Tirez les Choses au Clair : Les bases de la vérification des faits

par Deepak Adhikari, rédacteur de South Asia Check

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En Bref: Lorsque nous parlons des éléments de preuves, nous parlons de faits - d'informations prouvées, vérifiées, transparentes, imputables et de méthodes pour les trouver. Apprenez d'un praticien ce que signifie la vérification des faits (Fact-Checking) pour chaque information que vous trouvez et que vous avez l'intention d'utiliser, et préparez-vous à le faire même si vous ne faites pas partie d'une organisation ou si vous n'avez pas les ressources nécessaires pour obtenir un soutien plus spécifique.


La vérification des faits est le processus par lequel quelqu'un⋅e vérifie si une information est authentique ou non ou, dit autrement, si une information est étayée par des faits vérifiables ou non.

Presque tout le monde sait que l'on ne peut pas faire confiance à tout ce que l'on lit, voit ou entend. Une fausse information dans les médias ou en ligne peut être minime et insignifiante, voire une simple et honnête erreur. Mais la diffusion de fausses informations et de désinformation peut éroder les institutions démocratiques, promouvoir des régimes autoritaires et saper la capacité des gens à prendre des décisions en connaissance de cause.

Heureusement, avec la vérification des faits, il existe des méthodes, des processus et des outils faciles à apprendre pour exposer et repousser les fausses informations sous toutes leurs formes.

Bien sûr, toutes les affirmations ne sont pas vérifiables. Par exemple, vous ne pouvez pas vérifier les intentions des gens, ni les prophéties ou les prédictions. La plupart des vérifications des faits reposent sur des preuves accessibles au public pour démystifier une affirmation (Debunking).


Note :

Pour commencer, il est important de souligner la différence et le lien entre la vérification par recoupement et la vérification des faits. Si l'on se réfère à l'un des guides des plus prisés

  • Verification Handbook / Guide de vérification - la vérification par recoupement est une discipline à part entière qui s'est développée au cœur du journalisme et qui est devenue une pratique courante dans tous les domaines de la recherche, de la documentation et du reportage réalisée par des investigatrices, investigateurs citoyen⋅ne⋅s, des activistes, des défenseuses et défenseurs des droits humain, des artistes et bien d'autres personnes encore.

La vérification des faits est une application de la vérification par recoupement dans le journalisme et au-delà. La vérification des faits est également devenue une profession et un domaine à part entière, avec des centaines d'organisations et de plateformes indépendantes de vérification des faits apparues dans le monde entier au cours de la dernière décennie.

Ce qui relie la vérification des faits (fact-checking) et la vérification par recoupement, c'est leur objectif de confirmer la validité ou d'exposer la fausseté d'une information (ou de la « démystifier » ('debunking' en anglais)).

https://cdn.ttc.io/i/fit/800/0/sm/0/plain/kit.exposingtheinvisible.org/fact-checking/Factchecking-Verification-graph.png Image: La relation entre le fact-checking, la vérification et le debunking. Source: First Draft News / credit to @Mantzarlis. Capture d'écran par Tactical Tech au 24 Avril 2021.

L'état d'esprit d'un⋅e vérificat⋅eur⋅rice de faits

À l'ère du numérique, presque toute personne disposant d'un smartphone ou de compétences de base en photographie et en audio-vidéo peut devenir un⋅e reporter ou un⋅e investigatrice, investigateur citoyen⋅ne. La technologie numérique a démocratisé l'acte de documenter et de rapporter, en aidant les gens à mener des recherches plus approfondies sur des questions et des événements pratiquement n'importe où.

La révolution numérique a donné aux médias et aux ONG, et aussi aux investigatrices, investigateurs citoyen⋅ne⋅s, les moyens de rechercher et de vérifier les affirmations sur Internet, en particulier celles qui deviennent virales sur les réseaux sociaux ou d'autres plateformes. La vérification des faits a toujours été essentielle, cependant elle revêt une nouvelle urgence à mesure que les fausses affirmations, les canulars/hoax et les théories du complot se répandent en ligne.

Les fausses informations se répandent comme une traînée de poudre sur les plateformes de réseaux sociaux et autres sites web, toutefois les citoyen⋅ne⋅s qui investiguent peuvent constituer une force puissante pour promouvoir l'exactitude et la fiabilité. Pour y parvenir, nous devons nous concentrer sur le processus de vérification des faits et, surtout, sur le développement de ce que l'on pourrait appeler « l'état d'esprit d'un⋅e vérificat⋅eur⋅rice de faits ». Tout comme ce kit commence par mettre l'accent sur l'ensemble des comportements, de l'éthique, des techniques fondées sur des éléments de preuves, des considérations et de la motivation qui, tous ensemble, nourrissent une approche telle que « L'investigation est un état d'esprit », vous pouvez de la même manière construire votre propre état d'esprit en matière de vérification des faits et de pratiques connexes qui vont au-delà des outils que vous pouvez utiliser. Les outils ne peuvent pas tout faire.

Par « état d'esprit d'un⋅e vérificat⋅eur⋅rice de fait », nous entendons la capacité d'analyser et d'évaluer un élément d'information (texte, photo, vidéo, mème, etc.) et de porter un jugement sur sa véracité. Votre objectif est de rechercher les éléments de preuves. Pour ce faire, vous devez évaluer les sources des données ou des faits, observer et prendre des décisions sur la base des conclusions.

Les fausses actualités se propagent loin, vite et largement, en revanche en utilisant des outils ouverts, une attitude collaborative - comme dans le cas où l'on travaille avec d'autres pour être plus sûr⋅e⋅s et plus efficaces - et en affinant les compétences, les investigatrices et investigateurs citoyen⋅ne⋅s - et n'importe qui d'autre d'ailleurs - peuvent rapidement s'attaquer aux fausses informations et commencer à repérer les différences, les intentions et la portée d'actions et de phénomènes différents et souvent interconnectés tels que la mésinformation, la désinformation et la mal-information.


Note :

Faire la différence : Mésinformation, Désinformation, Mal-information

  • La Mésinformation est la diffusion involontaire de fausses informations, sans intention de nuire à autrui.

  • La Désinformation est la fabrication et la diffusion de fausses informations dans l'intention de nuire à autrui.

  • La Mal-information est l'utilisation et la diffusion d'informations authentiques avec l'intention d'exposer et de nuire à autrui.

First Draft News, une organisation à but non lucratif qui fournit des ressources pour lutter contre les contenus préjudiciables en ligne, définit la mésinformation comme « des erreurs involontaires telles que des légendes de photos, des dates, des statistiques ou des traductions inexactes, ou lorsque la satire est prise au sérieux. » De même, elle définit la désinformation comme « un contenu audio/visuel fabriqué ou délibérément manipulé. »

https://cdn.ttc.io/i/fit/800/0/sm/0/plain/kit.exposingtheinvisible.org/fact-checking/Mis-dis-mal-info-graph.png Image: "Types of Information Disorder". Credit: Claire Wardle & Hossein Derakshan, 2017, source: https://medium.com/1st-draft/information-disorder-part-3-useful-graphics-2446c7dbb485 / téléchargé par Tactical Tech au 24 Avril 2021.

Ce guide d'introduction à la vérification des faits a pour but d'aider les investigatrices et investigateurs citoyen⋅ne⋅s et toute autre personne intéressée à acquérir les pratiques clés qui leur permettront d'identifier et de démystifier les fausses affirmations sans les amplifier. Nous espérons qu'il vous aidera non seulement à limiter les dégâts de la désinformation et de la mésinformation, mais aussi à en réduire la quantité.


Conseil :

Évitez d'amplifier les fausses allégations

Gardez toujours à l'esprit qu'en démystifiant de fausses affirmations, vous risquez d'amplifier leur portée ou d'intensifier leur impact. Votre analyse peut exacerber la curiosité des gens sur l'information contre laquelle vous les mettez en garde.

Heureusement, il existe des moyens d'atténuer ces conséquences involontaires. Chez South Asia Check, nous choisissons une affirmation à démystifier sur la base de sa viralité. En d'autres termes, nous examinons si une affirmation possède à la fois une valeur informative et sa possibilité d'atteindre un large public si elle n'est pas vérifiée. Nous archivons les liens vers la source de l'affirmation à l'aide de Wayback Machine, qui enregistre les URL. En n'établissant pas de lien direct avec la source, nous essayons de minimiser l'amplification de la fausse affirmation. « L'amplification, sous quelque forme que ce soit, était leur objectif en premier lieu » ( "Amplification, in any form, was their goal", source : First Draft News); c'est pourquoi éviter de renvoyer vers les sources originales, dans ce cas, permet d'éviter de jouer leur jeu.

Ce guide convient aux investigatrices et investigateurs travaillant seul⋅e⋅s, collaborant avec d'autres ou effectuant des recherches avec une petite organisation de la société civile. Voici quelques-unes des questions abordées ici :

  • Quelle est votre responsabilité lors de la vérification des faits ?

  • Quels sont les principaux principes éthiques et de sécurité à garder à l'esprit lors de la vérification des faits ?

  • Quand devez-vous publier vos vérifications de faits, et sous quelle forme ?

  • Que faites-vous lorsque la vérification des faits ne fournit pas de réponse définitive ?

  • Quelle est l'importance de la collaboration dans la vérification des faits, et comment vérifier la vérification ou comment fact-checker les fact-checkers ?

Comment se lancer dans la vérification des faits ?

Lorsqu'on tombe sur une photo, une vidéo, un mème ou un texte viral ou controversé, il est normal qu'une personne ayant l'esprit de vérification des faits commence à l'examiner de près. La vérification des faits commence par un scepticisme et une curiosité saine, et par de nombreuses questions : qui, quoi, comment, où, quand et pourquoi ? Mais au fond, la vérification des faits commence par une question fondamentale : cette affirmation est-elle vraie?

Le recoupement est au cœur de la vérification des faits.

Une vérificatrice, un vérificateur des faits doit vérifier les éléments dans leur contexte et éviter de faire des hypothèses générales. Il faut toujours avoir une vue d'ensemble, savoir comment la mésinformation se propage et pourquoi, et qui se cache derrière - non seulement les personnes, et aussi les intérêts plus larges et les tendances. En creusant davantage dans le passé des personnes qui diffusent de fausses affirmations, on peut découvrir leurs liens avec des partis politiques.


Exemple:

En février 2021, des utilisat⋅eur⋅rice⋅s des réseaux sociaux ont commencé à partager une photo d'un rassemblement politique à Katmandou, la capitale du Népal, montrant un drapeau indien au milieu des drapeaux de la faction dissidente Prachanda-Madhav du Parti communiste népalais (le parti au pouvoir à l'heure actuelle/juin 2021). Cette photo a suscité une vive controverse et alimenté les théories du complot selon lesquelles l'Inde serait impliquée dans l'opposition au Premier ministre népalais de l'époque.

Une recherche inversée d'image dans Google (recherche de base par image) et recherche par mots-clés par les vérificateurs des faits du South Asia Check a montré que la photo provenait d'un rassemblement précédent, et que le drapeau indien avait été inséré artificiellement. Des recherches encore plus approfondies ont révélé que les personnes ayant partagé la nouvelle étaient proches du parti au pouvoir, qui tentait de discréditer le rassemblement de l'opposition.

https://cdn.ttc.io/i/fit/800/0/sm/0/plain/kit.exposingtheinvisible.org/fact-checking/SouthAsiaCheck-Rally-factcheck.png Capture d'écran de l'article de SouthAsiaCheck « Vieille photo retouchée pour montrer le drapeau indien lors de la manifestation du 10 février »: https://southasiacheck.org/fact-check/old-photo-photoshopped-to-show-indian-flag-in-february-10-demonstration/. Capture d'écran prise par Tactical Tech le 10 juin 2021.

Maintenant, passons en revue le processus de vérification des faits.

Trouver des éléments sur lesquels vérifier des faits

Lorsque vous décidez de ce que vous voulez vérifier, il est essentiel de penser à l'intérêt public.

Posez-vous des questions telles que :

  • Quelle est la valeur de cette information pour le public ?

  • Cela fera-t-il une différence pour moi et/ou aidera-t-il à clarifier quelque chose pour d'autres personnes ?

Les fausses déclarations faites par des hommes et femmes politiques méritent une attention particulière.

  • S'agit-il d'un⋅e premier/première ministre ou d'un⋅e président⋅e, d'un⋅e responsable de l'opposition ?

  • S'agit-il d'une célébrité qui jouit d'une grande popularité ?

Il s'agit de personnes dont les paroles ont une signification et des implications énormes. Leurs déclarations sont susceptibles d'être prises pour vraies par un très grand nombre de personnes. Les déclarations qui sont un lapsus évident, une gaffe ou une parodie n'ont pas forcément besoin d'être vérifiées, seulement et simplement signalées. En effet, la vérification des faits doit permettre d'exposer des mensonges délibérés et non des erreurs humaines. De plus, les parodies sont censées être amusantes et ne doivent pas être prises solennellement.

Archivez l'affirmation

Avant de commencer la vérification des faits, il est important d'archiver l'affirmation. Téléchargez la photo ou la vidéo et faites une capture d'écran du message. La personne qui a publié l'affirmation potentiellement fausse peut la supprimer après s'être rendu compte qu'elle a fait une erreur ou qu'elle a été repérée. Or même si elle est supprimée, elle est probablement partagée par des utilisateurs, utilisatrices sur plusieurs plateformes de réseaux sociaux.


Conseil :

Tout conserver et archiver

Pour un aperçu détaillé de la manière d'archiver et de trouver du contenu en ligne archivé, veuillez lire dans notre kit le guide Récupération et Archivage de l'Information Depuis des Sites Web. Dans ce guide, vous trouverez des conseils et des astuces ainsi que des recommandations d'outils à utiliser dans différents contextes.

Les outils les plus courants à utiliser lors de l'archivage de contenu en ligne pour référence ultérieure sont les suivants :

  • Internet Archive : pour rechercher et récupérer du contenu précédemment archivé.

  • WayBack Machine : an un outil d'Internet Archive qui vous permet d'enregistrer/archiver manuellement des pages Web en ligne et de récupérer des pages Web/sites Web archivés. Il peut avoir des difficultés à enregistrer et à afficher des images ainsi que des illustrations de pages Web.

  • Archive Today : un outil en ligne qui vous permet de sauvegarder/archiver des pages Web manuellement et de récupérer des pages Web/sites Web archivés. Il est similaire à Wayback Machine, or il a l'avantage de prendre des captures d'écran des pages Web, ce qui rend les images et les graphiques plus faciles à préserver.

Recherchez l'affirmation

La recherche commence par des questions sur une déclaration ou une affirmation que vous souhaitez vérifier. À l'aide de mots-clés, effectuez une recherche sur les sites Web des grands journaux, des ministères, des départements et des organismes d'étude concernés. Souvent, les recherches par mots-clés sur les moteurs de recherche et les plateformes de médias sociaux permettent de trouver d'autres indices et pistes. Une source crédible a-t-elle publié un rapport à ce sujet ? D'autres vérificateurs, vérificatrices de faits ont-ils/elles démenti l'affirmation ?


Conseil :

Comment évaluer la crédibilité d'une source ?

Vos recherches vous mèneront vers de nombreux sites Web et expert⋅e⋅s qui peuvent contribuer à enrichir votre vérification des faits et à lui donner de la crédibilité, mais uniquement si ces sources sont elles-mêmes crédibles.

Pour les sites Web, vérifiez les pages « À propos de nous » pour voir si des personnes ou des institutions autorisées les gèrent.

Pour les expert⋅e⋅s, vérifiez leur formation et leur histoire:

  • Sont-ils/elles affilié⋅e⋅s à une institution crédible, telle qu'une université ou un groupe de réflexion ?

  • Leurs recherches suivent-elles des méthodologies standard ?

  • Ont-ils/elles été cité⋅e⋅s par des revues et des médias réputés ?

  • La source a-t-elle déjà fait autorité sur le sujet ?

Pour commencer ou pour perfectionner vos compétences en matière de vérification des sources, consultez ces ressources :

Une fois votre recherche en ligne terminée, vous pouvez vous tourner vers des sources humaines, les expert⋅e⋅s.

Utilisez des plateformes de réseaux sociaux comme LinkedIn ou Twitter pour trouver des sources.

Dites-leur pourquoi vous voulez discuter. Avant d'interviewer un⋅e expert⋅e, renseignez-vous sur le sujet, car la plupart des expert⋅e⋅s sont austères et ne vous prendront pas au sérieux si vous n'avez pas les bases dès le départ. Une solide base de recherche en ligne vous permettra d'obtenir des entretiens de meilleure qualité avec ces expert⋅e⋅s.

Parfois, les expert⋅e⋅s se réfèrent à un livre, à un ensemble de données ou à un rapport, ce qui peut vous conduire à encore plus de sources humaines. Les expert⋅e⋅s peuvent expliquer le contexte et vous aider à mieux comprendre la question.


Note :

Atteindre les sources humaines, planifier et mener des interviews

Pour plus de méthodes et de conseils relatifs à l'identification et à l'interview des sources, lisez ces guides du kit ETI :

Alors que les textes et les photos publiés en ligne sont relativement faciles à vérifier à l'aide d'outils en ligne, les vidéos posent un énorme défi aux vérificatrices et vérificateurs des faits. Essayez de trouver la vidéo originale ou la source. Les recherches par mots-clés sur les réseaux sociaux et les capacités d'observation et d'écoute sont utiles pour démystifier une vidéo virale.

Il existe quelques outils comme Invid, une extension de navigateur qui décompose la vidéo en images clés, qui peuvent être utilisées dans la recherche inversée d'images. De même, la visionneuse de données YouTube, YouTube data viewer vous donne l'heure et la date de la première mise en ligne d'une vidéo sur YouTube (et non la date de création de la vidéo).

Toutefois l'outil le plus important est votre cerveau.


Voici un exemple d'une bonne maîtrise de l'observation mise en pratique.

En août 2020, j'ai aidé AltNews, une organisation indienne de vérification des faits, à démystifier une vidéo provenant du Népal qui était devenue virale parmi les utilisateurs indiens et utilisatrices des réseaux sociaux. Le clip vidéo montrait des « journalistes » réalisant une vidéo d'une victime d'un accident de la route. Les utilisateurs indiens et utilisatrices des réseaux sociaux se sont rué⋅e⋅s sur le clip, affirmant qu'il montrait l'insensibilité des journalistes. J'ai parlé à un⋅e porte-parole de la police qui a déclaré que la vidéo avait été mise en scène. Par contre, l'indice le plus important est venu d'un fact-checker d'Alt News qui a regardé la vidéo à plusieurs reprises et a constaté qu'un caméraman dirigeait des actrices et acteurs. Cela a permis à le/la vérificat⋅eur⋅rice des faits d'établir avec certitude qu'il s'agissait d'une mise en scène vidéo. Vous pouvez tirer beaucoup d'informations de la vidéo ou de la photo elle-même, cependant vous devez l'observer attentivement et à plusieurs reprises.

Utilisez vos capacités d'observation et de recherche pour identifier les sources de localisation des photos et des vidéos et réfléchissez aux mots-clés qui pourraient accompagner la vidéo afin d'atteindre sa source. Utilisez des outils de géolocalisation tels que Google Earth, Street View, BingMaps, HereWeGo ou autres pour les géolocaliser.


Astuce :

Apprenez à géolocaliser

Il existe de nombreux guides et didacticiels pour vous aider à apprendre et à pratiquer la géolocalisation de photos et de vidéos, ainsi qu'à identifier et à vérifier les images provenant d'un lieu ou d'un événement donné qui pourrait vous intéresser. Ces ressources constituent un bon point de départ :

Publiez votre vérification de faits ou approfondissez votre investigation

Vous pouvez procéder à une vérification des faits dans le but de le publier en tant que tel : dans un blog, sur votre compte de réseaux sociaux ou sur un site web avec lequel vous travaillez.

Vous pouvez également vérifier les faits dans le cadre d'un processus d'investigation plus long, car tout ce que vous finissez par dire et publier, une fois le travail d'investigation terminé, doit être « à l'épreuve des balles » - ce qui signifie que cela peut résister à un examen minutieux, que c'est vérifiable par d'autres personnes et que cela peut être confirmé par plusieurs sources originelles. Lorsque vous investiguez sur un sujet plus vaste, vous devez toujours vérifier chaque affirmation, chaque élément d'information que vous recueillez. La différence est qu'au lieu de publier la vérification des faits elle-même, vous pouvez la garder à portée de main, bien documentée et en sécurité, au cas où votre histoire d'investigation, une fois publiée, se retournerait contre vous et que sa crédibilité serait remise en question par quiconque. Une vérification approfondie des faits et la documentation du processus peuvent vous mettre à l'abri si, plus tard, vous devez justifier vos affirmations et protéger votre crédibilité, ou si vous êtes poursuivi⋅e en justice pour diffamation par une personne sur laquelle vous avez investigué. Par exemple, une investigation et une vérification des faits « à l'épreuve des balles » ont été essentielles pour que cette action en justice, intentée contre les journalistes de l'OCCRP (Organised Crime and Corruption Reporting Project), soit réglée après une bataille judiciaire de deux ans, longue et coûteuse.

Quelle que soit votre intention ou votre objectif final, vos méthodes et votre processus de vérification des faits sont identiques.

Après avoir parlé aux sources, vérifié les antécédents, préparé tous les liens de connexions et identifié les sources originelles pour étayer vos conclusions, il est temps d'écrire vos conclusions (si tel était votre plan) ou de décider comment les inclure dans votre investigation ultérieure.

Voici quelques principes de base à garder à l'esprit lors de la rédaction et de la publication d'une vérification des faits :

  • Les éléments de preuves doivent être centraux.

  • Souvent, les vérifications des faits portent sur des sujets contestés ou controversés. La première étape consiste à illustrer le contexte et les affirmations.

  • Les règles d'écriture standard - forme active, phrases courtes et simples - s'appliquent également aux rapports de vérification des faits.

  • Certaines vérifications des faits nécessitent plus de mots que d'autres. Ainsi, si la brièveté est nécessaire, elle ne doit pas se faire au détriment de la clarté.


Note :

Les composantes d'une vérification minutieuse des faits

Si vous souhaitez publier une vérification des faits sur votre site web/blog ou sur les réseaux sociaux de votre organisation/groupe, etc., voici les aspects essentiels à garder à l'esprit pour une présentation approfondie de celle-ci :

  • Les déclarations ou affirmations initiales : Certain⋅e⋅s vérificateurs, vérificatrices de faits paraphrasent les déclarations ou les affirmations afin de supprimer les mots et les phrases inutiles. Bien que cette approche ait du mérite, il est souvent préférable d'avoir la déclaration ou l'affirmation pertinente mot pour mot (c'est-à-dire la déclaration originale complète) afin que les lecteurs et lectrices sachent ce qui est vérifié et/ou contesté. Si votre sujet a fait une série d'affirmations, divisez-les en 3 ou 4 sous-titres pour les rendre plus digestes. Ensuite, vérifiez les faits un par un.

  • Liens vers les sources : Assurez-vous que vous fournissez des liens vers les sources originelles authentiques, que les expert⋅e⋅s que vous citez sont identifié⋅e⋅s et que leur biographie est accessible via votre texte. Utilisez également des outils tels que www.archive.is ou https://archive.org/web/ pour sauvegarder les liens externes, car les URL peuvent changer ou être cassées.

  • Un résumé de vos conclusions : Vous pouvez résumer vos conclusions/découvertes sous forme de puces en haut de page et poursuivre avec le texte détaillé. Il est essentiel d'inclure le processus de vérification des faits dans le rapport afin que tout le monde puisse le reproduire.

  • Supports visuels : Les vérifications des faits peuvent être lourdes en texte, cependant elles ne doivent pas être visuellement décourageantes. Les supports visuels (photos, vidéos, graphiques ou captures d'écran) éclairent les rapports. Regardez, par exemple, la manière simple et efficace dont le groupe britannique de fact-checking FullFact conçoit et illustre ses vérifications de faits.

  • Une note ou un verdict final : À la fin de l'article, vous pouvez également donner un verdict tel que « faux », « trompeur » ou « à semi-exacte ». Vous pouvez également inclure à la fin une section résumant vos conclusions.

Un point de vue depuis l'Inde

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Fausses déclarations et violence

En juillet 2018, dans un hameau de l'État indien du Maharashtra, cinq hommes d'une communauté nomade ont été lynchés par une foule en colère. Ils ont été victimes de rumeurs qui se sont propagées via WhatsApp, un service de messagerie appartenant à Facebook et largement utilisé en Inde.

Les hommes avaient parcouru environ 500 kilomètres depuis un autre village pour se rendre à un marché hebdomadaire à Rainpada. Après que l'un d'eux ait parlé à une jeune fille du village, les villageois⋅es ont soupçonné le groupe d'être des kidnappeurs d'enfants et ont commencé à les frapper, selon le média indien Scroll.

Les villageois⋅e⋅s ont peut-être agi en raison de photos d'enfants circulant sur WhatsApp. Une vérification des faits par Altnews a ensuite révélé que les images provenaient d'une attaque chimique de 2013 en Syrie. Le massacre de juillet 2018 à Rainpada était une des séries de meurtres en Inde liés à des messages viraux sur WhatsApp. Ces meurtres ont incité l'application de messagerie à limiter en Inde le transfert de messages à seulement cinq salons de discussion instantanée à la fois.

L'Inde est un exemple de ce qui se passe lorsque des millions de personnes, assistées via des données mobiles bon marché et des discours alarmistes, croient à des canulars en ligne et agissent en conséquence. L'Inde est restée un pays divisé au cours des dernières décennies. Les forces communautaires identitaires ont utilisé cette division pour faire ressortir les tensions à des fins politiques. Aujourd'hui, ces forces utilisent la désinformation pour répandre la haine contre les minorités. « Il y a un déluge de désinformation politique et communautaire en Inde. Comme nous l'avons observé dans le monde entier, la désinformation médicale s'est multipliée pendant la pandémie », explique Jignesh Patel, fact-checker chez AltNews.

Désinformation et discrimination

Avec la propagation de la COVID-19 et l'application consécutive du confinement national, des vidéos falsifiées et de faux messages concernant la pandémie ont commencé à circuler sur les plateformes de réseaux sociaux en Inde. Les utilisateurs, et utilisatrices des réseaux sociaux du pays, dont le nombre augmente rapidement, étaient sensibles à la désinformation.

La désinformation concernant Tablighi Jamat, un mouvement missionnaire musulman, dont les membres s'étaient rassemblés dans son siège à New Delhi à la mi-mars 2020, en est un exemple. Alors que le rassemblement s'était révélé être un gros événement de propagation contagieuses, une vidéo affirmant que les musulmans léchaient des ustensiles pour propager la COVID-19 est rapidement devenue virale sur les médias sociaux. AltNews, et d'autres organismes de vérification des faits, ont utilisé des outils en ligne et hors ligne pour démystifier ce faux contenu.

Tout d'abord, AltNews a contacté l'administrateur d'une page Facebook qui leur a déclaré que les personnes en question étaient des musulmans du Kirghizistan. Cet a personne a également effectué une recherche par mot-clé sur Google en utilisant « Musulmans léchant des ustensiles » (“Muslims licking utensils,”), qui a fourni plusieurs résultats, dont une vidéo datée au 31 juillet 2018. La vidéo a confirmé qu'il s'agissait des Dawoodi Bohras, une communauté musulmane qui vit en Inde et dans d'autres pays asiatiques. Ils adhèrent au principe de ne pas gaspiller de nourriture, d'où le léchage des ustensiles.

La désinformation sur cette communauté s'est répandue à la suite des violences commises contre les musulmans au début de l'année 2020. Surnommant l'événement « coronajihad », avec le hashtag qui l'accompagne, les chaînes de télévision partisanes indiennes ont attisé la discorde communautaire identitaire, contribuant à accroître la discrimination antimusulmane dans le pays dirigé par le gouvernement nationaliste hindou.

Dans un article publié sur le site du Bulletin of the Atomic Scientists, des chercheuses et chercheurs de l'université de Princeton ont noté que les responsables gouvernementaux et les présentateurs de journaux télévisés ont exacerbé les tensions qui existaient depuis longtemps en diffusant des informations erronées. « Dans des pays comme l'Inde, qui compte une importante population musulmane, les fausses histoires qui circulent sur la pandémie ont surtout rendu cette communauté responsable de la progression rapide de la COVID-19 ». L'article faisait également référence à des rumeurs sur les réseaux sociaux au Népal, selon lesquelles deux femmes musulmanes qui auraient accidentellement laissé tomber leur argent sur la route étaient infectées par la COVID-19 et avaient craché sur leurs billets pour propager la maladie.

Le Népal et l'Inde partagent une frontière ouverte et poreuse de 1800 kilomètres. Il y a un potentiel de vérification des faits transfrontaliers, car les rumeurs se propagent facilement de l'autre côté de la frontière. En décembre 2020, j'ai participé à la vérification transfrontalière des faits sur une allégation virale selon laquelle la Cour suprême du Népal aurait interdit les haut-parleurs dans les mosquées. Les utilisateurs indiens et utilisatrices indiennes des réseaux sociaux partageaient l'ordonnance provisoire de la haute cour (en langue népalaise) en même temps que l'affirmation selon laquelle les haut-parleurs étaient interdits dans les mosquées au Népal. En réalité, en réponse à une pétition, la haute cour avait émis une ordonnance provisoire demandant aux mosquées de réduire le volume des haut-parleurs au Népal.

Désinformation comme instrument politique

Les acteurs et actrices politiques ont de plus en plus recours à des méthodes sophistiquées pour diffuser la désinformation politique dans le pays. Le 2 avril 2021, l'un des partis d'opposition indiens a partagé sur son canal officiel de réseaux sociaux une vidéo floue du Premier ministre indien Narendra Modi faisant signe face à un espace vide. La vidéo peu qualitative portait l'affirmation que Modi irait jusqu'à saluer un champ vide pour une photo d'opération électorale. Boom Live, l'un des principaux vérificateurs de faits en Inde, a démystifié la vidéo. Il a découvert que la vidéo originale avait été modifiée pour supprimer le son de la foule en liesse et que les personnes se tenant à distance avaient été floutées pour insinuer que le champ était vide.

Une expérience au Népal

Depuis sa création, South Asia Check s'efforce de demander des comptes aux responsables publics. Après sa mise ne place en 2015, ce média pionnier a publié des vérifications des faits de déclarations produites par des premiers ministres, des ministres, des parlementaires et des politiciennes et politiciens.

Le travail a été fastidieux. Parfois, après avoir écouté des interviews télévisées pendant plusieurs heures, les recherches ne permettaient pas de vérifier les faits. Cela s'explique car soit la plupart des sources ne faisaient pas d'affirmations autour de faits et de chiffres, soit elles n'étaient tout simplement pas vérifiables.


Note : Informations non vérifiables

Toutes les affirmations ne sont pas vérifiables. Par exemple, vous ne pouvez pas vérifier les intentions des gens, ni les prophéties ou les prédictions. La plupart des vérifications des faits reposent sur des preuves accessibles au public pour démentir une affirmation.

Si la mésinformation existait déjà avant la COVID-19, la pandémie l'a amplifiée. Après que le gouvernement a imposé un couvre-feu national en mars 2020, les Népalais⋅e⋅s ont été confiné⋅es chez elles et eux, et Internet est devenu leur principale source d'informations, les plateformes de réseaux sociaux facilitant la consommation quotidienne de nouvelles actualités.

En mars 2020, un mème a commencé à circuler sur Facebook avec des affirmations selon lesquelles se gargariser avec de l'eau chaude mélangée à du sel ou du vinaigre peut éliminer la COVID-19. L'équipe de South Asia Check a vérifié les faits concernant ces fausses affirmations.

https://cdn.ttc.io/i/fit/800/0/sm/0/plain/kit.exposingtheinvisible.org/fact-checking/Meme-covid-SACheck.png Image du site South Asia Check avec la légende : "Ce mème qui circule sur les médias sociaux au Népal prétend que boire beaucoup d'eau ou se gargariser avec de l'eau chaude mélangée à du sel ou du vinaigre élimine le coronavirus de la gorge." Source : https://southasiacheck.org/fact-check/covid-19-whats-circulating-on-social-media-and-what-are-the-facts/. Screenshot taken by Tactical tech on 10 June 2021.

Or ce n'était pas le seul mème. D'autres fausses informations liées à la COVID-19 circulaient sur des applications de discussion privée par messagerie instantanée telles que WhatsApp et Facebook Messenger. Nous avons également démystifié des théories du complot diffusées sur des chaînes YouTube, allant d'une fausse comparaison entre la grippe saisonnière et le coronavirus à une mauvaise interprétation des conclusions d'un rapport sur les décès dus à la COVID-19 en Italie, en passant par des affirmations selon lesquelles les masques ne protègent pas contre la COVID-19.

Il y avait de nombreuses inconnues concernant le nouveau coronavirus/la COVID-19. Pour y remédier, nous nous sommes tourné⋅e⋅s vers des institutions véritables et crédibles telles que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) (World Health Organization/WHO and Centers for Disease Control and Prevention/CDC). Nous nous sommes également adressé⋅e⋅s à des expert⋅e⋅s népalais⋅es - des spécialistes des maladies infectieuses, des virologues et des responsables de la santé publique. Ils, elles nous ont fourni des informations et des éléments de preuves précieux qui nous ont aidés à combattre la désinformation et la mésinformation.

Les politiciens et politiciennes font tout le temps des affirmations sans fondement en toute impunité, or le problème est que ces affirmations sans fondement sont amplifiées pour atteindre un large public. Le Premier ministre népalais K.P. Sharma Oli, arrivé au pouvoir en février 2018 grâce à une campagne électorale populiste, a été soumis à nos vérifications des faits plus que tout autre dirigeant. Avec son dédain pour le discours intellectuel et sa tendance à se présenter comme un expert sur n'importe quel sujet, Oli nous a fourni beaucoup de matière à vérifier factuellement.

Très tôt, il a commencé à colporter de la pseudo-science, proposant des remèdes maison pour guérir la COVID-19. Dans un clip vidéo d'une conférence virtuelle avec les principaux ministres en avril 2020, il a vanté le fait de boire de l'eau chaude et d'utiliser la thérapie par la vapeur comme remèdes contre la COVID-19. Il a également mis en garde les gens contre la consommation d'aliments froids tels que les glaces, alors que l'OMS avait déjà démenti cette fausse affirmation.

Après que le Premier ministre Oli ait dissous la Chambre des représentants en décembre 2020 et annoncé des élections générales, son parti et sa faction rivale ont cherché à consolider leur soutien respectif. Afin d'influencer les électeurs et électrices, M. Oli a utilisé les programmes politiques pour défendre les actions de son gouvernement et exagérer ses réalisations. Les fausses informations venant de premier rang ont un impact énorme, car elles peuvent atteindre le plus grand nombre de personnes. Nous avons donc persisté avec nos efforts envers le Premier ministre Oli pour qu'il réponde de ses paroles.

Nous avons également constaté que les fausses déclarations se propagent rapidement depuis la base. L'année dernière (2020), nous avons porté notre attention sur la désinformation virale sur les réseaux sociaux. Là encore, la pandémie de la COVID-19 a fourni un terrain fertile pour la vérification des faits.

Par exemple, début mai 2020, la photo d'une petite toilette extérieure a circulé sur les réseaux sociaux en affirmant qu'elle avait été construite au coût de 2,5 millions de roupies népalaises (21 500 dollars américains) par l'hôpital en charge de la COVID-19 dans le centre-sud du Népal. Notre vérification des faits a révélé qu'il s'agissait d'une image vieille de cinq ans provenant de l'État indien du Gujarat.

Nous avons également démystifié un message qui a circulé sur WhatsApp et Facebook Messenger, affirmant qu'un étudiant indien avait trouvé un « remède maison » contre la COVID-19 et que celui-ci avait été accepté par l'OMS. Bien que nous n'ayons pas pu déterminer la source du message, nous avons cité l'OMS et parlé à des expert⋅e⋅s pour prouver que l'affirmation était fausse.

Les fausses informations traversent facilement les frontières. Des canulars/hoax concernant le mercure rouge, un matériau inexistant (substance imaginaire), s'étaient répandus sur les réseaux sociaux en Inde en septembre 2020. Des affirmations selon lesquelles il s'agissait d'une matière précieuse ont circulé sur des sites Web en hindi, ce qui a incité les vérificateurs et vérificatrices de faits à démentir l'affirmation. Puis, en octobre 2020, les utilisatrices et utilisateurs de réseaux sociaux népalais ont commencé à en parler. Certains utilisateurs et certaines utilisatrices ont publié des messages sur des groupes Facebook exhortant les gens à les contacter s'ils possédaient de vieux postes de radio ou de télévision avec du mercure rouge.


Note :

Pourquoi les actualités en flash spécial et les catastrophes déclenchent-elles la désinformation?

La désinformation se répand en période de crise et d'incertitude. Les gens deviennent sensibles aux affirmations fausses ou trompeuses parce qu'ils et elles veulent en savoir plus. Les utilisateurs et utilisatrices des réseaux sociaux ainsi que les médias grand public les bombardent d'informations contradictoires et inexactes. Lorsque les gens n'ont pas de connaissances sur un sujet tel que la COVID-19, ils et elles ont peur et ont tendance à diffuser des informations erronées.

Le manque d'éducation aux médias pose également un sérieux problème. Parfois, les gens ne comprennent pas bien comment les médias fonctionnent et comment les informations sont produites. Dans ce cas, les personnes ont tendance à partager des photos, des mèmes ou des contenus qu'ils, elles trouvent sur les médias sociaux sans vérifier d'où ceux-ci viennent ni s'ils sont vrais. Dans la plupart des cas, ils et elles le font avec de bonnes intentions, comme alerter leur famille et leurs ami⋅e⋅s.

Or les fausses informations peuvent être nuisibles, car les gens ont tendance à les croire et à agir en conséquence. Pour que les personnes puissent prendre des décisions en connaissance de cause, elles et ils ont besoin de faits précis et fiables.

Par exemple, la vidéo d'une avalanche survenue le 11 janvier 2021 dans le centre-nord du Népal a été diffusée un peu partout avec des affirmations selon lesquelles celle-ci correspondait à la catastrophe du 7 février 2021 à Uttarakhand (en Inde). Boom Live, un organisme indien de vérification des faits, a découvert que la vidéo provenait du Népal.

Comment rester en sécurité lors de la vérification des faits

La plupart des travaux de vérification des faits peuvent être effectués derrière un bureau. Contrairement au reportage, la vérification des faits, surtout dans le contexte de la diffusion de fausses informations en ligne, n'implique guère de se rendre sur le terrain. Néanmoins, ce procédé peut vous exposer à une énorme quantité de messages, de photos et de vidéos, dont certains peuvent affecter votre bien-être.

Préoccupation en santé mentale

Lors de la vérification des faits, vous pouvez être exposé à des images traumatisantes telles que des meurtres, des inondations, des glissements de terrain, des violences ou des tortures. Vous pouvez subir un traumatisme en étant témoin de scènes violentes ou éprouvantes à l'écran. À l'instar des photographes confronté⋅e⋅s à de telles images, les vérificatrices et vérificateurs de faits risquent de développer un traumatisme indirect.

Selon le Dart Center for Journalism and Trauma, un projet de l'école de journalisme de Columbia, l'exposition à des quantités limitées d'images traumatisantes ne risque pas de provoquer une détresse majeure dans la plupart des cas, cependant l'exposition répétée à des photos ou des vidéos éprouvantes ou horribles peut provoquer un traumatisme secondaire ou traumatisme indirect (en anglais). Une ressource élaborée par le centre (en anglais) énumère des conseils, notamment pour écarter l'exposition répétée, réduire ou ajuster la taille et la luminosité de votre écran d'ordinateur et faire des pauses fréquentes.

  • « En tant que vérificatrices, vérificateurs de faits, vous pouvez tomber sur beaucoup de contenus violents et d'images qui perturbent. Il est important d'être conscient⋅e que la vérification des faits d'un tel contenu peut avoir un impact sur votre santé mentale, et les vérificatrices et vérificateurs de faits devraient « demander une aide professionnelle si nécessaire », déclare Patel d'AltNews. « Il est également important de parler à ses collègues et de partager ses expériences. »

Hygiène numérique

La sécurité numérique est importante pour les vérificatrices et vérificateurs de faits, car elles et ils parcourent le web pour rechercher et investiguer sur les fausses allégations. En tant que fact-checker, vous laissez beaucoup d'empreintes numériques. Utilisez des applications de discussion chiffrées de bout en bout, comme Signal, pour communiquer et des moteurs de recherche respectueux de la vie privée, comme DuckDuckGo, pour effectuer vos recherches.


Note :

Lisez le guide La sécurité avant tout! dans ce kit pour apprendre les bases de la sécurité numérique, physique et psychologique et prendre conscience des risques potentiels en adoptant les bonnes pratiques et les outils essentiels pour protéger vos sources humaines, vous-même et vos éléments preuves.

Vous devez également supprimer fréquemment l'historique de vos recherches et faire attention à l'hameçonnage (phishing) et aux autres escroqueries sur Internet. « Les vérificatrices et vérificateurs de faits doivent toujours être prudent⋅e⋅s lorsqu'ils, elles coordonnent et interagissent avec des sources non vérifiées sur les réseaux sociaux. Dans le monde numérique, nous devons tous et toutes vérifier la crédibilité et les références de nos sources », ajoute M. Patel.

D'après ma propre expérience, vous devez vous assurer que vos données sont protégées. Vous devez également faire attention à votre communication avec vos sources, car dès que vous envoyez un texte, une photo ou une vidéo, vous n'avez plus le contrôle des données. Soyez conscient⋅e des pièges de la communication numérique et essayez de protéger vos appareils contre les attaques afin qu'ils soient sûrs et sécurisés. Il en va de même pour la protection des autres, comme les sources dont l'expertise vous a permis de vérifier les faits.

Considérations personnelles

Les vérificateurs et vérificatrices de faits doivent également faire face aux réactions négatives, par contre-coup, que suscite leur travail. Il est essentiel de réfléchir aux conséquences avant de partager du contenu sur des sites Web ou des réseaux sociaux. Une fois que vous commencez à le faire régulièrement - en portant le chapeau de vérificatrices et vérificateur des faits - vous êtes toujours sous surveillance. La plupart des vérificatrices et vérificateurs de faits opèrent en ligne, ce qui permet à d'autres personnes de critiquer plus facilement leur travail. Ils, elles peuvent même vous harceler en vous trollant. Souvent, il est préférable d'ignorer ce genre de comportement plutôt que de s'y livrer par réponse.

Pour éviter le harcèlement des trolls ou d'autres personnes mal intentionnées, l'organisation estonienne de vérification des faits Propastop maintient un strict anonymat pour tous ses vérificatrices et vérificateurs et chercheurs, chercheuses.

Notez que si un lecteur, une lectrice signale une erreur dans votre vérification, répondez-lui. Une politique de rectification rigoureuse garantit votre crédibilité. Engagez toujours le dialogue avec les commentateurs et commentatrices honnêtes et soyez transparent⋅e sur votre processus.

Vérifier les vérificateurs / vérificatrices de faits

https://cdn.ttc.io/i/fit/1000/0/sm/0/plain/kit.exposingtheinvisible.org/il/fact-checking-02-cik-illustration.png

Il existe deux types de vérification des faits :

  • pré-publication et

  • post-publication

La plupart des magazines et des organes de presse vérifient les faits et les chiffres dans le cadre de leur processus éditorial. Ce type de vérification des faits est effectué avant la publication du rapport pour en garantir l'exactitude. Les journalistes, les chercheurs, chercheuses et d'autres personnes effectuent ce type de vérification des faits tout au long de leur processus de collecte d'informations et toujours au stade de la pré-publication.

La vérification des faits après la publication est effectuée par des organismes de vérification des faits tels que South Asia Check, AfricaCheck et Chequeado, par exemple. Chez South Asia Check, nous vérifions les affirmations faites par des personnalités publiques après la publication, c'est-à-dire après que la personne ait fait cette affirmation dans un discours public, par écrit ou autrement. L'objectif est de rendre les personnalités publiques responsables de leurs déclarations et de leurs affirmations. Il s'agit également de promouvoir la transparence de l'affirmation et l'exactitude des faits et des chiffres.

Bien que nous nous efforcions d'être transparent⋅e⋅s sur notre processus de vérification des faits, les vérificatrices, vérificateurs de faits sont souvent accusé⋅e⋅s d'être biaisé⋅e⋅s. En effet, le parti pris est un trait inhérent aux humain⋅e⋅s. Nous avons tous et toutes des préjugés qui peuvent influencer notre travail. Les expert⋅e⋅s ont identifié différents préjugés tels que le biais de confirmation, qui consiste à préférer les informations qui vont dans le sens de ses préjugés. Il peut être difficile de se défaire de son système de croyances et de s'ouvrir à des opinions contraires aux siennes. Lorsque vous vérifiez les faits, vous devez vous efforcer de suspendre votre système de croyances et d'être ouvert⋅e et impartial⋅e.


Note :

Alors, qui vérifie les faits des vérificat⋅eur⋅rice⋅s de faits ?

C'est là qu'intervient l' International Fact-checking Network (IFCN), basé au Poynter Institute aux USA. L'IFCN a mis au point un code de principes, (en anglais), à l'intention des vérificat⋅eur⋅rice⋅s de faits. Les vérificateurs et vérificatrices de faits du monde entier peuvent demander à être signataires de ce code de principes. Il y a maintenant 95 (au 10 juin 2021) organismes de vérification des faits, dont South Asia Check qui sont signataires du IFCN code of principles.

https://cdn.ttc.io/i/fit/800/0/sm/0/plain/kit.exposingtheinvisible.org/fact-checking/IFCN-badge.png Capture d'écran de la page Web du Code des principes de l'IFCN: https://ifcncodeofprinciples.poynter.org/know-more/the-commitments-of-the-code-of-principles. Capture d'écran prise par Tactical Tech le 10 juin 2021.

L'IFCN définit la norme mondiale en matière de vérification des faits. Chaque année, il évalue l'adhésion de ses membres au code de > principes. Le processus de certification est rigoureux et complet. Une équipe d'évaluateurs vérifie des dizaines de critères d'adhésion. Parmi ces critères figurent l'impartialité du membre, la transparence de ses sources, sa politique de rectification et le respect d'une méthodologie cohérente. South Asia Check a inclus les informations requises sur son site web : https://southasiacheck.org/about/.

Les vérificateurs et vérificatrices de faits sont tenu⋅e⋅s de respecter des normes professionnelles et éthiques élevées. Lorsque votre travail consiste à demander des comptes à des personnes puissantes, vous devez être prêt⋅e à faire face à un examen similaire de la part d'autrui. L'un des moyens d'y parvenir est de rendre le processus de vérification des faits reproductible (pouvant être reproduit par d'autres) afin qu'il soit transparent. Un moyen simple de rendre le processus de vérification des faits plus transparent consiste simplement à décrire le processus : les méthodes et les outils utilisés, les expert⋅e⋅s consulté⋅e⋅s et le raisonnement qui sous-tend le verdict.

Il est également crucial d'admettre qu'en tant qu'humain⋅e⋅s, nous ne sommes pas parfait⋅e⋅s et que nous pouvons faire des erreurs. La clé est de corriger dès que vous vous rendez compte de l'erreur.


Note :

Il existe plusieurs façons d'apporter un correctif ou d'admettre une erreur une fois que vous avez publié une vérification des faits, que ce soit sur votre site Web ou sur les réseaux sociaux, tant que vous faites preuve de transparence vis-à-vis du public.

Chez South Asia Check, par exemple, nous avons tendance à ajouter les correctifs à la fin de l'article/du fact-check, comme nous l'avons fait dans ce cas:

https://cdn.ttc.io/i/fit/800/0/sm/0/plain/kit.exposingtheinvisible.org/fact-checking/SACheck-correction.png Capture d'écran de South Asia Check "Message texte prétendu du gouvernement sur le couvre-feu instantané était un canular": https://southasiacheck.org/fact-check/purported-government-text-message-about-covid-curfew-was-a-hoax/, Capture d'écran prise par Tactical Tech le 10 juin 2021.

Le site FactCheck de l'AFP, par exemple, consacre une page à ses corrections, expliquant la méthodologie utilisée et indiquant tous les articles qui ont été modifiés en conséquence - voir https://factcheck.afp.com/corrections.

Comment la vérification des faits peut-elle faire partie intégrante de l'investigation ?

La vérification des faits était autrefois le domaine des journaux en raison de la longueur de leurs délais de production. Dans cet article paru dans le TIME en 2017 - "Here's How the First Fact-Checkers Were Able to Do Their Jobs Before the Internet" -, Merrill Fabry écrit que le journal a probablement été le premier à embaucher des fact-checkers, fact-checkeuses. Nancy Ford, engagée par le magazine au début de 1923, a été la première vérificatrice de faits du TIME, dont le travail consistait à « vérifier les dates, les noms et les faits de base dans les articles du TIME ».

Le New Yorker est bien connu pour son processus rigoureux de vérification des faits. Là-bas, il est d'usage que les reporters soumettent leur carnet de notes en même temps que l'article. Dans un extrait publié dans la Columbia Journalism Review de son livre The Art of Making Magazines, Peter Canby parle de son expérience en tant que responsable du département de vérification des faits du magazine :

  • « Vous commencez par consulter l'auteur, autrice sur la façon dont l'article a été monté et vous utilisez les sources de l'auteur, autrice ainsi que les sources de notre propre service. Ensuite, nous démontons et remontons l'article ».


Note :

La croissance des initiatives de vérification des faits à travers le monde

Pour autant, la vérification des faits en tant que pratique indépendante n'a pas une très longue histoire. Aux États-Unis, l' Annenberg Public Policy Center de l'université de Pennsylvanie a fondé Factcheck.org en 2003, et PolitiFact, qui a popularisé la vérification des faits politiques, en 2008. L'élection du président américain Donald Trump

  • qui a « contribué » à introduire le terme "fake news" dans les conversations courantes - a donné un regain d'importance à la vérification des faits aux États-Unis. En 2019, le nombre d'organisations de fact-checking est passé à 188 (en 2014) selon Poynter, puis à 341 dans au moins 102 pays en juin 2021, selon le dernier recensement mondial (2021) du global census by Duke Reporter's Lab, un centre qui agrège et maintient également une carte mondiale des initiatives de vérification des faits actives et inactives.

Si les magazines de long format pratiquent le fact-checking depuis des décennies, l'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a peut-être été la première organisation à but non lucratif à l'appliquer au reportage d'investigation en mettant en place une équipe de vérification des faits et des procédures standard appliquées à tous ses investigatrices, investigateurs et articles. L'OCCRP a offert une fenêtre sur son processus de vérification des faits dans un article publié en janvier 2020. Birgit Brauer, responsable de la vérification des faits à l'OCCRP, a expliqué comment la vérification des faits est devenue une partie intégrante des investigations. « Bien sûr, nous vérifions les faits clés qui sont typiques d'une investigation de suivi de l'argent par l'OCCRP, comme les transactions bancaires, les politicien⋅ne⋅s corrompus et leurs connexions, et la séquence des événements », a-t-elle déclaré. « Mais ce sont les petites choses, apparemment inoffensives, qui surprennent parfois les journalistes ».

Exiger d'un⋅e journaliste qu'il ou elle apporte la preuve de chaque phrase peut servir de protection contre d'éventuelles poursuites et corrections après la publication des investigations. Or l'OCCRP est allé un peu plus loin. « Au milieu de la prolifération de la dis-information et désinformation en ligne au cours des dernières années, le processus a pris une nouvelle importance. L'OCCRP a constaté qu'une norme intransigeante en matière d'exactitude renforce la confiance entre sa salle de rédaction et ses lecteurs et lectrices », a écrit l'équipe de l'OCCRP..


Exemple :

J'ai moi-même fait l'expérience de la réputée vérification des faits par le OCCRP lorsque j'ai réalisé un reportage sur un migrant népalais qui s'est rendu aux États-Unis en passant par l'Amérique latine. Mon rédacteur en chef, Nathan Jaccard, m'avait prévenu avant mon départ pour la ville natale du migrant, à l'ouest de Katmandou :

  • « Les différents articles seront soumis à un processus de vérification des faits qui est assez difficile. Nous aurons donc besoin de preuves de tout. Il peut s'agir d'entretiens enregistrés, de documents officiels, de notes écrites, de liens, etc. » m'a-t-il écrit en janvier 2020. « Il est important d'y penser avant de partir en reportage, car il arrive que l'on oublie de conserver toutes les preuves et que l'on ait ensuite du mal à les récupérer (cela m'est arrivé !) »

En juillet 2020, je me suis préparé à ce que je croyais être quelque chose qui s'apparenterait à être cuisiné par un procureur. Pour ma défense, j'avais rassemblé des dizaines de photos, de messages WhatsApp, de documents judiciaires, de transcriptions d'entretiens et de rapports de sources gouvernementales et non gouvernementales. Finalement, j'ai réussi à satisfaire les vérificateurs et vérificatrices de faits de l'OCCRP après quelques séries de réponses. En revanche, la leçon n'a pas été perdue pour moi : le processus exténuant en valait la peine. Après la vérification des faits, l'histoire était fondamentalement à l'épreuve des balles. J'étais sûr qu'aucune erreur ne s'était glissée dans l'histoire grâce à ce processus rigoureux et complet.

Quels sont les défis de la vérification des faits ?

Les plateformes de réseaux sociaux ont considérablement modifié la portée et l'impact des fausses informations et de la désinformation. Alors que les fausses informations deviennent facilement virales, les démystifier peut ressembler à une bataille perdue d'avance. La vérification des faits repose sur l'exactitude, l'équité et l'objectivité. Cependant est-il possible de toujours respecter ces idéaux tout en vérifiant les faits ?

Il y a eu un décalage entre la portée et la propagation du contenu viral et la tentative de vérification des faits de ce contenu viral. Jignesh Patel, vérificateur de faits chez AltNews en Inde, explique que la vérification des faits ne reçoit pas le même nombre de lecteurs, lectrices que la désinformation correspondante. « Le temps qu'un⋅e fact-checker investit dans la vérification de la véracité d'une affirmation est bien plus important que celui dont un⋅e théoricien⋅ne de la conspiration ou un acteur, actrice de la désinformation aurait besoin pour fabriquer une théorie ou propager une fausse affirmation. Nous nous battons constamment contre le temps nécessaire pour publier des faits vérifiés », m'a-t-il dit.

Une autre critique de la vérification des faits est la tendance à considérer les fausses affirmations en termes étroits tels que vrai ou faux, or il existe une zone grise qui englobe un éventail allant du mensonge pur et simple à l'exagération, en passant par la manipulation et les théories du complot.

Chez South Asia Check, nous qualifions nos conclusions de fausses, erronées, trompeuses, exagérées ou mensongères. Or selon M. Patel, AltNews dispose d'un éventail d'évaluations de vérification des faits, notamment : difficile à catégoriser, faux, en grande partie faux, à moitié vrai, en grande partie vrai et vrai. « De plus, les vérificatrices et vérifiacteurs de qualité s'assurent que le texte de la vérification de faits capture la nuance dont le lecteur, la lectrice doit être conscient⋅e », dit-il.

Un autre défi auquel les vérificateurs et vérificatrices de faits sont confronté⋅e⋅s lorsqu'il s'agit de fausses informations est la quantité de contexte à fournir aux lectrices et lecteurs. Certains vérificat⋅eur⋅rice⋅s de faits commencent par la fausse déclaration et la démystifient sans fournir beaucoup de contexte. Toute rumeur, canular ou fausse nouvelle se propage dans un certain contexte. Par exemple, en raison de la COVID-19, beaucoup de fausses informations sur la maladie sont diffusées, car les gens manquent de connaissances sur la maladie. Lors des récentes manifestations réclamant la restauration de la monarchie au Népal, une photo d'un rassemblement datant d'un an a été faussement présentée comme récente. Il est important de savoir qui diffuse les fausses nouvelles et d'étudier le comportement des acteurs.

Les acteurs et actrices de la désinformation et de la mésinformation sont devenu⋅e⋅s bien organisé⋅e⋅set mieux élaboré⋅e⋅s. Dans de nombreux pays, ils et elles ont réussi à manipuler les opinions publiques, tandis que dans d'autres, des acteurs étrangers, actrices étrangères malveillant⋅e⋅s, ont utilisé ces outils pour diffuser de la propagande. Ils, elles sont souvent en avance sur les vérificat⋅eur⋅rice⋅s des faits pour s'adapter aux nouveaux outils et technologies.

« La mésinformation est un problème sociétal complexe qui nécessite une solution à plusieurs volets. Il est injuste de s'attendre à ce que les vérificat⋅eur⋅rice⋅s de faits soient les seul⋅e⋅s à pouvoir relever le défi », déclare M. Patel. « Nous avons besoin d'une approche tant journalistique qu'éducative pour nous attaquer à ce problème. En particulier, des campagnes d'éducation aux médias pour sensibiliser les masses et les éduquer sur le sujet. En outre, nous avons besoin de meilleures solutions technologiques pour une diffusion plus large des vérifications des faits. »

L'une des façons dont AltNews a relevé le défi technologique est la création d'une application qui vous donne instantanément des vérifications de faits correspondant à une image ou une vidéo qui a déjà été vérifiée. « Nous avons construit cette application en réponse au problème du reconditionnement d'un élément d'information visuelle avec différentes affirmations », explique-t-il.


Conseil :

Les vérificateurs et vérificatrices de faits sont souvent accusé⋅e⋅s d'amplifier les fausses informations dans le cadre de leur travail de démystification. Afin d'éviter d'amplifier de fausses affirmations, les vérificat⋅eur⋅rice⋅s de faits doivent examiner de près le nombre d'engagements (abonné⋅e⋅s, commentaires et likes) d'une affirmation avant de décider de la fact-checker. Selon M. Patel, AltNews est très prudent lorsqu'il s'agit de mettre en évidence et d'écrire sur des cas de désinformation diffusés par des utilisateurs, utilisatrices individuel⋅le.s des réseaux sociaux. « Nous évitons d'amplifier la mésinformation en utilisant des captures d'écran plutôt que des inserts de contenus, en indiquant clairement que le contenu viral est faux et en ne prenant des mesures pour traiter la mésinformation que lorsqu'elle est virale, dangereuse ou incitative à la violence », explique-t-il.

Même la vérification des faits, qui est en soi un outil puissant, peut être utilisée pour régler des comptes avec des adversaires. Le Fact-checking doit se limiter à la vérification des faits ou des affirmations et ne doit pas s'aventurer dans les intentions ou les opinions d'une personne. Comme l'a dit un jour l'ancien sénateur américain Daniel Patrick Moynihan:

  • « Chacun⋅e a droit à son opinion à soi, mais pas de posséder ses propres faits » ("Everyone is entitled to his opinion, but not to his own facts.")

La mésinformation prospère dans un environnement où il y a un manque d'informations fiables et crédibles. Les vérificateurs et vérificatrices de faits doivent travailler avec les personnes et les institutions qui détiennent des données - le gouvernement, les statisticien⋅ne⋅s et les organismes de recherche.

Si le manque de bases de données accessibles pour étayer la vérification des faits est un défi majeur, le manque de compétences pour vérifier les faits et le contenu viral en est un autre. Et c'est là que ce kit entre en jeu.

Les sources d'information crédibles sont cruciales.

Un gouvernement détient souvent de grandes quantités d'informations, cependant il n'est pas disposé à permettre au public d'y accéder. Sur la base de mon expérience de vérification des affirmations virales sur la COVID-19, voici une mise en garde : soyez prudent⋅e lorsque vous vérifiez les informations sur une maladie comme la COVID-19, dont la connaissance scientifique évolue encore et pour laquelle il n'existe pas de réponses définitives. S'il y a place pour l'ambiguïté, nous devons le dire en termes clairs. En tant que vérificatrices et vérificateurs de faits et investigat⋅eur⋅rice⋅s, nous devons être honnêtes, transparent⋅e⋅s et indiquer nos limites.


Publié le 10 Juin 2021

Ressources (en anglais)

Articles et Guides

Projets, outils et base de données

Glossaire

term-conspiracy-theory

Théorie du complot - Une théorie, un argument ou un élément d'information ou une interprétation d'un événement, pourtant manquant de preuves solides, que beaucoup peuvent trouver convaincante et qui est difficile à prouver.

term-debunking

Démystifier ('debunking') - Démentir, détromper les mythes populaires en vérifiant les faits.

term-disinformation

Désinformation - Une information, une photo, une vidéo ou un mème diffusé avec une mauvaise intention dans le but de tromper les gens.

term-disinformation-actor

Acteur ou actrice de la désinformation - Personne qui diffuse de fausses informations avec de mauvaises intentions dans le but de tromper le public.

term-encryption

Chiffrement - Une façon d'utiliser des mathématiques pour chiffrer, ou brouiller, des informations afin qu'elles ne puissent être déchiffrées et lues que par quelqu'un⋅e qui possède un élément d'information particulier, tel qu'un mot de passe ou une clé de chiffrement (source: Security-in-a-Box)

term-end-to-end-encryption

Chiffrement de bout en bout - Terme utilisé pour décrire le niveau de chiffrement des applications de messagerie ; il signifie que les données sont chiffrées avant d'être envoyées au destinataire, et que lui seul peut déchiffrer les données, pas même le fournisseur de services.

term-fact-checking

Vérification des faits (Fact-checking) - Action de vérifier un élément d'information, une déclaration ou une affirmation pour en établir l'exactitude ou la véracité.

term-false-claim

Fausse déclaration - Une déclaration qui n'est pas fondée sur des faits et qui peut être contestée.

term-fake-news

Fausses nouvelles (Fake news) - Une information conçue pour induire le public en erreur au profit de certains groupes ou individus.

term-hoax

Hoax (canular) - Une information fabriquée et destinée à tromper les gens.

term-malinformation

Malinformation - First Draft la définit comme « la publication délibérée d'informations privées à des fins personnelles ou d'entreprise plutôt que d'intérêt public, comme le revenge porn ». Elle peut également désigner « le changement délibéré du contexte, de la date ou de l'heure d'un contenu authentique ».

term-misinformation

Mésinformation - Une information, une photo, une vidéo ou un mème diffusé sans mauvaise intention.

term-misinformation-actor

Acteur ou actrice de la désinformation - personne qui diffuse des fausses informations sans mauvaise intention.

term-troll

Troll - En argot Internet, un troll caractérise un individu ou un comportement qui vise à générer des polémiques (source: Wikipedia)

term-viral

Virale (information) - Une information qui circule largement sur une plateforme de réseaux/médias sociaux.