratique et de l'engagement. Selon que vous commencez votre in en investigation partant de zéro, que vous cherchez à ajouter un visage à votre histoire ou que vous souhaitez recueillir des témoignages, vous devrez très probablement trouver et interroger différentes personnes pour répondre aux différents besoins de votre investigation. Pour commencer, il peut être aussi facile de suivre les ONG, les groupes travaillant sur des questions qui vous intéressent, les militant⋅e⋅s, le personnel du gouvernement ou les organisations internationales.

Identifier les personnes à interviewer

Vous pouvez identifier les sources possibles et les personnes interrogées de différentes manières :

  • Observez leur activité sur les médias sociaux. Essayez d'être organisé et de créer des listes de sujets que vous pouvez suivre en fonction de la question sur laquelle vous enquêtez. Si vous utilisez Twitter, Bellingcat dispose d'un guide utile sur la manière d'utiliser Tweetdeck dans vos recherches. Rassemblez une liste de tous celles et ceux qui travaillent pour des organisations particulières ou dans des domaines équivalents, tels que des activistes, des membres de la société civile ou des entreprises. Identifiez les personnes qui semblent plus loquaces et essayez de comprendre leur possible partialité ou leur volonté de communiquer avec un⋅e investigatrice, investigateur. Évitez de les "like" ou de les "follow" sur les réseaux sociaux si, en fonction de l'objet de votre investigation, des liens avec des questions ou des personnes particulières risquent de vous causer des ennuis.

  • Abonnez-vous aux bulletins d'information. La plupart des organisations ont des bulletins d'information et vous pouvez trouver des sources potentielles et/ou des interviewé⋅e⋅s parmi celles qui apparaissent dans leurs publications ou celles qui écrivent pour elles.

  • Assistez à des conférences de presse. Les personnes qui ne sont pas généralement accessibles peuvent être approchées lors des conférences de presse. Surtout si votre source potentielle est un⋅e fonctionnaire, c'est un bon moyen d'entrer en contact avec des assistant⋅e⋅s ou des subalternes qui pourraient être plus ouvertes à la discussion.

  • Gardez une trace des réunions publiques, des conférences, des présentations publiques, des conventions, etc. et assistez-y. Le réseautage n'est pas toujours la meilleure solution, surtout lorsque vous travaillez sur des sujets sensibles. Toutefois, ces événements peuvent souvent accueillir des oratrices, orateurs ou des participant⋅e⋅s auxquels il serait difficile, voire impossible, d'accéder autrement. Essayez de récupérer des cartes de visite et de distribuer les vôtres, si vous estimez qu'elles sont fiables.

  • Suivez les blogs et les pages web tenus par des militants ou des citoyennes et citoyens locaux. Ils ne sont peut-être pas populaires, mais ils peuvent être riches en documentation et peuvent ouvrir une porte sur une personne qui peut devenir une source, fournir des pistes pour une investigation ou vous aider à entrer en contact avec la bonne personne.

  • Visitez les sites web officiels. Ils peuvent être utiles lorsque vous essayez d'avoir accès à des fonctionnaires du gouvernement. Vous pouvez découvrir quels ministères ou départements sont en charge de votre domaine qui vous intéresse et demander ensuite des entretiens avec les fonctionnaires concernés.

  • Trouvez des groupes restreints de spécialistes et de soutien. Les travailleurs et travailleuses des ONG, les journalistes et les militant⋅e⋅s s'appuient parfois sur des groupes fermés (ou des groupes secrets) pour échanger des informations et des conseils. Au fur et à mesure que vous tissez des liens, vous pouvez vous adresser à une personne de confiance et demander des informations sur certains de ces groupes si votre investigation est centrée sur un pays ou un sujet spécifique. Préparez-vous à ce que cette personne vérifie vos antécédents. Les journalistes et les militant⋅e⋅s, en particulier, peuvent craindre de vous donner accès à leurs réseaux s'ils et elles ne vous connaissent pas.


NOTE :

Lorsque vous effectuez des recherches à l'aide de ressources en ligne ou de fichiers publics, veillez toujours à archiver tout contenu pertinent que vous trouvez, à sauvegarder les captures d'écran et/ou à conserver des copies des fichiers au cas où le contenu serait retiré ultérieurement. Il est préférable de prendre ces mesures avant que quelque chose ne tourne mal après coup. Consultez la section de ce kit intitulée « Récupération et archivage d'informations sur les sites web » pour en savoir plus sur la manière d'utiliser la machine à remonter le temps d'Internet Archive et d'autres outils pour préserver et récupérer les contenus d'Internet ainsi que d'autres méthodes efficaces, y compris des conseils de sécurité.

Toutes ces pratiques vous permettent d'accéder aux coordonnées et d'identifier les personnes qui peuvent être des sources d'information essentielles. Cependant, soyez à l'affût de sources moins évidentes - c'est-à-dire de personnes qui peuvent sembler avoir une connaissance ou une expérience approfondie de la question. Ces personnes peuvent vous fournir des informations précieuses si vous passez suffisamment de temps avec elles et si vous comprenez leur travail, et peuvent également vous aider à gagner la confiance d'autres personnes susceptibles d'être interviewées dans le cadre de votre investigation.


La sécurité avant tout! - Les bases de la sécurité numérique avant de commencer

1. Recherche

Pour vous protéger, protéger les personnes que vous interviewez et protéger votre investigation, vous devrez prendre des mesures élémentaires mais essentielles pour préserver votre vie privée et votre sécurité :

  • Évitez de laisser une trace numérique en utilisant un navigateur ou un moteur de recherche qui améliore la confidentialité comme DuckDuckGo ou Firefox ou d'autres options dont vous pouvez prendre connaissance dans l'Alternative App Center de Tactical Tech.

  • Installez et utilisez le navigateur Tor pour des recherches et des communications privées et indétectables lorsque cela est possible. Le site web Security-in-a-Box de Tactical Tech comprend des guides détaillés sur la façon d'utiliser le navigateur Tor sur Linux, Mac et Windows, entre autres.

  • Utilisez un réseau privé virtuel (VPN) qui permet de garder vos recherches privées sur votre ordinateur portable et votre téléphone portable. Les VPN fonctionnent en dissimulant votre adresse IP, qui peut être utilisée par les sites web que vous visitez pour localiser votre emplacement géograpahique. Lorsque vous utilisez un VPN, plutôt que de voir votre adresse IP réelle, les sites que vous visitez voient l'adresse IP du fournisseur du VPN. Il existe de nombreuses options de VPN qui sont examinées par des expert⋅e⋅s et des utilisatrices et utilisateurs. ThatOnePrivacySite est un site d'examen des VPN que nous pouvons vous recommander de vérifier avant de choisir un service VPN. Nous vous recommandons de vérifier ce site avant de choisir un service VPN. Choisissez une société de VPN qui prétend ne pas enregistrer les journaux de votre trafic. Bien que la plupart des VPN gratuits soient à éviter car ils financent souvent leur fonctionnement en vendant leurs données de journalisation ( (log) enregistrements des sites que les utilisateurs visitent via le VPN), nous pouvons vous suggérer certains sites réputés, tels que Bitmask, Riseup VPN, PsIPhon ou Lantern.

  • Créez des mots de passe robustes pour votre ordinateur et votre téléphone portable et changez-les de temps en temps. Consultez notre guide détaillé sur la création et la gestion des mots de passe dans Security-in-a-Box.

  • Chiffrez les informations sensibles sur votre ordinateur, votre téléphone, votre périphérique de stockage externe (disques durs, USB, etc.) ou le stockage « dans le nuage ». Chacun des principaux systèmes d'exploitation (Linux, Mac, Windows) offre un moyen d'activer le chiffrement intégral du disque qui protégera toutes les données de votre appareil lorsqu'il est éteint. En outre, nous vous recommandons d'utiliser VeraCrypt, un outil de chiffrement gratuit et à code source ouvert qui fonctionne sur les ordinateurs Mac, Windows et Linux. VeraCrypt est généralement utilisé pour chiffrer un dossier de données spécifique, plutôt que tout ce qui se trouve sur votre ordinateur, mais il pourrait être votre seule option si vous travaillez sur plusieurs systèmes d'exploitation. Consultez le site "Security-in-a-Box" pour en savoir plus sur l'utilisation de VeraCrypt sur un ordinateur Mac, Windows ou Linux.

  • Ne laissez pas vos appareils sans surveillance et verrouillez-les avec un mot de passe lorsque vous ne les utilisez pas.

  • Tenez-vous au courant des contrôles de sécurité numériques et physiques que les autorités peuvent effectuer dans les zones où vous voyagez et travaillez et informez-vous à l'avance de vos droits lorsque vous traversez les frontières, notamment dans les aéroports. Ce guide sur les inspections aux frontières (en anglais) de l'Electronic Frontier Foundation fournit des informations utiles sur les risques et les droits.

2. Communications

Le maintien de la confidentialité de vos communications est essentiel pour votre investigation. Tout comme pour la confidentialité des recherches en ligne et le chiffrement des dispositifs, vous devez envisager quelques pratiques de base en matière d'hygiène des communications.

  • Dans la mesure du possible, utilisez le courrier électronique chiffré (PGP) dans vos communications avec les sources et les personnes interrogées.

  • Pour les appels et les messages, il existe différentes applications avec des niveaux de chiffrement et de confidentialité améliorés, telles que Signal ou Wire. Ces applications sont à privilégier à WhatsApp, bien que la dernière soit d'usage plus courant et que vous puissiez rencontrer des personnes qui ne sont pas facilement accessibles sur d'autres applications (plus sûres). Consultez le guide de la communication sécurisée de Tactical Tech's Security in a Box pour obtenir des conseils, des outils et des méthodes détaillés afin de préserver la confidentialité de vos communications numériques.

  • Lorsque vous êtes obligé⋅e⋅s de recourir à des moyens de communication conventionnels, à des appels téléphoniques non chiffrés, à des lignes fixes, etc., assurez-vous de ne fournir que le minimum d'informations et essayez de déterminer à l'avance quels sont les détails les moins risqués à communiquer et comment. Essayez de convaincre votre interlocuteur, interlocutrice que vous lui fournirez plus de détails lors de votre rencontre. Faites attention à ce que vous dites et aux informations que vous divulguez afin de ne pas compromettre votre investigation si vous ou la personne à qui vous parlez êtes (ou suspectez d'être) sous surveillance. Consultez les ressources de l'Electronic Frontier Foundation sur la surveillance et l'autodéfense pour obtenir des conseils, des outils et des méthodes permettant de rester vigilant et de faire face aux risques dans des situations de surveillance potentielles.

  • Une autre possibilité consiste à utiliser les méthodes de chiffrement ci-dessus pour entrer en contact avec une personne proche de la source humaine qui peut aider à organiser une réunion.

  • Si vous pensez que votre téléphone pourrait être surveillé, envisagez d'utiliser un téléphone prépayé - un téléphone jetable que vous pouvez utiliser à une ou plusieurs reprises et qui n'est pas lié à vous ou que vous pouvez jeter facilement.

Types de sources et de personnes interviewées

Trouver la bonne personne à qui parler n'est pas nécessairement facile ou simple. Vous devrez souvent naviguer au fur et à mesure de l'évolution de l'investigation, et vous risquez de changer d'avis sur les personnes que vous vouliez interroger. Il est important d'être clair sur les différents types de sources humaines que vous pouvez éventuellement interviewer. Les facteurs suivants peuvent dicter votre approche :

  • Leur rôle dans votre investigation : la personne est-elle une victime du phénomène ou de l'événement sur lequel vous investiguez ? En est-elle à l'origine ?

  • Leur position par rapport à votre investigation : sont-elles disposées à collaborer, peuvent-elles interférer dans votre investigation ?

  • Ce que vous voulez obtenir en interagissant avec elle : vous aidera-t-elle à recueillir des preuves ou des informations générales, contribuera-t-elle à clarifier des informations ou vous fournira-t-elle des preuves ?

Dans la plupart des cas, vous devrez combiner plusieurs approches, tandis que dans certains cas, vous pourrez obtenir ce que vous voulez en moins d'étapes.

Passons maintenant à un examen plus détaillé des types de sources.

Par leur rôle dans l'investigation :

Sources primaires

Ces sources vous fourniront des preuves ou des témoignages directs sur le sujet sur lequel vous investiguez :

  • Victimes

  • Témoins

  • Aut⋅rices⋅eurs de l'infraction

  • Personnel ou fonctionnaires du gouvernement

  • Les divulgateurs, divulgatrices

Sources secondaires

Ces sources ne fourniront pas de témoignage ou de preuve directe, mais peuvent apporter leur soutien à n'importe quel stade de l'investigation :

  • Témoins : bien que les témoins puissent fournir des informations précieuses et être considéré⋅e⋅s comme des sources primaires, vous devez également être conscient que leur témoignage peut être potentiellement inexact et/ou incohérent. Par conséquent, vous devrez parfois les considérer comme des sources secondaires.

  • Conseils : recevoir des conseils est un moyen d'obtenir des informations d'une source fiable ou peu fiable, et vous devrez les vérifier auprès d'autres sources.

  • Journalistes : les recherches et les rapports disponibles peuvent être une ressource très utile au cours de votre processus de documentation.

  • Chercheurs, chercheuses associé⋅e⋅s : il peut s'agir d'activistes, de journalistes d'investigation, d'enquêt⋅rices⋅eurs citoyen⋅ne⋅s ou d'ONG menant des recherches et compilant des rapports.

Par leur position par rapport à l'investigation :

Sources vulnérables

Ces sources auront subi divers types de traumatismes ou font partie de communautés défavorisées ou menacées :

  • Survivant⋅e⋅s de traumatismes

    • Victimes de violences sexuelles

  • Mineurs

  • Communautés menacées

  • Personnes appartenant à des groupes marginalisés, surveillés ou persécutés

Les sources contradictoires

Tous vos sujets d'entretien ne seront pas accueillants. Vous devez être particulièrement prudent lorsque vous vous adressez à des sources contradictoires - des sources qui peuvent ne pas avoir de sympathie envers votre investigation - qui pourraient devenir agressives ou être extrêmement hésitantes. Celles-ci peuvent être :

  • Des sources hostiles et agressives

  • Autrices ou Auteurs de l'infraction

  • Service d'application de la loi / forces de l'ordre

Si possible, essayez d'interviewer sur ces sujets à la fin de votre investigation. Nous aborderons plus tard les détails de la manière de traiter avec ces sources.

Par le type d'informations qu'ils, elles peuvent vous donner :

En fonction de l'investigation et des informations dont vous disposez jusqu'à présent, les sources peuvent vous fournir

Informations de base : détails sur le sujet sur lequel vous investiguez, nouvelles pistes et contacts d'autres personnes concernées. Les sources d'information peuvent également vous aider à entrer en contact avec des personnes susceptibles d'être interviewées ou vous fournir des pistes pour des investigations ultérieures :

  • Universitaires

  • Scientifiques

  • Travailleurs, travailleuses des ONG

  • Avocat⋅e⋅s

  • D'autres expert⋅e⋅s et personnes impliquées dans les sujets sur lesquels vous faites des recherches.

Comprendre/interpréter les informations : vous pouvez disposer d'informations recueillies auprès d'autres sources ou personnes interrogées, mais il n'y a aucun moyen de les mettre en contexte ou de les interpréter. Dans ce cas, il peut être utile d'entrer en contact avec eux :

  • Expert⋅e⋅s

  • Scientifiques

  • Universitaires

Preuves directes : le cœur de votre investigation peut dépendre d'un entretien avec une personne qui dispose d'informations ou de preuves de première main :

  • Témoins

  • Les forces de sécurité

  • Activistes

  • Personnel du gouvernement, police, etc.

Tenez compte du fait que les personnes interrogées qui fournissent des preuves directes peuvent être partiales (volontairement ou non) ou peuvent courir des risques en raison de leur proximité avec le sujet ou l'incident sur lequel vous investiguez.

Tendre la main aux sources et identifier les personnes interviewées

Il est essentiel de mener des recherches approfondies avant de décider qui interviewer et pourquoi. Vous risquez de ne pas poursuivre certains sujets, mais le fait de définir clairement vos objectifs vous aidera à trouver d'autres personnes à interviewer. Voici quelques lignes directrices de base pour la planification.

Établir des priorités et organiser les entretiens

Dans la mesure du possible, commencez par des entretiens qui fourniront davantage d'informations sur l'investigation elle-même ou sur d'autres personnes susceptibles d'être interviewées. Une fois que vous aurez compris le sujet ou la situation, vous serez en mesure d'aborder des entretiens plus axés sur les preuves. Notez que rien n'est considéré comme une preuve tant que vous ne l'avez pas vérifié à plusieurs reprises, donc ne supposez jamais que les informations obtenues lors d'un entretien sont fiables à 100 %.

Essayez de passer des entretiens les plus faciles aux plus difficiles afin d'être mieux préparé à aborder des sujets contradictoires à la fin, lorsque vous avez plus de connaissances sur le sujet.

Diversifier : acquérir des perspectives multiples

Toute investigation comporte plusieurs niveaux : plus les sources sont diverses, plus les preuves sont riches et plus il est facile d'éviter les préjugés. Incluez des sources primaires et secondaires et essayez d'interroger des personnes d'âges, de sexes, de castes, de classes ou de croyances différentes. Évitez de vous adresser uniquement au chef ou au principal représentant d'un groupe et recherchez les points de vue et les expériences des autres membres.

Effectuer une évaluation des risques

Lors du choix des sources humaines, il est important d'évaluer les risques et les avantages potentiels, en particulier lorsque l'on contacte des personnes proches de l'objet de l'investigation. Il vous faudra parfois planifier soigneusement l'ordre des entretiens pour éviter les interférences, les conflits d'intérêts ou les préjugés dans votre travail. Tenez également compte du risque que l'interaction peut présenter pour vous, pour l'investigation, ainsi que pour vos sources et les personnes interrogées. Passez du temps à évaluer les risques de communiquer avec une source potentielle. Voici quelques questions que vous pourriez vous poser :

  • Votre source a-t-elle déjà parlé publiquement de ce sujet auparavant ?

  • Votre source pourrait-elle s'inquiéter de la surveillance du gouvernement ?

  • Quel type d'information avez-vous besoin de cette source ?

  • Dans quelle mesure votre source est-elle ingénieuse ?

  • Dans quelle mesure votre source est-elle effrayée ou vulnérable ?

Susciter le contact

Parfois, vous pourrez entrer en contact avec une personne pour un entretien immédiatement. Dans d'autres cas, vous devrez faire appel à un proche pour établir le contact. Des militant⋅e⋅s, des organisations, des avocat⋅e⋅s ou des journalistes peuvent vous mettre en contact avec des sources primaires ou vulnérables auxquelles ils ont déjà accès. Dans toute interaction avec vos sources humaines, suivez les protocoles pour une communication sûre.


Note : Comment votre rôle, votre position ou vos antécédents peuvent avoir un impact sur les sources et les personnes interviewées

Les relations de pouvoir

La dynamique de pouvoir entre un⋅e investigat⋅eur⋅rice et une personne d'interviewée est complexe. Il est important de tenir compte de la position de la personne interrogée. Réfléchissez à votre rôle et à vos responsabilités, ainsi qu'à la limite à fixer avant de mener un entretien. Certaines personnes peuvent se sentir intimidées ou avoir peur de vous parler. D'autres tenteront de vous intimider, de vous convaincre ou de vous dissuader, ou encore de gagner vos faveurs. C'est pourquoi il est important de maintenir un équilibre entre ce que vous voulez réaliser et la façon dont vous le faites.

  • S'adresser à des personnes depuis une position de pouvoir

Être la personne qui va enregistrer les réponses d'une personne à un entretien et analyser les informations qu'elle vous donne vous met souvent en position de pouvoir. La perception que votre interlocuteur, interlocutrice a de vous peut être liée au fait que vous représentez une opportunité. Peut-être espère-t-il, elle, en tirer quelque chose de l'entretien, qu'il s'agisse d'un échange convenu ou de quelque chose de moins concret. Rédigez vos règles de comportement personnelles avant de commencer à travailler sur les questions d'entretien elles-mêmes, et assurez-vous que vous avez tenu compte de l'éthique, du bon sens, du moment où il faut écouter, du moment où il faut s'arrêter et du moment où il faut insister sur certaines limites. Prenez des précautions pour vous et vos interlocutrices, interlocuteurs lorsque vous interrogez des personnes vulnérables. Il s'agit notamment des enfants, des victimes de traumatismes, des membres de communautés marginalisées, etc.

Certaines personnes ne voudront pas être interviewées. Respectez leur refus. N'utilisez pas votre privilège pour les contraindre à vous parler. Si elles sont vulnérables, elles ne voudront peut-être pas se souvenir d'une expérience traumatisante, ou elles peuvent craindre les conséquences de la partager avec vous. Dans un premier temps, s'ils disent non, indiquez que vous respectez leur décision. Vous pouvez essayer de parler à une personne de confiance qui pourra servir d'intermédiaire par la suite. S'ils, elles décident toujours de ne pas parler, faites-leur savoir qu'ils, elles sont les bienvenu⋅e⋅s s'ils se sentent prêt⋅e⋅s à vous parler à l'avenir. Communiquez-leur vos coordonnées si vous estimez que cela ne présente aucun danger.

Les gens se sentent souvent méfiant⋅e⋅s, contrarié⋅e⋅s ou désintéressé⋅e⋅s par les investigatrices et investigateurs qui semblent débarquer en parachute dans la ou en dehors de leur espace, ou qui donnent une impression de supériorité. Ne vous présentez pas à l'entretien avec un sentiment de droit supérieur, en vous attendant à ce que tout le monde sur le terrain travaille dans le respect de vos objectifs et de vos délais. Certaines personnes pourraient reconsidérer le fait de vous parler si elles se sentent en sécurité ou si d'autres vous ont parlé en premier, donc les premières impressions comptent. Soyez patient⋅e⋅s, mais soyez également prêt⋅e⋅s à laisser tomber les pistes et les entretiens s'ils ne sont pas réalisables.

  • S'adresser à des personnes qui sont en position de pouvoir :

Vous pouvez être désireux, désireuses de prouver ou de réfuter une idée particulière au cours de l'entretien. Cela donne à votre interlocuteur, interlocutrice un certain pouvoir sur vous, qu'il, elle le réalise ou non. Faites attention aux risques de compromis et ne laissez pas la personne interrogée contrôler vos questions. Lorsque vous êtes face à face avec cette personne, vous pouvez la considérer comme une occasion de faire avancer vos recherches, cependant considérez que cet entretien peut sembler plus important maintenant qu'il ne le sera plus tard. Vous ne pouvez jamais prévoir quelles preuves feront avancer votre investigation.

Vous pouvez également vous retrouver à parler à des sources qui sont en position d'autorité, qui jouissent d'un certain privilège (que ce soit la richesse, l'influence, la classe, etc.), ou vous pouvez interroger une personne que vous soupçonnez d'être à l'origine des actes répréhensibles sur lesquels vous investiguez, ou quelqu'un⋅e qui permet des activités illégales comme les pots-de-vin, l'évasion fiscale, le trafic, etc. Ces personnes pourraient essayer de vous manipuler, de vous mettre de leur côté, de vous offrir des faveurs ou d'utiliser leur position privilégiée pour vous menacer afin de décourager votre investigation. Ne vous sentez pas obligé d'accepter des faveurs de leur part parce qu'ils, elles ont accepté de vous parler, et veillez à envisager à l'avance tous les scénarios dangereux possibles pour éviter de vous mettre en danger, vous et d'autres sources.

Si vous rencontrez des difficultés pour contacter ou obtenir des rendez-vous avec des personnes de ce type parce qu'il est difficile de les joindre

  • par exemple, des dirigeants d'entreprise ou des fonctionnaires de haut rang - essayez de parler à des personnes de subalternes ou intermédiaire. Vous pouvez également demander des conseils sur la manière de traiter avec certaines sources à des personnes qui les connaissent bien, comme des collègues investigatrices, investigateurs ou des journalistes expérimentés.

Considérations sur le genre

Dans certaines circonstances, être une femme peut être un avantage, dans d'autres un désavantage. Cela peut aider d'autres femmes à s'identifier à vous ou à se confier davantage et à se sentir en sécurité, surtout si elles ont survécu à un traumatisme ou à une agression sexuelle. Parfois, ce sera le contraire.

Le risque est lié à l'identité, et les données suggèrent que les personnes qui s'identifient comme des femmes sont confrontées à des risques différents. Il est important de tenir compte de ces risques, mais aussi des possibilités qui s'offrent à vous, comme la possibilité d'aller dans des endroits et de parler à des personnes que d'autres ne peuvent pas fréquenter. Faites un effort pour comprendre les points de vue culturels, personnels, émotionnels, psychologiques et politiques de la personne interrogée à l'égard des femmes avant de planifier les entretiens.

Communiquer en toute sûreté

Lorsque vous abordez pour la première fois vos interlocutrices potentielles, interlocuteurs potentiels, vous pouvez penser qu'il est normal de le faire par des moyens conventionnels comme un téléphone fixe ou un téléphone portable. Dans la mesure du possible, essayez d'utiliser des services avec chiffrement.

Présentez-vous et expliquez votre objectif

La présentation de vous-même, de vos intentions et du but de votre investigation est la première étape pour établir la confiance avec vos sources et les personnes interviewées. Les tromper intentionnellement est contraire à l'éthique et certaines personnes interrogées et sources pourraient se sentir trahies ou spoliées si vous le faites.

Un manque de transparence peut conduire à des malentendus qui pourraient provoquer la colère de la source à votre égard ou même la mettre en danger. Prenez le temps d'expliquer votre travail dès le début. Si vous menez un projet public, un site web ou si vous avez d'autres travaux qui peuvent être partagés, montrez-les à vos sources ou aux personnes interrogées pour établir votre authenticité. Évitez les termes qui peuvent sembler trop lourds, comme « enquêteur ». Vous pouvez utiliser le terme « chercheur, chercheuse » à la place, mais, encore une fois, ne cachez jamais le but de votre travail.

Selon les questions ou les personnes sur lesquelles vous investiguez, vous ne voudrez peut-être pas toujours partager tous les détails de votre investigation, si cela peut présenter un risque pour votre sécurité et/ou celle de vos sources. Si vous pensez que c'est nécessaire, limitez les détails que vous partagez à l'essentiel, mais soyez aussi honnête avec eux que vous vous attendez à ce qu'ils le soient avec vous.

Organisation des interviews et logistique

Fixer heure et lieu

Dans la mesure du possible, contactez les personnes concernées bien avant les dates limites prévues. Proposez toujours de fixer un rendez-vous à une date qui leur convient, pour éviter de leur mettre la pression et de risquer de passer à côté de conversations potentiellement intéressantes. Planifiez vos entretiens de manière à ce que chacun d'entre eux s'appuie sur le précédent. Accordez-vous du temps entre les entretiens, dans la mesure du possible, pour revoir vos conclusions et les réévaluer.

Parfois, le lieu de rencontre est aussi important que l'entretien lui-même. Les lieux publics ne sont pas toujours la meilleure option. Gardez à l'esprit qu'un lieu de rencontre peut vous fournir autant d'informations sur la personne ou l'investigation que l'entretien lui-même. Pour la personne interrogée, cela peut lui rappeler des souvenirs ou l'encourager à parler plus ouvertement. Il peut s'agir d'un lieu où s'est produit l'incident sur lequel vous investiguez, d'une galerie de photos d'un certain endroit avant une catastrophe naturelle ou un conflit, ou d'une exposition ou d'une maison présentant des photos d'une personne qui a disparu, est en prison ou a été torturée. S'ils sont liés à votre interlocuteur, interlocutrice ou à votre source, ces détails peuvent faire remonter des souvenirs ou des preuves documentaires d'événements passés et aider à entamer une conversation sur certains sujets ou expériences qu'ils ont vécus. Cependant, faites attention, car cela peut aussi avoir l'effet inverse de traumatiser à nouveau les gens.

En utilisant les éléments affichés autour de vous, vous pouvez trouver des points de discussion pour commencer à établir la confiance. Par exemple, ils peuvent déclencher une petite conversation qui met les sources à l'aise ou vous permet de trouver un terrain d'entente. Cela encouragera votre interlocuteur à vous faire confiance. Un cabinet d'avocat ou le siège d'une ONG peuvent également constituer des environnements sûrs et conviviaux pour mener des entretiens.

Sûreté en voyage et sécurité

Si vous voyagez, vous devez procéder à une évaluation des risques dans le pays ou dans la région que vous visitez. Cette évaluation des risques liés au voyage vous permet de mesurer les menaces associées à ce lieu. Pour commencer, voyez si vous pouvez recueillir des informations auprès d'ami⋅e⋅s et de collègues qui connaissent votre identité. Le risque et l'identité sont étroitement liés. Cela signifie que votre risque est influencé par votre couleur de peau ou votre appartenance ethnique, votre sexe, votre orientation sexuelle ou votre pays de citoyenneté. Souvent, votre passeport peut être assorti de privilèges et de protections - parfois, c'est le contraire. Comme pour tout ce qui concerne la sécurité, il est bon de trouver quelqu'un⋅e qui partage vos repères d'identité et qui a voyagé dans la même région pour l'interroger sur son expérience.

L'étape suivante consiste à vérifier les guides de voyage des différentes régions publiés par les ambassades. Les ambassades des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada et de l'Australie, par exemple, proposent des guides élaborés consultables en ligne.

Notez que les conseils aux voyageuses et voyageurs sont souvent très prudents et sensibles à tout risque. Pour le vérifier, consultez les guides des ambassades pour voir comment la note d'un endroit que vous connaissez bien - votre pays d'origine, par exemple - se compare à celle de l'endroit où vous allez. Certaines ambassades ont commencé à publier des informations plus récentes sur Twitter. Il est donc utile de vérifier également les comptes Twitter officiels des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada et de l'Australie.

Les entreprises de sécurité et d'atténuation des risques publient également des informations sur les risques par région et par pays. Ces entreprises peuvent avoir une motivation financière ou politique derrière leurs recherches et leurs notations, alors assurez-vous d'intégrer celle-ci à votre vérification. Citons par exemple Riskmap, Kroll Intelligence Center et Kroll Global Fraud and Risk report, International SOS Travel Risk map, cependant tous ces documents ne sont pas mis à jour fréquemment. En outre, les statistiques sur la criminalité par les Nations unies par pays peuvent être utiles et, bien que tous les types de criminalité ne soient pas signalés ou étudiés (pour diverses raisons policières, politiques et culturelles), elles peuvent néanmoins constituer un bon indicateur.

Essayez de contacter à l'avance les personnes qui peuvent vous aider lorsque vous êtes sur le terrain. Si vous pensez que vous pourriez être confronté⋅e⋅s à des risques personnels tels que la surveillance, la détention ou l'enlèvement, informez une personne de confiance de votre itinéraire et remplissez un document de renseignements d'existence légale conçu pour répondre à vos besoins. Ce document doit contenir des informations personnelles et des réponses à des questions que vous êtes seul⋅e à connaître, ainsi que la procédure à suivre si quelque chose vous arrive. Il doit comprendre des instructions pour la ou les personnes de confiance auxquelles vous remettez le formulaire. Il peut comprendre des mots de passe qui permettent à la personne de confiance d'accéder à vos comptes de médias sociaux, s'ils doivent être modifiés ou désactivés. Pour un exemple de formulaire et plus d'informations sur son utilisation, nous vous recommandons les ressources pour les indépendants du Rory Peck Trust.

Assurez-vous que vous avez les bonnes vaccinations si nécessaire, que votre passeport a plus de six mois de validité et que plusieurs pages sont disponibles pour les visas ou les timbres aux frontières. Suivez les recommandations de votre ambassade en matière de sécurité ou celles d'autres ambassades et les exigences de visa du lieu de travail, et n'oubliez pas de faire une évaluation des risques des points pour et points contre faire ce voyage.

Préparation des interviews

Une fois que vous avez décidé qui vous allez interviewer, vous devez vous préparer à l'interview elle-même. Il est essentiel de connaître la ou les personnes - soit directement, soit par des recherches de fond - et de bien comprendre les informations que vous voulez recueillir. Dans l'idéal, vous aurez déjà pris connaissance des détails personnels ou publics de votre interlocuteur, interlocutrice, et vous pourrez vous concentrer sur la véracité et les éventuels préjugés de ses réponses.

Faites vos vérifications d'antécédents

Avant l'entrevue, faites une vérification des antécédents sur vos interlocutrices, interlocuteurs pour en apprendre le plus possible à leur sujet. Utilisez les ressources en ligne ou contactez des personnes de confiance qui peuvent vous fournir des informations sur vos interlocutrices, interlocuteurs. Connaître la personne avec laquelle vous avez un entretien et leur domaine de compétence (le cas échéant) est également une façon de respecter leur temps et de ne pas demander des informations trop élémentaires ou déjà disponibles. Ces vérifications d'antécédents peuvent également vous aider à établir la fiabilité de votre sujet d'entretien ou ses éventuels biais.

Par exemple, lorsqu'il s'agit de sujets tels que les dommages environnementaux, il est judicieux d'interroger des scientifiques locaux en raison de leurs connaissances spécifiques. Cependant, ils peuvent être confrontés à des pressions directes ou indirectes de la part d'entreprises privées ou du gouvernement. Les scientifiques étrangers peuvent avoir des opinions divergentes sur le sujet lui-même, mais ils ne doivent pas nécessairement être conscients de la politique locale ou subir la même pression. Vous devez néanmoins vous renseigner sur les sources de leur financement et rechercher tout lien douteux ou conflit d'intérêts.

Si vous concluez qu'une personne n'est pas digne de confiance, cela ne signifie pas nécessairement que vous ne devez pas l'interroger. Le fait de savoir que les informations fournies sont douteuses ou éventuellement biaisées vous aidera à poser des questions ciblées et à être sur vos gardes en vue d'une éventuelle manipulation. Quelqu'un qui essaie de vous pousser vers une certaine conclusion ou de cacher des informations dont vous avez déjà connaissance peut être une bonne preuve en soi.

Réfléchissez à la sécurité que vous offre le partage de certaines informations lorsque vous faites des recherches sur des sujets sensibles et sur des personnes ou des groupes dangereux que vous souhaitez interroger. Dans ces cas, il vaut mieux s'abstenir de poser trop de questions en dehors de votre entourage proche lorsque vous essayez d'obtenir un entretien. Si vous posez trop de questions, vous risquez de diffuser trop tôt la nouvelle de votre investigation et d'exposer les problèmes que vous poursuivez ou de rendre plus vulnérables les personnes que vous voulez interviewer.


La sécurité avant tout!

Vérification des antécédents : entretiens préliminaires

Les personnes interrogées peuvent trouver l'idée d'une vérification des antécédents intimidante et, dans certains cas, cela peut créer des conflits ou des tensions, surtout si elles apprennent de tiers que vous avez tenté de les vérifier. L'un des moyens les plus simples d'éviter cela est de procéder à une vérification volontaire des antécédents, pour autant que cela soit possible et que cela ne vous mette pas, ni la personne interrogée, ni l'investigation, dans une situation plus risquée. Normalement, cette vérification commence par un entretien préliminaire axé sur des questions simples. Bien que tout le monde soit différent, la plupart des gens apprécient de pouvoir s'exprimer. L'un des avantages de l'intégration du sujet dans le processus de vérification est que vous pouvez demander leur autorisation expresse pour clarifier votre compréhension de la situation et contacter une partie de leur réseau pour vous aider à mieux saisir le sujet. Lorsqu'elle est présentée de cette manière, la vérification des antécédents est transparente et consensuelle, ce qui vous permet d'éviter toute escalade inutile tout en respectant la vie privée et la sécurité du sujet de l'entretien.

Vérification des antécédents : en ligne

Pour effectuer des recherches en ligne, il est important d'utiliser un VPN et/ou un navigateur qui respect la vie privée. Cela réduira les probabilités que vous et votre investigations soyez relié⋅e⋅s aux activités de recherche en ligne, ce qui vous permettra de rester anonyme vis-à-vis des personnes sur lesquelles vous effectuez des recherches. L'objectif de cette recherche est toujours la vérification au nom de la sécurité et de l'atténuation des risques. Dans la plupart des cas, les informations recueillies par le biais de la vérification des antécédents ne doivent pas faire partie de l'investigation elle-même, puisque votre objectif est la protection, et non l'espionnage de vos sources. La divulgation de détails sur une source qui pourrait être officieuse ou anonyme comporte de grands risques pour l'entretien et pour votre relation avec la source. Non seulement cette pratique est contraire à l'éthique, mais dans certains domaines, elle peut également constituer une infraction pénale.


Conseils :

Vérification des antécédents des numéros de téléphone

Voici trois méthodes pour vérifier le numéro de téléphone d'une source, si vous en avez besoin :

  1. Appeler le numéro

  2. Effectuer une recherche inversée sur le numéro

  3. Effectuer une recherche sur l'opérateur qui fournit le numéro

1. Lorsque vous appelez le numéro, ne le faites pas à partir d'un téléphone relié à vous. L'utilisation d'un téléphone public/payant, d'un téléphone d'hôtel ou d'un numéro virtuel peut vous permettre d'éloigner l'appel de votre identité. Une autre option consiste à utiliser des numéros virtuels. Il s'agit de numéros qui ne sont PAS liés à des téléphones portables ou à des lignes terrestres physiques, mais qui sont fournis par un logiciel. Si vous vivez aux États-Unis, vous pouvez créer un compte Google et utiliser https://voice.google.com pour produire gratuitement un numéro virtuel. Si vous vivez en dehors des États-Unis, les applications pour smartphones et les services web comme Skype (numéros internationaux via Skype out/ Skype in), Burner App (pour les numéros US/Canada), Coverme App (numéros US/Canada) et Hushed App (numéros internationaux) fournissent tous des numéros virtuels.

2. Les outils de recherche inversée de numéros de téléphone transforment un numéro en données pour ce numéro. La plupart de ces services sont des services commerciaux, mais nous n'en approuvons aucun, nous nous contentons d'indiquer ce qui existe : Comfi , Whitepages, Spokeo (numéros américains uniquement), Pipl. Nous recommandons d'utiliser un VPN et un navigateur qui respecte la vie privée avant d'effectuer des recherches avec les outils de recherche inverse en ligne.

3. Pour la recherche de l'opérateur et de l'appelant, certains des outils disponibles sont

  • Twilio : la façon la plus simple de faire des recherches sur les opérateurs et les appelants. La recherche de l'appelant vous fournira le nom associé au numéro, ou la personne qui paie la facture pour le numéro. Il vous indiquera également s'il s'agit d'un numéro d'entreprise ou de résidence. La recherche d'opérateur vous permettra de savoir quel fournisseur de téléphonie mobile est connecté au numéro et vous indiquera également s'il s'agit d'un numéro de téléphonie fixe, mobile ou virtuel. À partir de mi-2019, les recherches d'opérateur Twilio sont d'environ 0,005 USD par demande, tandis que les recherches d'appel sont de 0,01 USD par demande.

  • Truecaller : une application utilisée pour lister et rechercher des informations sur les numéros de téléphone et les personnes associées à ce numéro. Les utilisateurs de l'application l'utilisent comme identifiant de l'appelant pour bloquer les appels anonymes et identifier les appelants. Comme l'application peut extraire des contacts des téléphones qui l'ont installée, elle contient souvent des détails sur des numéros non répertoriés >ou uniques.

  • Numerify : offre un service permettant de rechercher des numéros de téléphone mondiaux.

Vérification des antécédents des entreprises, des institutions publiques et des organisations à but non lucratif

Si la personne que vous interviewer est associée à une entreprise, une organisation à but non lucratif ou une institution gouvernementale, vous pouvez consulter les bases de données et les outils disponibles pour trouver des contacts, des détails et des connexions utiles. Si vous ne savez pas par où commencer, nous vous recommandons de consulter l'index mondial des ressources de l'Investigative Dashboard's par région/pays ou d'explorer sa base de données mondiale, en constante évolution, qui contient des documents provenant d'investigations passées. Le tableau de bord des enquêtes est une ressource développée et gérée par un réseau de journalistes d'investigation du Organised Crime and Corruption Reporting Project - OCCRP.

Pour les États-Unis, vous pouvez effectuer des recherches dans certaines de ces bases de données pour trouver des informations sur des personnes liées à des entreprises, des organisations à but non lucratif ou des gouvernements :

Noms d'utilisat⋅rices⋅eurs en ligne, recherche de personnes et médias sociaux

Voici quelques outils et bases de données permettant de vérifier la présence en ligne d'une personne.

Saisissez un nom d'utilisat⋅rice⋅eur pour savoir où il est utilisé en ligne :

Les "people-finders" vous permettent de rechercher des informations sur une personne. La plupart se concentrent sur les États-Unis :

Réseaux sociaux :

Recherche par CV :

Recherche par API de médias sociaux - pour les investigateurs, investigatrices ayant quelques compétences techniques :

Les outils OSINT (Open Source Intelligence) - de puissants outils de recherche en source ouverte :

  • Maltego CE : l'édition communautaire d'un logiciel utilisé pour trouver et visualiser les relations entre les ensembles de données

  • Spiderfoot : permet de rechercher des informations sur les adresses IP, les noms de domaine, le nom d'hôte, les sous-réseaux, l'ASN, l'adresse électronique ou le nom d'une personne

  • Spiderfoot HX : une version web hébergée du tableau de bord de Spiderfoot

  • Harvester : pour obtenir des informations sur les adresses électroniques, les noms, les sous-domaines, les adresses IP et les URL

Définissez vos objectifs

Voici quelques objectifs possibles pour la conduite d'une interview

  • Obtenir le côté humain d'une histoire : Les conversations avec des personnes pertinentes pour votre investigation sont une bonne occasion de donner une voix et un visage à votre histoire. Lorsqu'elles sont menées de manière équilibrée, éthique et impartiale, elles peuvent ajouter de la crédibilité à vos conclusions et à vos affirmations, et aider d'autres personnes à s'identifier aux problèmes et aux questions sur lesquels portent vos recherches.

  • Rassembler des preuves : Vos entretiens avec certaines sources peuvent être essentiels pour rassembler des témoignages qui soutiennent le reste de votre investigation. Par exemple, rencontrer des personnes dans certaines régions de la péninsule du Sinaï (Égypte) qui dénoncent les exécutions extrajudiciaires de supposé⋅e⋅s extrémistes par les forces de sécurité de l'État peut fournir la preuve de l'innocence (ou de la culpabilité) des personnes accusées de terrorisme, ou d'un certain événement que vous pouvez vérifier avec d'autres preuves et témoignages recueillis. Des expert⋅e⋅s militaires peuvent vous donner des pistes sur le fonctionnement de ces forces, les cibles habituelles et les types d'armes utilisées. Selon le sujet de l'entretien, vous devrez poser différentes questions.

  • Constituer un dossier : Vous pouvez chercher à obtenir le témoignage d'une source primaire afin de pouvoir dénoncer certains crimes. En suivant l'exemple précédent, si votre investigation doit déboucher sur une procédure formelle contre le gouvernement égyptien devant la Cour pénale internationale de La Haye, vous devrez étayer toute preuve par des témoignages de toutes les parties.

Rédigez une liste de questions. Organisez-la.

Rédigez une liste de questions, mais vous ne devrez pas nécessairement la suivre à la lettre pendant l'interview. Vous devrez être ouvert⋅e⋅s à la possibilité de réorienter l'interview ou de modifier la manière dont vous posez certaines questions, en fonction de la manière dont se déroule l'interaction avec la personne interrogée. Le fait d'avoir des questions prêtes vous aidera à vous concentrer sur les sujets les plus importants. Le fait d'annoter les questions vous aidera à déterminer ce que vous voulez tirer de l'entretien. Si vous êtes confronté à une interview difficile et que les émotions prennent le dessus, les questions vous aideront à détourner votre attention de vos sentiments et à vous concentrer sur votre travail.

Types de questions

Une interview doit aborder le sujet sous différents angles et alterner entre des types de questions qui permettront à la conversation d'évoluer peu à peu. Commencez par des questions faciles et abordez des sujets plus délicats au fur et à mesure que la conversation avance. Un petit entretien avant d'aborder le sujet peut également s'avérer utile.

  • Questions fermées ou ouvertes : Les questions fermées permettent au sujet de donner une réponse courte et simple, par exemple « oui » ou « non ». Une question ouverte permettra au sujet de donner un aperçu complexe de certains sujets.

  • Questions factuelles ou en conclusion ouverte : Les questions factuelles visent à établir des faits : nom, profession et âge. Les questions en conclusion ouverte permettront d'obtenir des réponses plus détaillées et plus approfondies.

  • Questions additionnelles : Vous pouvez vouloir poser une question qui fait suite à la réponse d'une personne, soit parce qu'il, elle n'a pas répondu complètement, soit parce qu'il, elle a abordé un sujet sur lequel vous voulez en savoir plus. Si c'est le cas, n'interrompez pas votre interlocuteur, interlocutrice pendant qu'il, elle parle encore. Attendez qu'elle ait fini sa réponse pour lui poser des questions complémentaires.

  • Questions provocatrices : Destinées à provoquer une réaction ou à forcer la personne interrogée à répondre. Vous devrez déterminer si cela est approprié.


Note - Éviter les questions suggestives

Les questions suggestives orientent le ou la répondant⋅e vers une certaine réponse. Même lorsque vous disposez d'un ensemble de faits clairs, vous interrogez quelqu'un pour obtenir plus d'informations ou pour clarifier, plutôt que pour susciter une réponse spécifique. Au lieu de demander, par exemple, «La compensation offerte par le gouvernement est-elle bonne ? », vous pouvez demander : « Comment est la compensation offerte par le gouvernement?»

Se préparer aux entretiens difficiles

Parfois, notamment lors de la discussion d'un sujet difficile ou douloureux ou lors d'un entretien avec des personnes conflictuelles, vous pouvez vous rendre compte qu'elles essaient d'éviter de donner une réponse définitive. Répondre par une autre question ou essayer d'attirer l'attention sur les aspects positifs de la situation sont des moyens d'éviter vos questions. Relevez et notez les questions qui vous paraissent susceptibles de soulever des inquiétudes ou qui risquent d'être rejetées. Préparez une série de questions alternatives qui peuvent vous aider à obtenir une réponse. Par exemple, les fonctionnaires, les membres du gouvernement et les politicien⋅ne⋅s sont souvent très habiles pour éviter les questions et les réponses difficiles qui peuvent les faire paraître en mauvaise posture. Essayez de poser la même question de différentes manières si vous constatez que cela se produit.

Utilisez le temps de manière efficace

Parfois, le temps dont vous disposez est limité, surtout lorsque vous avez affaire à des fonctionnaires. Essayez de gagner du temps pour les questions vraiment importantes. Respectez le temps de votre interlocuteur, interlocuteur et proposez-lui, elle de faire des pauses s'il, elle en a besoin. Passer plus de temps à interroger quelqu'un⋅e ne montre pas nécessairement que vous obtiendrez plus d'informations. Si vous vous rendez compte que vous n'obtenez pas ce que vous attendez, demandez-vous si vous posez les bonnes questions ou si votre interlocutrice, interlocuteur n'est pas en mesure de couvrir les sujets que vous désirez, et essayez de vous concentrer sur les thèmes importants. Essayez de ne pas dépasser une heure, sauf si c'est vraiment nécessaire et si vous pensez que votre interlocuteur, interlocutrice est d'accord.

Maitrisez vos mots

Le langage est important sur divers aspects tels que le sexe, la couleur de peau et d'autres sujets sensibles. Vous devez faire attention au langage que vous utilisez pendant votre interview, tant par souci de précision que par respect. Par exemple, assurez-vous que vous comprenez des termes tels que « trans », « non binaire », « pansexuel », avant d'interviewer une personne LGBTQI+. Il en va de même pour la couleur de peau, le statut social, la religion, etc.

Adoptez le bon état d'esprit

Laissez de côté vos propres sentiments et préjugés, surtout si vous devez faire face à une source adverse avec laquelle vous pourriez être en désaccord. Si vous devez interviewer des sources vulnérables, préparez-vous à faire face à la tristesse, à la colère, à la frustration et à des histoires qui seront difficiles à traiter. Le fait d'être préparé vous aidera à réagir de manière appropriée.

Obtenez des conseils juridiques

Certaines organisations ont accès à des conseils juridiques internes, mais si vous êtes investigatrice, investigateur indépendant⋅e, vous devrez peut-être faire appel à des expert⋅e⋅s pour vous assurer que vous et votre travail sont sûrs. Prenez contact avec un⋅e avocat⋅e si vous avez des doutes sur les informations que vous traitez ou si vous obtenez l'accès à des informations sur un acte répréhensible ou un crime. Soyez conscient⋅e des lois qui vous protègent (ou vous mettent en danger), ainsi que pour vos interlocuteurs, interlocutrices et vos sources, qui peuvent varier selon les pays. Assurez-vous que vous ne commettez pas un crime ou que vous ne vous mettez pas sous les feux de la rampe en prenant contact avec une personne qui pourrait faire l'objet d'une enquête ou d'une surveillance. Et si vous le faites, soyez conscient⋅e des circonstances et des conséquences possibles de votre interaction.

Pendant l'interview

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Examinons comment mener des interviews générales, recueillir des informations de fond auprès des personnes interrogées, parler aux témoins et aborder des approches spécifiques plus sensibles.

Voies de conduite et d'entretien

Une partie de la préparation d'une interview consiste à déterminer le ou les moyens que vous utiliserez avec vos sources et vos interlocuteurs, interlocutrices. Voici les plus courants.

Face à face

C'est généralement l'option préférée. Elle vous aidera à entrer en contact avec elles, eux, mais aussi à préserver la confidentialité de vos échanges. Le langage corporel est un élément qu'il ne faut pas sous-estimer. Si vous posez une question difficile, la réaction de votre interlocutrice, interlocuteur peut vous donner plus d'informations que la réponse elle-même.

Appels

Si vous devez interroger votre source à distance, nous vous recommandons d'utiliser des communications avec chiffrement, ainsi que des outils qui vous permettent d'enregistrer la conversation, si vous avez leur permission. Si vous pouvez utiliser la vidéo, c'est toujours préférable.

Envoyez un courriel

C'est l'option la moins souhaitable, car elle réduira votre capacité à poser des questions additionnelles et à avoir une conversation appropriée. Plus important encore, vous ne pouvez pas être sûr que la personne que vous voulez interroger est celle qui répond aux questions. Ce canal devrait être votre dernier recours.

Termes clés

Tout le monde ne comprend pas le jargon des interviews, et les gens peuvent être confus par des termes comme « verser au dossier » ou « officieusement ». De plus, ces termes peuvent s'appliquer différemment selon les contextes et les cultures. Il est préférable de les éviter et de simplement expliquer à la personne que vous interrogez comment les informations seront utilisées. Ce processus doit être une conversation à double sens - attendez-vous à ce que la source repousse parfois, jusqu'à ce que vous arriviez à un accord que vous pouvez tous deux accepter.

Voici quelques termes (et pratiques) de base à connaître :

Verser au dossier

Cela signifie que vous pouvez utiliser les informations fournies dans les résultats publiés de l'enquête et mentionner la personne qui vous les donne.

Officieusement

Des informations confidentielles sont parfois fournies pour vous aider à obtenir des détails sur un sujet trop sensible pour que la source ou la personne interviewée en parle publiquement. En règle générale, vous ne pouvez pas rendre publiques des informations officieuses ni les attribuer à la personne qui vous les a données. Vous pouvez cependant utiliser ces connaissances pour obtenir des informations d'une autre source qui pourrait être plus ouverte ou disposée à les communiquer. Il est acceptable de divulguer ces preuves si vous pouvez les vérifier ailleurs ou obtenir des informations similaires figurant dans le dossier, que ce soit d'une autre source ou d'une autre recherche.

Non attribuable

La principale différence entre les informations non attribuables et les informations confidentielles (officieuses) est que, dans ce cas, vous pouvez publier l'information, mais vous ne pouvez pas nommer la source. Par exemple, vous pouvez dire qu'un certain membre de l'ambassade canadienne vous a fourni l'information, mais vous ne pouvez pas nommer la personne.

Anonyme

Vous pouvez publier les informations données au cours d'une interview, mais vous ne devez jamais nommer la source. Cela signifie que vous ne pouvez même pas mentionner qu'un certain fonctionnaire vous a fourni l'information. Par exemple, un diplomate canadien peut révéler des détails sur une affaire de corruption sur laquelle il enquête, et fournir des preuves que vous pouvez également utiliser dans votre investigation. Dans ce cas, même si vous ne nommez pas cette personne, le fait de mentionner qu'un diplomate canadien vous a fourni l'information peut la mettre en danger.

Si une source indique clairement qu'elle ne veut pas être identifiée dans votre projet publié, il ne suffit peut-être pas de supprimer son nom et son image. Partager l'employeur, le lieu exact, l'âge, les antécédents personnels ou familiaux d'une personne peut parfois permettre d'identifier quelqu'un sans que son nom ne soit jamais mentionné. Il peut être nécessaire de préserver l'anonymat d'une source, même si elle n'est pas consciente des risques qu'elle court en devenant publique. Par exemple, si vous recueillez des preuves sur la traite des êtres humains auprès d'une femme syrienne dans une petite ville norvégienne, demandez-vous combien il y a de femmes syriennes dans cette ville. S'il y en a très peu, vous risquez de révéler par inadvertance son identité.

Formulaires de publication

Il s'agit de documents signés dans lesquels la source ou la personne interviewée accepte que ses paroles et/ou son image soient utilisées dans le cadre de votre investigation et accepte que vous puissiez le faire dans les circonstances qui sont clairement décrites sur le formulaire.

Double contrôle

Vérifiez toujours que les données que vous avez reçues d'une source ou d'une personne interrogée sont exactes et, dans la mesure du possible, essayez de recueillir des informations similaires auprès de diverses sources. Si, à un moment quelconque de l'investigation, vous avez des doutes sur une quelconque information, vous devez vérifier auprès de votre interlocutrice, interlocuteur que vous avez bien compris les informations qu'il, elle vous a fournies.

Vérification des faits

Toutes les informations que vous recevez doivent être exactes pour qu'elles puissent être considérées comme des preuves. Vous devrez chercher confirmation de leur exactitude auprès de différentes sources et par différents moyens à différents moments de votre investigation.

Obtenir le consentement et autorisation

Même si une personne a accepté de vous parler, vous devrez lui expliquer certains termes relatifs à l'utilisation des informations qu'elle fournit, ou si son nom sera mentionné et comment. Parfois, vous devrez obtenir une autorisation signée pour utiliser son image et/ou ses mots. Un simple morceau de papier signé avec un accord écrit fonctionnera si vous n'avez pas de formulaire. Cela est particulièrement important lorsque vous interrogez des mineurs. Dans ce cas, un adulte doit toujours donner son consentement en leur nom.

Établir des limites

Assurez-vous que vos interlocutrices, interlocuteurs comprennent que vous les contactez en raison de votre travail - même si vous les connaissez déjà - et que la relation est professionnelle. Cela contribuera à réduire les attentes de vos sources humaines à votre égard.

Documenter de l'entretien

Pour faire avancer votre investigation, les témoignages et les preuves que vous recueillez auprès de sources humaines devraient idéalement être enregistrés sous une forme ou une autre. Sur le plan éthique et juridique, vous ne pouvez le faire qu'après avoir obtenu leur consentement.

Appels vidéo / enregistrements téléphoniques

Idéalement, vous devriez essayer de rencontrer les gens en personne pour vous assurer qu'ils sont bien ceux qu'ils disent être. Si vous devez parler à distance, utilisez un canal qui vous permet de voir leur visage (Jitsi, Wire etc.) et assurez-vous d'avoir un moyen d'enregistrer au moins l'audio, une fois que vous avez reçu cette autorisation de la personne interviewée. Sachez que certains appareils et applications montreront à votre interlocutrice, interlocuteur que vous utilisez un outil qui permet l'enregistrement, alors n'essayez pas de le piéger. Sur Skype, par exemple, dès que vous commencez à enregistrer, tous les participants à l'appel sont informés que l'appel est en cours d'enregistrement. D'autres canaux (dont Skype) ou lignes fixes ne seront pas sécurisés pour certains entretiens sensibles, alors gardez cela à l'esprit. Il est recommandé de demander une autorisation écrite pour l'enregistrement ou de le faire dire clairement avant de commencer l'entretien, et de faire enregistrer également leur autorisation.

Enregistrements photo / vidéo

Si vous prenez des photos ou faites une vidéo, ne vous laissez pas prendre par l'installation de vos gadgets et l'obtention d'un angle ou d'un éclairage parfait. Si vous demandez aux gens de changer de position ou de se déplacer vers un autre arrière-plan, demandez-leur s'ils, elles sont d'accord pour le faire, plutôt que de leur donner des instructions à cet effet. Par exemple, si une personne âgée ou malade se trouve chez elle par une journée froide et qu'il fait sombre à l'intérieur, ne lui demandez pas de sortir parce que vous voulez un meilleur éclairage. Si vous êtes venu⋅e avec un⋅e photographe ou un⋅e vidéographe, informez-les de ces considérations possibles ou demandez-leur de vous faire part de leurs exigences, afin que vous puissiez ensuite les communiquer à vos interlocutrices, interlocuteurs à l'avance.

L'éthique dans l'utilisation des enregistrements

Lorsque vous publiez votre histoire, choisissez les images que vous utilisez avec le plus grand soin. Par exemple, si vous écrivez sur la violence sexuelle, évitez les images qui font paraître impuissant⋅e⋅s ou faibles. Il en va de même pour les mineurs : vous devez toujours faire attention au type d'images que vous prenez et à la législation qui s'applique. Les droits et la protection du mineur sont toujours prioritaires.

Préoccupations d'ordre juridique

Obtenir une autorisation écrite pour l'enregistrement et la prise de photos/vidéos. Certains de ces éléments de preuve ne seront pas admissibles si vous n'avez pas d'autorisation légale - surtout si les informations peuvent être utilisées dans les tribunaux ou comme preuve par d'autres (journalistes, avocats, militants, ONG, etc.). En cas de doute, demandez conseil à un avocat.


Note sur les enregistrements : Vérifiez toujours les lois locales sur l'enregistrement des conversations pour vous assurer que vous n'enfreignez pas un règlement ou une loi.

Interviews nécessitant une approche particulière

Chaque investigation nécessitera des sources humaines différentes. Comme expliqué précédemment, vous devrez varier le type d'interviews que vous menez pour avoir une perspective plus large. Cela peut impliquer d'interroger des personnes se trouvant dans des lieux différents, mais aussi certaines qui pourraient nécessiter une attention particulière parce qu'elles sont vulnérables ou parce que le but de notre investigation pourrait être de monter un dossier juridique.

Voici quelques exemples de circonstances particulières auxquelles vous pouvez être confronté lorsque vous interrogez des personnes dans le cadre de votre enquête.

Entretiens dans des pays étrangers et dans d'autres lieux non familiers

Si vous avez l'intention de travailler sur un sujet dans un autre pays, tenez compte des particularités culturelles ou religieuses, assurez-vous d'y avoir un, une contact⋅e ou un réseau fiable et essayez de connaître les bases de la langue locale. Cela peut faire une énorme différence dans les résultats que vous obtiendrez.

Tel un poisson hors de l'eau

Lorsque vous voyagez pour rencontrer des personnes pour des interviews ou visiter des sites avant une réunion, vous devez être sensible aux différences culturelles, linguistiques, politiques et économiques, entre autres.

Essayez de combler les écarts existants autant que possible. Il sera utile d'entrer en contact avec des militant⋅e⋅s ou des organisations travaillant dans ce domaine.

Si le sujet ou l'événement sur lequel vous investiguez est toujours en cours, votre présence pourrait éveiller des soupçons, surtout si vous vous trouvez dans un endroit où votre visage ou votre tenue se distinguerait dans la foule. Réduisez les risques au minimum en vous renseignant autant que possible sur le comportement des forces de sécurité et des communautés locales et sur les règles (ou l'absence de règles) qui s'appliquent. Assurez-vous d'avoir les numéros d'urgence de votre ambassade ou de votre consulat. C'est une bonne idée de leur faire savoir que vous êtes dans le pays si vous le pouvez, mais faites attention à ne pas divulguer d'informations sensibles sur ce sur quoi vous investiguez si cela pourrait vous mettre en danger, vous et vos sources.

Entrer dans certaines régions avec une caméra professionnelle peut poser des problèmes. Faites des recherches avant votre voyage afin de ne pas perdre vos appareils à la douane. Votre sortie est aussi importante que votre entrée. Gardez à l'esprit nos recommandations en matière de sécurité pour les informations que vous avez recueillies et pour éviter que votre matériel ne soit fouillé ou confisqué.

Se déplacer

Dans les petites villes ou les villages, par exemple, il peut être préférable d'utiliser les transports locaux et publics disponibles, mais il y a des endroits où vous devez les éviter pour des raisons de sécurité.

Parfois, il est préférable de se déplacer en voiture ou d'être conduit par une personne de confiance qui travaille ou vit dans cette localité. Les conducteurs locaux, conductrices locales sont également bien plus à même de s'orienter ou de demander leur chemin dans la langue locale. Si vous prenez votre véhicule privé ou professionnel, il doit être aussi discret que possible. Envisagez de vous garer à distance dans une zone commune plus grande ou plus commerciale. Si vous vous sentez suffisamment sûr⋅e de vous pour prendre un taxi, vous pouvez toujours demander au chauffeur de vous déposer à une certaine distance du lieu où vous avez votre rendez-vous.

Pensez à ce qui peut être plus sûr : s'asseoir derrière votre chauffeur⋅e, ou s'asseoir sur le siège passager à proximité du chauffeur⋅e. Prenez en considération la façon dont les autres se déplacent, la façon dont vous connaissez le, la chauffeur⋅e et si vous êtes plus susceptible d'être arrêté⋅e ici. Souvent, une certaine marque, un certain modèle, un certain prix, un certain âge et/ou une certaine couleur de véhicule sont plus susceptibles d'être ciblés ou arrêtés. Cela peut être le fait des forces de l'ordre, des forces de sécurité, des gangs ou des voleurs. Discutez avec les personnes de la localité pour en apprendre plus.

Communications

Obtenir un numéro de téléphone local est un bon moyen de faciliter la communication avec une source locale. Les cartes téléphoniques locales sont souvent disponibles dans les aéroports et autour des gares principales ou dans les zones commerciales. Il est utile d'en obtenir une avec un forfait internet afin de pouvoir continuer à utiliser des communications chiffrées et d'avoir accès à une carte géographique numérique.


La sécurité avant tout! - Carte SIM

Dans certains pays, vous devez présenter une carte d'identité (ou une photocopie ou une photo) pour obtenir une carte SIM. L'achat d'une carte SIM avec votre carte de débit ou de crédit expose des informations personnelles supplémentaires. Non seulement vous donnez potentiellement des données personnelles (nom, date de naissance, etc.), mais vous vous associez également à cette carte SIM. Toutes les cartes SIM ont un numéro unique ou ICCID (Integrated Circuit Card ID) et un IMSI (International Mobile Subscriber Identity) associé qui sont également liés à vous. L'ICCID contient 19-20 numéros et est un numéro de série composé des codes de fabrication, du code pays, de l'identifiant de l'émetteur et du numéro de la carte SIM. Le numéro IMSI est composé d'un code de pays pour mobile (MCC), d'un code de réseau pour mobile (MNC) indiquant votre fournisseur et d'un numéro d'identification d'abonnement pour mobile (MSIN). Ces informations sont diffusées sur le réseau cellulaire lorsque votre téléphone portable est en service, et elles relient votre identité directement à la carte SIM.

Pour éviter cela, un numéro virtuel ou un numéro VoIP (Voice over IP) sera utile pour vous aider à avoir un numéro local qui n'est pas relié facilement et intimement à votre identité.

Nous vous conseillons de comprendre comment le suivi par téléphone portable, Wifi et Bluetooth vous relie, vous et vos appareils, à un lieu. Il est important d'évaluer si vous devez (ou non) apporter un téléphone avec vous lors d'une interview. Si vous vous sentez plus en sécurité en ayant un téléphone portable, essayez de le garder éteint. Un appareil hors ligne est un appareil qui est éteint. Idéalement, vous devriez conserver votre appareil dans un sac de blocage de la RFID ou un sac Faraday ou tout autre mécanisme de blocage des services cellulaires. Si vous avez besoin d'un moyen rapide de bloquer le signal de votre téléphone portable, enveloppez-le dans plusieurs (au moins deux) couches de papier d'aluminium, comme celui utilisé pour la cuisine. Il est important de tester cette méthode avant de s'y fier, en mettant d'abord un téléphone portable en ligne/allumé dans un sac de Faraday ou une feuille d'aluminium et en essayant de l'appeler. Le téléphone ne doit pas sonner.

Langue

Vous ne connaîtrez pas la langue locale dans tous les endroits où vous irez. Si vous travaillez avec un traducteur, une traductrice, vous devrez vous assurer de sa fiabilité. Il est utile d'entrer en contact avec des journalistes ou des militant⋅e⋅s locaux qui peuvent vous aider à traduire ou vous mettre en relation avec quelqu'un⋅e qui peut le faire. Il est également utile d'apprendre quelques mots qui vous aideront à vous déplacer. Merci ou s'il vous plaît et les salutations dans la langue locale seront appréciées.

Préoccupations culturelles et religieuses

Le fait de connaître les coutumes et les traditions locales contribuera à faciliter les interactions avec les communautés locales ou à passer inaperçues si nécessaire. Par exemple, certaines personnes peuvent ne pas vouloir qu'un étranger, une étrangère interagisse avec des enfants ou des bébés (pour éviter le mauvais œil). Les gens ne s'attendent peut-être pas à ce que vous vous comportiez comme elles, ils le font, cependant ils apprécieront peut-être que vous essayiez. Essayez de ne pas manger, boire ou fumer si une personne que vous devez rencontrer fait un jeûne, aussi considérez qu'il serait irrespectueux de refuser si elle vous offre une dégustation. Comme mesure d'atténuation, il peut être utile de dire que vous jeûnez également, ou de mentionner que vous êtes malade ou que vous avez des maux d'estomac, plutôt que de refuser catégoriquement un repas.

Ne prenez pas pour acquis la disponibilité de ce qui peut sembler être des commodités de base. Par exemple, dans un village, il est préférable de dire que vous devez utiliser les toilettes et de leur demander où aller, plutôt que de s'enquérir de l'endroit où se trouvent les toilettes. S'ils, elles n'en ont pas, ils pourraient se sentir gênés. Soyez respectueux, respectueuse et sincère si vous faites des compliments sur la maison ou la région ou sinon vous pourriez avoir l'air condescendant⋅e. Les communautés prennent sur elles le fardeau de l'hospitalité lorsqu'un⋅e étranger⋅e leur rend visite. Mettez-vous à l'aise, afin qu'ils, elles se sentent à l'aise. Soyez reconnaissant⋅e de leur temps, de vous permettre d'entrer chez elles, eux et dans leur vie, et exprimez ce sentiment à leur égard.

Genre

Votre sexe peut avoir et aura un impact dans tous vos entretiens, mais lorsque vous vous rendez dans un pays étranger, cela peut parfois faire une énorme différence. Si vous êtes un homme qui mène une investigatrice sur les mutilations génitales féminines dans une communauté traditionaliste, parler franchement aux femmes ne sera pas bienvenu. Essayez de trouver des moyens pour que votre interaction ne soit pas perçue comme une menace ou un manque de respect.

Il en va de même pour les femmes, même si, dans la plupart des cas, elles constateront que les gens sont plus ouverts à considérer les femmes étrangères comme un « troisième sexe ». Cela signifie qu'elles peuvent être autorisées à accéder à des endroits et à des personnes auxquels les femmes locales n'auraient jamais accès, ou à des endroits auxquels les hommes étrangers n'auraient jamais accès.


Conseil : Comme ressource de lecture, nous recommandons ce guide pratique (en anglais) du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits Humain (HCDH) sur l'intégration d'une perspective du genre dans les investigations concernant les droits de humain, avec des conseils pour interviewer les personnes et préparer le travail sur le terrain.

Vous devez garder à l'esprit que la façon dont vous vous habillez peut affecter le comportement des gens avec vous. Les hommes qui portent des shorts seront vus bizarres dans certaines communautés. Dans les mosquées, les églises orthodoxes ou les monastères, on peut vous demander d'enlever vos chaussures et dans les lieux saints, on peut demander aux femmes de se couvrir la tête, aussi se couvrir la tête doit être un signe de respect envers la communauté qui facilitera les interactions. Vous pouvez peut-être avoir une paire de chaussettes et un foulard sur vous. Dans certains lieux laïcs conservateurs, comme l'Université islamique de Gaza par exemple, on peut vous demander de vous couvrir. Ne le prenez pas comme une offense, même si cela va à l'encontre de vos principes. Votre objectif premier est de réussir votre interview et de recueillir des preuves pour votre investigation. Même si vous vous sentez obligé⋅e de défendre vos droits ou ceux d'autres personnes, ce n'est peut-être pas le meilleur moment pour le faire. Essayez de donner la priorité à votre investigation et d'accepter les demandes ou les restrictions relatives au code vestimentaire, si elles ne sont pas appliquées de manière violente, et considérez-les comme un choix que vous faites pour un meilleur objectif.

En règle générale, vous devriez vous en tenir à des vêtements et des chaussures confortables qui vous aideront à passer le plus possible inaperçu.


La sécurité avant tout! - Environnement hostile

Il est important de noter qu'un environnement hostile n'est pas nécessairement une zone de conflit. Vous ne devez jamais vous rendre dans une zone de conflit sans la formation appropriée en matière d'environnement hostile, pourtant vous devrez peut-être investiguer dans des pays qui ne sont pas plongés dans une guerre ou un conflit ouvert

  • comme la Colombie, le Mexique, Israël ou l'Égypte - et qui sont toujours considérés comme environnements hostiles et donc risqués pour les investigatrices et investigateurs. Vous pouvez également être citoyen⋅ne d'un pays où il y a un conflit en cours et donc vivre et travailler dans la tension des environnements où votre sécurité, et vos sources et les personnes interviewées pourrait être en danger permanent. La plupart des recommandations précédentes concernant qui des personnes qui investiguent dans des pays étrangers s'appliqueront, cependant vous devez être extrêmmeent prudent⋅e dans les contacts avec les gens, décider où vous vous installez et la façon dont vous traitez avec les fonctionnaires, les sources et les personnes interviewées.

Pour des ressources de lecture sur la recherche et le reportage sensibles aux conflits et sur le travail dans les zones de conflit, nous recommandons de passer en revue l'Institut pour Les publications de War and Peace Reporting (IWPR). Un exemple de ressources que vous pouvez trouver sur leur site est le Conflict Sensitive Journalism in Syria (en arabe) ou Reporting for Change : Un manuel pour les journalistes locaux dans les zones de crise.

Essayez d'être ce qu'on appelle une personne de l'ombre. Faites profil bas. Passez inaperçu⋅e. Ne laissez pas des gens au hasard savoir qui vous êtes ou ce que vous faites dans le pays, sauf si vous estimez que cela est sécurisant de le faire. Soyez particulièrement prudent⋅e lorsque vous bavardez ou faites la conversation. Dans beaucoup de ces pays, les forces de sécurité s'appuient sur un réseau d'informateurs bien entretenu, à l'affût des menaces éventuelles. Ne révélez pas d'informations personnelles et ne posez pas de questions révélatrices sur vos sources, vos interlocuteurs et interlocutrices ou tout autre élément susceptible de susciter des soupçons.

Par exemple, si vous essayez de trouver l'emplacement d'une ONG locale qui vous aidera à vous y retrouver, il serait sage de ne pas demander cela à l'hôtel où vous séjournez. Essayez d'y recueillir des points de repère pour pouvoir vous renseigner sur un endroit proche ou trouver votre chemin avec un⋅e chauffeur⋅e fiable sans pointer du doigt l'organisation (par exemple, une cafétéria ou un magasin près du bureau de l'ONG). Si cela ne fonctionne pas, essayez de demander aux passant⋅e⋅s loin de l'endroit où vous passez généralement la plupart de votre temps. Évitez les portiers et les barmans, qui sont souvent employés par la police et peuvent être contrôlés par des gangs.

Bien que cela puisse être réconfortant sur le plan émotionnel, essayez d'éviter les routines comme marcher sur le même itinéraire ou manger au même endroit tous les jours. Pour vous aider à changer votre routine, tirez à pile ou face ou lancez un dé lorsque vous prenez des décisions banales. Par exemple, vous pouvez décider de marcher, de prendre les transports en commun ou un taxi, ou encore de vous rendre à un endroit le mardi ou le mercredi. Cela permet de rompre avec des habitudes dont vous ne vous rendez peut-être pas compte. En vous mettant en contact avec une communauté d'expatrié⋅e⋅s, vous pouvez vous identifier comme membre de cette communauté. Des choses banales comme les pièces de monnaie et l'argent que vous apportez avec vous ou que vous prenez d'un pays peuvent vous relier à cet endroit.

Chaque fois que vous entrez dans un environnement hostile, assurez-vous de savoir comment vous allez entrer et comment vous allez sortir si quelque chose tourne mal. Consultez les informations locales pour être au courant de l'évolution de la situation.

Par exemple, si vous recueillez des preuves d'abus contre une communauté locale dans une région éloignée et qu'une vague d'attaques commence, vous devrez peut-être abandonner la zone. Il se peut que vous ne puissiez pas sortir de la même manière que vous êtes entré⋅e (en voiture ou en train) ou avec la personne avec laquelle vous êtes entré⋅e, en raison de circonstances différentes (postes de contrôle sur les routes, interruption du transport ferroviaire, etc.). Vous devez toujours avoir une deuxième option : un⋅e chauffeur⋅e ou la connaissance d'itinéraires alternatifs, par exemple.

Si vous vous rendez à une manifestation, il sera utile de savoir comment agissent les forces de sécurité. Prévoyez un plan de secours. Essayez de connaître les stratégies qu'elles appliquent pour réprimer les manifestant⋅e⋅s. Renseignez-vous également à l'avance pour savoir si votre passeport ou votre nationalité vous sera utile ou, à l'inverse, pourrait vous faire arrêter (le fait de détenir un passeport de certains pays peut vous attirer des ennuis). Si vous investiguez sur l'utilisation d'armes non autorisées ou le meurtre de civils pendant les manifestations, le fait de savoir que l'attaque se déroulera d'une certaine manière peut-être utile pour éviter d'être pris entre deux combats.

Considérez votre ambassade dans le pays comme une alliée, mais pas comme un sauveteuse de vie.

Hébergement

Les hôtels sont généralement préférés aux hôtes locaux. Selon le travail que vous effectuez, vous pouvez les mettre en danger ou, en fonction de leurs affiliations, il peut sembler que vous ayez une préférence pour un certain parti ou groupe et que vous ayez pris parti. De plus, si vos hôtes sont sous surveillance, cela peut compromettre votre investigation. Toutefois, il existe des exceptions et il est parfois plus sûr pour vous de séjourner chez des hôtes locaux que d'utiliser un hôtel. Faites preuve de bon sens et pesez le pour et le contre avant de vous décider.

Considérez que dans certains endroits, en fonction de l'objet de votre investigation ou des personnes que vous allez rencontrer, le choix d'un hébergement dans un quartier spécifique peut également impliquer de prendre parti. Ces prises de position peuvent avoir une incidence sur le risque que vous courez (si l'un des groupes est persécuté ou attaqué, vous risquez d'être exposé⋅e), mais elles peuvent aussi signifier que vous devez prendre position d'un côté ou de l'autre des factions opposées, et que d'autres peuvent refuser de vous parler pour cette raison. Dans des endroits comme Gaza, par exemple, même lorsque la situation est relativement stable, vous devez savoir si vous vous trouvez dans un quartier où la majorité des gens sont des partisans du Hamas, du Fatah, neutres ou internationaux. Vous devez toujours vous assurer que, dans la mesure du possible, vous vous trouvez dans un endroit où il y a d'autres étrangers ou des organisations internationales.

Évitez de dire lors de rencontre au hasard où vous séjournez. Si vous devez rester longtemps au même endroit pour mener votre investigation, il peut être utile de changer plusieurs fois de logement pour éviter que les gens ne se méfient. Cherchez d'autres moyens de quitter l'hôtel et ne suivez pas une routine.

S'il y a des restrictions concernant l'électricité ou le réseau, pensez-y avant de réserver une place.

Se déplacer

Cherchez des moyens de transport fiables et assurez-vous que vous pouvez faire confiance aux personnes qui vous aident à vous déplacer. Dans la mesure du possible, planifiez vos rendez-vous à l'avance et voyagez avec l'aide d'une personne connaissant bien la région.

Sachez par avance où vous allez et ne commencez pas un déplacement si vous ne vous sentez pas en sécurité ou si vous ne savez pas comment vous pourrez quitter les lieux. Gardez en gardant à l'esprit que les locaux peuvent estimer le risque différemment de vous. Exprimez votre opinion et partagez vos préoccupations, et posez vos questions aux personnes qui vous guident. Une visite dans une ferme de la zone tampon à Gaza ou dans la jungle en Colombie peut vous exposer, vous et votre investigation, à une rencontre indésirable avec les forces de sécurité ou des groupes armés. Par exemple, les habitant⋅e⋅s de la zone tampon de Gaza ne portent pas de gilet pare-balles, alors que vous pouvez souhaiter en porter un (et le devriez) lorsque vous êtes dans la zone. Vous pouvez également vouloir interroger des personnes qui recueillent des preuves des effets de la fracturation de sols dans une certaine zone, et être confronté à une affreuse rencontre avec les partisans ou les travailleurs de l'entreprise de fracturation, dans un lieu isolé ou restreint.

Ne vous sentez pas obligé⋅e d'aller de l'avant avec une interview ou une réunion dangereuse simplement parce que vous pensez que vous le devez aux groupes locaux et aux personnes qui vous aident. Il est parfois plus réaliste de prendre du recul et d'analyser la situation ou les autres sources d'information.

Interviewer les sources vulnérables

Certaines personnes que vous interviewez peuvent être particulièrement vulnérables. Peut-être ne comprennent-elles pas bien ce que signifie pour elles la publication en ligne de leur histoire, de leur nom ou de leur image. Peut-être ne comprennent-elles pas bien le type de travail que vous effectuez, ou ont-elles des attentes irréalistes quant à savoir si et comment vous pouvez les aider. Peut-être qu'en s'adressant à vous, ils ou elles risquent leur liberté ou leur sécurité physique. Ou peut-être sont-ils, elles traumatisé⋅e⋅s et vous devrez mener votre entretien avec beaucoup de sensibilité.

Dans de telles circonstances, il est important de savoir avec certitude que votre source est réellement consentante (et, dans la mesure du possible, qu'elle le confirme par écrit). Il est de votre responsabilité - et non de celle de la personne interrogée - de vous assurer qu'elle comprend exactement l'utilisation que vous ferez des preuves ou des témoignages qu'elle vous fournira, la manière dont cela sera utilisé, comment ils, elles seront identifié⋅e⋅s, le cas échéant, et quels sont les risques. Veillez à bien réfléchir aux répercussions possibles pour votre source avant de rendre publics ses éléments de preuve et son témoignage, et décidez ensemble si ces risques valent la peine d'être pris.

Essayez d'entrer en contact avec les sources vulnérables par l'intermédiaire d'une organisation que la personne connaît déjà, d'un membre de sa famille ou d'un⋅e ami⋅e/confident⋅e avec lequel elle est à l'aise. Cette personne pourrait informer la personne victime de vos références et être présente au moment de l'entretien si nécessaire.

Victimes de traumatismes

L'un des aspects les plus importants de l'interview avec une personne est de lui donner le sentiment que vous l'entendez. C'est particulièrement important si vous avez affaire à des survivant⋅e⋅s de traumatismes. Si vous interviewez une personne qui a déjà expliqué son histoire à d'autres (par exemple à des travailleurs, travailleuses ou organisations de défense des droits humains), vous voudrez peut-être confirmer certaines choses et essayer de recueillir plus d'informations, aussi vous devez éviter de forcer quelqu'un⋅e à se rappeler inutilement un incident douloureux.

Concentrez-vous sur les faits de son expérience, plutôt que de vous laisser emporter par ses émotions. Par exemple, si la personne a perdu sa famille dans une frappe aérienne, vous voudrez peut-être en savoir plus sur le contexte, la région où elle vivait, s'il y a un poste de police ou des membres d'une certaine faction dans la région, que sur le traumatisme et la perte. Vous êtes d'abord un être humain et ensuite investigatrice, investigateur et vous devez toujours faire preuve du respect et de la sensibilité que vos interlocuteurs, interlocutrices méritent. Ne vous précipitez pas : il faudra peut-être de nombreux entretiens pour que les sources vulnérables soient suffisamment à l'aise pour partager les détails.

Lorsqu'elles commencent à raconter leur histoire, essayez de faire plus d'écoute que de parler. Posez des questions ouvertes et, si vous souhaitez, posez des questions complémentaires pour obtenir plus de détails, laissez-les toujours terminer leurs réflexions d'abord, puis parler. Essayez d'éviter autant que possible de perturber le déroulement de l'histoire. Soyez patient⋅e, et essayez d'identifier les effets du traumatisme pendant qu'ils, elles parlent. Par exemple, en cas de manque de mémoire linéaire, des questions additionnelles comme « que s'est-il passé d'autre ? » au lieu de « que s'est-il passé ensuite » peuvent les aider à raconter l'histoire sans avoir le sentiment de ne pas aller jusqu'au bout. C'est un moyen utile d'établir ce qui s'est passé et de rassembler les preuves et les données avec précision.

Ne soyez pas frustré⋅e⋅s si les gens ont des trous de mémoire ou s'ils, elles changent des détails de l'histoire d'un entretien à l'autre ou semblent ne pas se souvenir de quelque chose qu'ils, elles avaient dit précédemment. Elles sont traumatisées et ces changements ne signifient pas nécessairement du mensonge, mais plutôt de la peur. Faites en sorte qu'ils, elles se sentent en sécurité. Si vous avez l'expérience d'histoires similaires, vous pouvez les partager pour montrer de l'empathie, cependant essayez de le faire de manière à ce qu'ils, elles n'aient pas l'impression que vous mettez en péril leur expérience.

Veillez à ce que la personne vulnérable ait un certain contrôle pendant l'entretien. L'endroit où vous l'interviewez doit lui donner un sentiment de sûreté.

Il s'agit généralement de sujets très délicats, alors soyez prêt⋅e à faire preuve d'émotion et offrez des pauses régulières. Quelque chose d'aussi simple que de leur offrir un verre d'eau ou un moment seul⋅e est très utile.

Le fait qu'une personne soit vulnérable ne signifie pas nécessairement que son récit est digne de confiance. Elle, il peut avoir été forcé⋅e par quelqu'un⋅e ou contenir des erreurs involontaires. Vous ne devez pas vous contenter de croire une histoire personnelle sans la vérifier au préalable par d'autres moyens, cependant vous devez toujours faire preuve de compréhension et d'empathie, que vous vous sentiez ou non sceptique au fond de vous.

Vérification des faits

Même si vous avez fait vos devoirs et êtes sûr⋅e de la fiabilité de vos sources, vous devez toujours vous assurer que les preuves qu'elles ont fournies sont exactes, impartiales et fiables. Vérifiez toujours l'exactitude des affirmations d'une personne interviewée par rapport aux données recueillies auprès d'autres sources, y compris par des entretiens ou des recherches supplémentaires. Une personne interviewée peut mentionner certaines choses comme des leurres, alors gardez votre radar allumé. Si quelque chose ne semble pas correct, continuez à chercher, et vérifiez et revérifiez les faits autant que vous besoin.

Contrôles et bilans

Pour être fiable, votre investigation doit être équilibrée. Cela signifie que vous devez éviter vos préjugés personnels et ceux des personnes interviewées afin d'avoir une perspective plus large. Cependant la manière dont vous présentez vos preuves et le poids que vous accordez à chaque entretien sont également très importants. Essayez de contrebalancer les déclarations avec précision. Par exemple, le gouvernement égyptien peint des bâtiments dans les quartiers pauvres du Caire, tandis que les infrastructures et autres services sont négligés. Dans un cas comme celui-ci, vous pourriez équilibrer l'impact positif des témoignages faisant l'éloge de ces mesures avec d'autres qui peuvent donner un contexte et exposer les aspects négatifs.

Évaluer les besoins, les ré-évaluer

Votre investigation est comme un puzzle. Même si vous avez vérifié les faits à chaque étape, vous devriez réexaminer et réfléchir à vos preuves lorsque vous aurez toutes vos informations, données et déclarations. Si nécessaire, n'hésitez pas à retourner à vos sources pour obtenir des éclaircissements ou à prendre contact avec des personnes qui peuvent vous aider à mieux comprendre vos éléments de preuve. Vous pouvez toujours élargir votre perspective en vous adressant à des personnes nouvelles et différentes. Il est utile de laisser les choses se calmer pendant un certain temps si vous avez le temps, puis de regarder vos preuves avec un regard plus neuf. Vous pourrez ainsi découvrir des détails que vous n'aviez jamais vus auparavant.

Droit de réponse

Si le but de votre investigation est de publier un article qui accuse quelqu'un d'avoir commis un acte répréhensible, cette personne a le droit de répondre à ces allégations.

Dans certains pays, les organismes de presse et autres éditeurs sont tenus de donner à la personne en question le droit de répondre aux accusations portées contre elle en vertu de la loi sur la diffamation. Qu'il s'agisse ou non d'une obligation légale là où vous vivez ou travaillez, c'est la chose éthique à faire. Chacun⋅e mérite d'avoir la possibilité de répondre aux allégations publiques portées contre elle ou lui.

En règle générale, il est plus facile d'aborder le sujet d'une investigation avec les allégations que vous avez l'intention de publier après avoir déjà effectué la majeure partie du travail sur le projet. Cela vous donnera également l'occasion de corriger tout ce que vous avez pu mal comprendre auparavant. Un moyen facile de le faire est d'établir poliment le contact et d'envoyer ensuite une liste écrite de questions portant sur les allégations formulées à leur encontre dans le cadre de votre investigation.

Ce faisant, vous vous exposez parfois vous-mêmes, ainsi que votre travail, vos sources et/ou l'organisation avec laquelle vous travaillez, à des interférences. Considérez le moment et la manière dont vous informez de vos motifs pour éviter de ruiner votre investigation ou de mettre en danger votre personne ou vos sources. Les personnes avec lesquelles vous avez déjà parlé et qui vous ont fourni des preuves pourraient être menacées et nier leurs accusations antérieures, ou vous demander de ne pas utiliser l'entretien.

Honorer les efforts de vos sources et des personnes interviewées

Compte tenu du temps et des efforts que vos sources et les personnes interviewées consacrent à répondre à vos questions, en particulier dans des conditions de risque et/ou de ressources limitées, elles méritent votre reconnaissance.

Vous pouvez honorer leurs efforts en faisant de petites choses comme leur envoyer des copies ou des liens vers votre investigation si vous la publiez, ou en reprenant contact avec eux, elles lorsque vous reviendrez dans leur région. C'est un moyen utile de constituer un réseau de sources qui vous aide à vous tenir informé⋅e ou à attirer votre attention sur d'autres investigations possibles.

Rester en contact

Si vous prévoyez de rester en contact avec une personne que vous avez interviewée après l'investigation, il y a quelques considérations à prendre en compte. Nous avons déjà abordé le fait que distribuer des cartes de visite ou donner trop de détails personnels à des personnes au hasard ou même à vos sources n'est pas toujours une bonne idée. Selon la source, le fait d'avoir votre carte ou vos coordonnées peut les compromettre et/ou vous compromettre, et donc compromettre l'ensemble de votre investigation. Assurez-vous qu'ils et elles comprennent que pour des raisons de sûreté et pour leur propre bien, il est important de maintenir une communication sécurisée, de s'appuyer sur des applications de messagerie chiffrée et de ne révéler des informations nouvelles et sensibles que lorsque vous avez la possibilité de vous rencontrer ou d'établir des canaux de communication sûrs.

Savoir quand lâcher prise

Il existe différentes raisons pour lesquelles vous pouvez être amené à abandonner votre investigation. Se sentir dépassé⋅e est une chose naturelle, et la pression et le stress de votre travail peuvent prendre le dessus à un moment donné, comme nous l'avons expliqué précédemment. En outre, vos recherches peuvent finir par montrer qu'il n'y a pas d'affaire, ou que vous ne serez pas en mesure de rassembler toutes les preuves dont vous avez besoin. Réfléchir à votre investigation vous aidera à décider si vous devez lâcher prise.


La sécurité avant tout!

Comment éviter de laisser des traces numériques lors de vos entretiens : avant, pendant et après.

Il existe de nombreuses façons de laisser des traces numériques vous reliant à la personne interviewée tout au long du processus d'entretien (et de l'investigation dans son ensemble, d'ailleurs). Ces liens peuvent être utilisés pour révéler qui vous interviewez, quand vous les interviewez, pourquoi vous les interviewez et, dans le pire des cas, même le contenu d'un entretien. Vous trouverez ci-dessous un programme du processus d'entretien, y compris les moyens d'atténuer les empreintes numériques que vous pourriez laisser en cours de route.

Le problème du premier contact

Une fois que vous avez identifié et développé un contact étroit avec une source, celle-ci peut être ouverte à l'idée d'utiliser une communication plus sécurisée. Ces méthodes de contact laisseront sans aucun doute moins de traces numériques. Le risque est plus élevé les premières fois que vous entrez en contact avec une source. Une façon d'éviter les erreurs initiales qui vous lient à votre source ou au sujet de l'entretien est de rédiger quelques étapes et directives sur la façon dont les personnes peuvent vous joindre en toute sécurité. Inspirez-vous des pages de conseils des organismes de presse, telles que le guide pour les sources de The Intercept, le guide du New York Times sur la manière de les contacter en toute sécurité ou anonymement, ou les biographies de journalistes comme les conseils de Barton Gellman. Ces documents offrent des idées sur la meilleure façon d'initier la communication avec les sources.

Vous trouverez ci-dessous quelques éléments à prendre en compte avant d'entamer la communication, et tout au long de vos interactions avec votre source.

AVANT: Appels

Lorsque l'on cherche des personnes à interviewer, il est courant de passer des appels téléphoniques. Lorsque vous passez des appels, essayez d'utiliser un numéro virtuel de voix sur IP (VoIP) ou un téléphone qui n'est pas relié à vous.

Avec les téléphones et les numéros ordinaires, le numéro que vous composez et votre numéro sont liés dans un journal d'appels. Ce journal existe dans votre appareil et est enregistré par l'entreprise de télécommunications qui fournit le service. Ce journal d'appels laisse une trace. Toute personne ayant accès à l'appareil de l'appelant ou du destinataire peut voir le journal d'appels qui relie les deux parties. Toute personne en mesure de prouver à l'entreprise de télécommunications qu'elle est le propriétaire du numéro de téléphone appelé peut également avoir accès au journal d'appels. Les autorités locales, les forces de sécurité et les gouvernements peuvent également avoir accès au journal. En appelant à partir d'un nouveau numéro qui ne peut pas être directement relié à vous, vous évitez de vous associer au numéro du journal d'appels. Lorsque vous attendez des appels de sources potentielles, donnez-leur un nouveau numéro généré par un service VoIP, ou au moins utilisez une nouvelle carte SIM au lieu de votre numéro habituel.

C'est une bonne idée de faire une recherche sur votre propre numéro de téléphone auprès de l'opérateur et de l'appelant pour voir s'il renvoie à des détails de votre identité (car ce n'est pas toujours ce que vous souhaitez). Vous devriez également vérifier si votre téléphone est équipé d'une messagerie vocale. Ne laissez pas vos données personnelles et vos affiliations sur l'enregistrement de votre messagerie vocale. N'oubliez pas que la plupart des mots de passe de messagerie vocale comportent 3 ou 4 chiffres et sont faciles à deviner. Une personne peut appeler le fournisseur de services de messagerie vocale, entrer dans une boîte aux lettres (généralement votre numéro de téléphone), puis se voir demander un mot de passe qu'elle devinera. Souvent, il n'y a pas de limite à la possibilité de deviner le mot de passe et, en fin de compte, une personne déterminée aura accès à votre boîte vocale.

AVANT: Communication en ligne

L'internet est une excellente ressource lorsqu'il s'agit de savoir qui interviewer et comment les atteindre au mieux. Toutefois, ce faisant, vous mettez en relation de nombreuses informations sur votre ordinateur, votre localisation, ainsi que l'heure et la date de votre recherche ou de votre visite sur le site web. Par exemple, les investigatrices et investigateurs font souvent des recherches sur des pages web spécialisées ou locales qui ne sont pas très fréquentées. Un jour donné, vous pouvez être l'un⋅e des rares visite d'un obscur organigramme, de notes de réunion du conseil d'administration, de biographies d'employé⋅e⋅s de l'entreprise ou de listes de contacts détaillées. Il se peut même que vous soyez le seul visiteur. Le webmestre du site a accès à une liste des personnes qui accèdent au site, ce qui peut lui permettre de vous retrouver et de saboter votre investigation.

Un réseau privé virtuel (VPN) est une bonne option, non seulement pour chiffrer votre trafic Internet local, et aussi pour masquer des informations sur votre localisation, comme votre adresse IP et votre DNS, qui font partie de l'utilisation normale du web. L'utilisation d'un navigateur uniquement à des fins de recherche permet de compartimenter et de limiter les données qui sont partagées.

Le navigateur que vous choisissez ne doit pas être le même que celui que vous utilisez pour tout le reste. Nous recommandons le navigateur Tor et, en second lieu, Firefox. Même si vous utilisez un VPN, vous pouvez constater que certaines données de localisation proviennent toujours de votre navigateur (la barre inférieure d'une page de résultats de recherche Google peut afficher votre véritable position, par exemple). Une solution consiste à utiliser la navigation privée ou le mode incognito. Pour une protection encore plus grande, nous vous recommandons d'utiliser l'internet public (c'est-à-dire pas votre routeur à domicile ou au bureau) ou un réseau qui ne vous est pas associé.

Lorsque vous créez des comptes sur un service, nous vous recommandons d'utiliser une nouvelle adresse électronique. Vous pouvez créer une adresse électronique plus rapidement et plus facilement sur Tutanota.de. Une autre option consiste à créer une adresse électronique sur Protonmail.com.

Lors de la création de comptes, nous vous recommandons d'utiliser un mot de passe long et sûr (non intuitif). Plus le mot de passe est long, plus il est fort. Considérez un mot de passe d'au moins 15 caractères. Un moyen facile de le faire est de créer un mot de passe composé de plusieurs mots. Les gestionnaires de mots de passe sont des applications et des services qui peuvent rapidement générer des mots de passe puissants pour vous, et stocker en toute sécurité une liste de tous vos mots de passe. Nous vous recommandons d'utiliser un gestionnaire de mots de passe tel que KeyPassXC. Vous pouvez lire en détail comment créer des mots de passe plus puissants dans notre guide Security-in-a-Box sur les mots de passe.

PENDANT: Vérification

Si vous n'avez jamais rencontré votre source ou votre interlocuteur, interlocutrice auparavant ou si vous ne l'avez rencontré⋅e que quelques fois, il peut être judicieux de mettre en place un système de défi/réponse. Celui-ci peut être visuel - « nous accepterons de porter du jaune » - ou il peut s'agir d'une action, comme *« apportez un Rubik's cube », ou d'une question pré-convenue et d'une réponse convenue à celle-ci. Cela peut être utilisé comme une forme subtile de vérification que vous êtes la personne qui interviewe et qu'ils sont la personne interviewée.

PENDANT: Notes d'entretien, enregistrements et dossiers

Que vous organisiez un seul entretien ou une série d'entretiens, vous êtes susceptible de produire de grandes quantités de données. Celles-ci peuvent se présenter sous la forme de notes manuscrites ou de fichiers sur un ordinateur. Il est judicieux de chiffrer ces données par voie électronique afin que seul un accès autorisé soit possible. Le moyen le plus rapide de chiffrer des notes manuscrites est d'utiliser une caméra vidéo ou un smartphone pour enregistrer les notes sur bande vidéo. Dans une pièce bien éclairée, placez la caméra au-dessus de vous avec champ d'enregistrement vers le bas ou posez-la sur une surface en verre transparent pour enregistrement au travers de la vitre. Lancez l'enregistrement. Placez les notes devant le champ de la caméra, attendez une seconde, puis placez une autre série de notes. Regardez la vidéo : elle devrait maintenant contenir toutes les notes écrites.

Cataloguez l'emplacement de chaque note dans la durée de la vidéo, puis chiffrez la vidéo et le document de la durée de la vidéo. Pour les fichiers et dossiers électroniques, chiffrez directement les données. Pour chiffrer les fichiers et les dossiers, nous recommandons l'utilisation de Veracrypt ou de Cryptomator. Veracrypt a plus de fonctionnalités, néanmoins beaucoup trouvent Cryptomator plus facile à utiliser. L'achat d'un appareil de chiffrement au niveau matériel est également une bonne idée. Il s'agit de lecteurs externes sur lesquels se trouve un clavier. Leur contenu n'est accessible qu'avec un code d'accès. Cela peut être plus rapide et plus facile : il suffit de faire passer les fichiers sur dans l'appariel de chiffrement. Pour une protection supplémentaire, vous pouvez déplacer des fichiers déjà chiffrés sur le disque dur chiffré par un code d'accès.

APRÈS: Envoi et réception de grandes quantités de données

Une fois le travail effectué, vous devrez peut-être envoyer les données pour collaborer avec quelqu'un⋅e d'autre ou pour les conserver. Voici quelques méthodes, par ordre de sécurité :

  1. Vous pouvez utiliser OnionShare pour envoyer ou recevoir des fichiers depuis votre ordinateur. Avec cela, vous créez un lien web dans OnionShare qui ne peut être visité que dans le navigateur Tor. Ce lien amène la personne qui y a accès à une page où elle peut télécharger ou envoyer un fichier. Tant que votre ordinateur et le sien sont en ligne en même temps, le transfert de données peut se poursuivre.

  2. SEND by Tresorit vous permet d'envoyer jusqu'à 5 GB à un serveur nuagique pour que vous ou quelqu'un⋅e d'autre puisse les récupérer. Les fichiers durent 48 heures avant d'être automatiquement supprimés. Il est fortement recommandé de chiffrer le fichier et le dossier avec Veracrypt ou Cryptomator avant de le compresser et de télécharger ce conteneur chiffré dans le nuage. SEND by Tresorit vous permet d'être notifié⋅e par e-mail lorsque le fichier est téléchargé, et il y a également la possibilité de définir un mot de passe sur le lien pour télécharger le fichier.

Il est fortement recommandé de chiffrer le fichier et le dossier avec Veracrypt ou Cryptomator avant de le compresser et de le télécharger.

Collaboration et 'networking'

Il existe plusieurs organisations locales, régionales et mondiales axées sur l'investigation et le soutien aux investigatrices et investigateurs, y compris les citoyens et citoyennes en investigation. Ces derniers peuvent vous être utiles si vous estimez que votre travail ou vous-même avez été compromis, si vous êtes en danger, si vous avez besoin de conseils sur la manière de mener votre enquête ou si vous souhaitez apprendre à assurer votre sécurité :


Publié en octobre 2019 / mis à jour en novembre 2021

Ressources

Articles et Guides

Glossaire

term-anonymous

Source anonyme - Vous pouvez publier l'information ou l'utiliser sans jamais nommer la source. La publication doit être faite de manière à ce que personne ne puisse relier cette information à la source qui vous l'a donnée.

term-backgroundcheck

Vérification des antécédents - Recherche visant à recueillir le plus d'informations possible sur une personne, un groupe, une organisation ou un sujet, afin de confirmer ou de vérifier des éléments d'information importants avant de procéder à des entretiens, de faire des recherches sur le terrain ou de passer à d'autres étapes de l'investigation.

term-doublecheck

Double vérification - Vérifier que les données que vous avez reçues d'une source ou d'une personne interviewée sont exactes en recueillant les mêmes informations auprès de diverses sources.

term-encryptedcomms

Communication chiffrée - Moyen de communication par le biais d'applications et de courriers électroniques qui utilisent des informations chiffrées. Ces informations ne peuvent être décodées et donc lues que par la personne qui possède le mot de passe ou la clé de déchiffrement appropriées.

term-factchecking

Vérification des faits - Processus consistant à demander confirmation de l'exactitude des informations que vous collectez en les vérifiant auprès de différentes sources et en utilisant différentes techniques à différents moments de votre investigation.

term-interviewee

Personne entretien/interviewée - La personne que vous interviwez.

term-nonattributable

Non attribuable - Vous pouvez publier l'information, mais vous ne pouvez pas en nommer la source.

term-offrecord

Officieuse / officieux / officieusement - Vous ne pouvez pas rendre publiques les informations que vous recevez ni les attribuer à la personne qui vous les a données. Des informations vous sont parfois confiées pour comprendre le contexte d'un sujet trop sensible pour que la source ou la personne interviewée en parle publiquement.

term-onrecord

Officiellement - Vous pouvez utiliser les informations fournies lors d'un entretien ou d'une conversation et mentionner la personne qui vous les donne.

term-prooflife

document d'existence légale - Document qui servira à prouver que vous êtes en vie au cas où quelque chose comme un enlèvement ou une détention vous arriverait. (voir un exemple ici)

term-releaseform

Formulaire de décharge - Document dans lequel la source ou la personne interviewée accepte avec sa signature que ses paroles et/ou son image soient utilisées dans le cadre de votre investigation et accepte que vous le fassiez dans certaines circonstances qui sont clairement mentionnées sur le formulaire. Ce document est également appelé « formulaire de consentement éclairé » ou simplement « formulaire de consentement ».

term-riskassess

Évaluation des risques - Mesure de la probabilité que des menaces se produisent au cours de votre investigation lorsque vous traitez avec des sources et des personnes interviewées, afin que vous sachiez comment les prévenir et/ou y faire face si vous ne pouvez pas les éviter.

term-source

Source - Personne qui partage des informations avec vous et/ou avec qui vous restez en contact au fil du temps, et qui peut apporter des informations à vos investigations.