Bio-investigations sur le Terrain
par Xavier Coadic
En bref: Une introduction aux concepts et pratiques de bio-investigation, y compris la collecte et l'analyse d'échantillons et de recherches que vous pouvez faire à la maison et dans l'environnement local de votre communauté.
Notre cadre de vie est autant un livre sur le passé et le présent qu'une source permanente d'information. Qu'il s'agisse d'un déversement de liquide industriel, d'un changement dans la biodiversité, d'un projet de rénovation urbaine ou d'une amélioration de la qualité des eaux - nous avons parfois besoin d'attirer l'attention sur des indices et des preuves provenant de notre environnement, qui complètent souvent des cartes ou d'autres données provenant de sites Web.
En nous basant sur nos expériences de terrain, nous vous présenterons des moyens d'explorer, de trouver et de récupérer des informations significatives et « invisibles » qui peuvent être utilisées dans de nombreuses investigations de notre environnement vivant.
Pour commencer, vous avez besoin seulement d'un état d'esprit de curiosité et certaines méthodes pour vous aider à recueillir des preuves de l'existence de certains évènements environnementaux passés ou présents.
Qu'est-ce qu'une bio-investigation ?
Nous appelons bio-investigation les procédés de repérages, de prélèvements et de mesures dans l'environnement, ainsi que la préparation de ces procédés et l'analyses d'échantillons obtenus ou de phénomènes qui fourniront des informations pouvant être incorporées à une investigation plus large.
La bio-investigation, comme les autres types d'investigation, est aussi un acte de créer des connaissances pour que celle-ci soit appréhendée par d'autres, en documentant les processus et les actions qui en découlent. La documentation vous permettra de partager vos expériences et résultats jusqu'à ne plus en être soi-même dépositaire.
Vos bio-investigations peuvent s'orienter sur, par exemple, des sols pollués (sols, eaux souterraines, gaz de sol), des boues et sédiments (marins, estuariens, fluviaux), de l'air (air ambiant, air des lieux de travail, qualité de l'air dans un village ou un quartier urbain), etc.
Cet guide est dédié à la bio-investigation de l'environnement et nous traiterons ici des activités humaines et non-humaines.
Note:
Par « non-humaines », mentionné au-dessus, il faut entendre « tout ce avec quoi les humains sont en interaction constante »: animaux, plantes, mais aussi les éléments comme l'eau, l'air, la terre, y compris parfois également les objets et artefacts produits par l'activité humaine. Cela nous évoque les autres caractéristiques de ces éléments non-humains impliqués dans une situation d'action.
Par exemple, lors de gigantesques incendies en Australie, force est de constater que les traitements médiatiques se concentrent souvent sur les questions de risques et de disparitions pour les animaux de grande taille, notamment les mammifères. Les végétaux « remarquables », car impressionnant au regard d'une approche esthétique, sont aussi parfois les sujets de campagne d'émoi.
Les micro-organismes, quels que soient leur règne, sont invisibilisés de l'information et des considérations d'un grand public alors même qu'ils représentent une immense majorité des victimes de ces sinistres et sont ainsi une lourde perte pour la planète et les humains, y compris dans les services systémiques rendus.
Prendre en considérations ces « non-humains » dans notre vision de l'environnement lors de bio-investigations nous permet à la fois d'élargir nos imaginaires, d'enrichir nos connaissances, d'appréhender des nouvelles sources d'informations, de consolider notre processus d'investigation. Bien évidemment, cette considération permet aussi une approche écologique plus fine des situations.
Par une telle considération, un « commun » sera alors considéré comme une « communauté biotique » rassemblant humains et non-humains inclus dans une relation d'interdépendance étroite.
Nous procéderons en trois grandes étapes:
vous décrire pourquoi et comment vous organiser avant d'effectuer une investigation et des prélèvements sur le terrain,
vous donner des bases de procédures de prélèvements avec différentes possibilités d'analyser ces prélèvements,
vous donner un regard sur ce que nous trouvons dans différents contextes avec des retours d'expériences du terrain. Nous ferons cela en reliant ces axes de travail avec des exemples d'implication avec des groupes locaux de personnes sur le terrain.
Il est important de préciser que nous décrivons ici des bases pour débuter à utiliser votre environnement et du matériel vivant pour divulguer des problèmes.
Vous y trouverez des méthodes et surtout un état d'esprit d'investigation à mettre en œuvre sur le terrain écologique de l'investigation, avec des considérations environnementales concernant l'eau, la terre, l'air, le végétal, etc.
Investiguer, cuisiner, vivre
Étudier notre environnement et essayer de faire parler le vivant n'est pas un processus très différent de celui de la cuisine. Apprendre à cuisiner peut commencer très jeune et avec peu de connaissances (et aussi en prenant plaisir à bien manger et à faire plaisir aux autres), d'abord en faisant confiance à ses sens, puis en ajoutant l'expérience acquise à nos recettes. Ensuite, nous développons ces techniques, nous apprenons différemment, nous apprenons à nous fournir en ingrédients, nous nous dotons de meilleurs outils et nous tissons des réseaux de collaboration. Être écologiste ou bio-enquêt⋅rice⋅eur c'est comme cuisiner, peut-être en s'intéressant à des choses encore plus petites que d'habitude dans la vie.
Par exemple, une petite expérience scientifique visant à extraire l'ADN d'un organisme peut être jugée sale, contraire à l'éthique, compliquée ou risquée. Pourtant, vous pouvez le faire vous-même en moins de 15 minutes dans votre cuisine sur des pois cassés ou des fraises, simplement avec vos produits ménagers et de cuisine que vous avez certainement dans votre maison. C'est amusant, ça démystifie beaucoup de choses et c'est un premier pas vers découvrir l'invisible.
Photos d'un atelier de 2007: "Biopanique cuisine et féminisme" avec manipulation d'ADN dans une cuisine et table ouverte sur les libertés des femmes. Voir la recette de l'atelier et la documentation du procédé d'extraction de l'ADN. Photos par Xavier Coadic.
Voyons maintenant comment y arriver.
Reprendre le contrôle de l'information dans son environnement
Il y a des points communs dans le monde entier - à la campagne ou en ville, à la montagne ou au bord de la mer - pour beaucoup de gens : retrouver une compréhension de l'information qui concerne leur environnement direct et aussi participer à l'élaboration de cette information.
Ceci est d'autant plus vrai en cas de bouleversements climatiques, d'accidents et de catastrophes naturelles ou industrielles.
En juin 2019, lorsqu'un abattoir industriel a déversé du sang sur l'un des ruisseaux à Châteaubourg en France, ou lors de l'incendie industriel pétro-chimique à Rouen en septembre de la même année, nous avons constaté que de nombreuses personnes étaient submergées par cette réalité importante et que d'autres voulaient se réunir simplement autour d'un café pour discuter de cette catastrophe, puis envisager une nouvelle configuration sociale et s'organiser pour aborder ces questions.
Nous - un groupe local de citoyens investigatr⋅ices⋅eurs - avons donc attaché autant d'importance à ces circonstances de rencontres et à ce désir de faire ensemble qu'aux méthodes d'investigation et aux protocoles d'échantillonnage que nous voulions déployer. Il est presque certain que d'autres catastrophes se produiront, sous d'autres formes et dans d'autres circonstances. Nous nous sommes toujours adapté⋅e⋅s et, surtout, avons un peu mieux réagi lorsqu'au préalable d'incident nous nous sommes rencontrés régulièrement.
Nous avons également connu par le passé une réappropriation des friches urbaines pour limiter la gentrification et/ou les expulsions, avec des sols pollués par les métaux lourds industriels. Nous avons eu à faire face à la pollution des côtes et des plages bretonnes par la marée noire ou par les algues vertes dont la décomposition libère un gaz très toxique.
Dans tous ces cas, il était également nécessaire de faire face à l'urgence et de reprendre le contrôle de l'environnement, du terrain et de l'information - la bio-investigation étant un ingrédient essentiel dans ce processus.
La sécurité avant tout !
De la même façon, lorsque vous cuisinez, jardinez ou bricolez, il y a une règle d'or : ne vous mettez pas dans des conditions trop dangereuses, ni vous ni les autres, notamment vos sources humaines.
Précaution individuelle:
réfléchissez avant d'agir,
préparez et planifiez votre séance. Nous vous aiderons ci-dessous avec des moyens mnémotechniques, c'est-à-dire différentes constructions qui facilitent la mémorisation, qui peuvent être utiles pour retenir des choses longues en une courte liste,
renseignez-vous sur l'endroit où vous voulez passer à l'action,
les équipements de protection sont vos ami⋅e⋅s,
utilisez des moyens de formation et de l'équipement adapté,
n'oubliez pas les outils et tactiques de sécurité numérique,
ne travaillez pas seul⋅e - encore plus dans le cas de l'échantillonnage sur le terrain,
établissez une collaboration solide et digne de confiance avec les autres.
Protection collective:
le travail en binôme ou plus vous aidera et vous sauvera (par exemple en escaladant une paroi ou en prélevant des échantillons dans une rivière),
toutes les personnes du groupe s'équipent avec attentions de toutes les précautions individuelles,
réutilisez, transformez ou développez des méthodes et techniques pour un travail d'équipe en toute sécurité (s'inspirer du graffiti urbain, de la randonnée, de la spéléologie, de la plongée, de la lutte contre les incendies, etc.).
documentez vos travaux - ancrés dans des expériences relatives à l'écriture commune et de résistance.
N'oubliez pas que si l'un⋅e de vous est en danger, les autres commenceront à l'être.
Agissez dans de bonnes conditions locales
Dans le cas de la conception, de l'utilisation et de la modification de recettes de cuisine, ce sont des éléments de cultures, des connaissances, des expériences a priori, qui sont partagés et transmis. Cette configuration est illustrée par la recette de cuisine du Far Breton, par exemple - un gâteau typique de la Bretagne qui dit autant des choses sur les techniques et les ressources naturelles utilisées pour le faire que sur les us et coutumes des personnes qui le cuisine. Une recette de cuisine, aussi didactique soit-elle, peut être commentée par un nombre considérable de personnes afin de faciliter la compréhension des ajustements au fur et à mesure que de nouvelles (ré)utilisations sont faites.
C'est l'équivalent pour les investigations environnementales - un domaine dans lequel un simple commentaire dans le contexte lui-même peut jouer un rôle crucial dans le suivi des méthodes de recherche et leur apprentissage. Assurez-vous donc de rencontrer les personnes qui vivent sur les sites que vous voulez enquêter et si nécessaire, de recueillir, avec leur consentement et après avoir expliqué les questions, leur entrevue par écrit, par audio ou par vidéo (voir les guides en anglais sur les Entrevues : l'élément humain de votre investigation et Gérer vos sources dans ce Kit.) Vous n'êtes certainement pas les seuls à vous préoccuper ou à vous intéresser à la situation dans ce domaine. Tisser des liens avec les peuples autochtones. Les choses que vous ferez ensemble sont des formes de liens tissés qui laisseront des étoles derrière vous, une structure historique réticulaire.
Comme dans le cas de crises alimentaires, les situations de tensions environnementales sont un théâtre d'enjeux politiques puissants et aussi d'expressions d'affects débordants. Ces situations de crises sont le terrain de dissentiments politiques et sociales qui amènent souvent à la diffusion d'informations manipulées, voir volontairement faussées. Testez, soyez vigilant⋅e⋅s et critiques à ces phénomènes.
Exemple:
Voici un exemple théorique de préparation avant des prélèvements sur le terrain dans le cas d'un incendie d'usine qui impacte l'eau, l'air, les sols, les cultures. Considérer la météo et l'étendu du sinistre; repérer et cartographier des potentiels points critiques d'interventions et de prélèvements avec un outil de cartographie en ligne tel que overpass turbo. (Overpass turbo est un outil de filtrage de données pour OpenStreetMap - vous pouvez en savoir plus dans cet OSM Wiki.)
Un site industriel de raffinement du soufre brûle et deux silos explosent. Cette usine est située dans une grande ville et à proximité immédiate d'un quartier populaire avec des barres d'immeubles et des maisons de quartier ouvrier.
C'est le cas d'une catastrophe industrielle - industrie qui est centrale pur l'activité économique d'une région et importante pour la consommation nationale. Le site industriel est entretenu par une entreprise internationale, avec des associations et des politiques qui font depuis des années lobby pour cette entreprise. De l'autre côté, il y a aussi des politiques et des associations qui font lobby contre ces activités et cette entreprise.
Pendant un accident industriel et dans l'après immédiat, beaucoup de ces organisations pourraient trouver des intérêts à diffuser ou à modifier des informations en leur faveur. Il faut ajouter à cela les inquiétudes, voir même la panique, des habitant⋅e⋅s autour du site industriel.
Préparez votre plan d'action sur le terrain et votre schéma de prélèvements de matériels biologiques et chimiques en considérant que les informations qui circulent et qui sont produites pendant cette catastrophe peuvent être orientées vers le profit dans un sens ou d'un autre. Considérez que les aides que vous recevrez sur le terrain pour prélèvements peuvent influer sur l'interprétation politique de votre investigation.
Protégez-vous et connaissez vos limites
Pour faire des bio-investigations, il faut savoir plus sur les autorisations de prélèvements et d'échantillonnage. La biodiversité peut être protégée sur le site que vous ciblez, une alerte sanitaire peut être en cours sur le terrain. Les autorités compétentes, les associations locales et les ONG concernées diffusent très souvent ces informations. Vous pouvez également vous faire accompagner par des personnes autorisées à réaliser des investigations sur le terrain (associations, ONG, universitaires).
Quoi qu'il en soit, agissez consciemment et ne détruisez ni ne polluez pas la nature.
La sécurité avant tout !
Lorsque vous allez prélever des échantillons sur le terrain, vous devez considérer que vous êtes observé⋅e par des humains ou par des machines. Même si vous avez le droit légal d'y aller et rien ne vous empêche de prélever des échantillons, le fait que vous effectuiez ces actions peut attirer l'attention. S'il vous plaît, réfléchis-y.
Faites attention à la vidéosurveillance, surveillez les emplacements de caméras publiques ou cachées, analysez le site à l'avance, faites des repérages sur place à pied avant d'agir. Dans de nombreux cas, il existe des sites Web où vous pouvez visionner des images en direct de caméras de surveillance installées dans la région, telles que: Bruxelles, Seattle, Rennes.
Si vous portez un smartphone ou un dispositif IOT, la géolocalisation et la connexion wifi automatique peuvent vous trahir et trahir les autres personnes à vos côtés.
Adoptez de bonnes pratiques sur le terrain
Utilisez la mnémotechnique que permet de faire l'inventaire du groupe et de l'équipement avec un ensemble d'étapes regroupées sous la liste de PETRACDR:
Personne(s) - Qui sont les personnes avec lesquelles vous intervenez sur le terrain ? De quoi devez vous prendre soin chez ces personnes ? Quelles sont leurs envies et leurs compétences ? Discuter ensemble.
Équipement - De quels matériels avez-vous besoin pour remplir votre objectif opérationnel ? De quels matériels disposez-vous réellement ? Vérifier présence, état et fonctionnement de ces matériels.
Tenues de travail - Quelles tenues de travail sont adaptées à votre opération sur le terrain? Vérifier l'état de ces tenues.
Radio - De quel moyen de communication avez-vous besoin sur le terrain ? Y compris avec des rôles de discrétion et des règles de contraintes en cas compromissions de ces communications. Inventorier, tester, entraîner.
Alimentation - Aurez-vous besoin de vous hydrater et/ou de vous restaurer une fois sur le terrain ? Prévoir de quoi manger et boire pour une durée fixée.
Conduite : Qui fait quoi ? à quel moment ? Où ? Limiter les efforts inutiles et les risques de complication
Déroulement - Comment se déroulent précisément les actes de votre opération : objectifs, durée, étapes, relèves prévues, etc. ? Planifier.
Rendez-vous - Où, comment, pourquoi, vous donnez-vous rendez-vous pour commencer? Ou en quand et pourquoi vous donnez-vous rendez-vous à la fin ?
Astuces pour le mouvement qui vous permet de déplacer un groupe ou en paire - DPIF:
Direction - Depuis l'endroit où vous partez, dans quelle direction vous ou l'équipe doit se diriger pour atteindre le lieu de prélèvement ?
Point à atteindre - Quel est le point précis de rendez-vous pour débuter les opérations ?
Itinéraire - Par quels points intermédiaires décidez-vous de passer pour rejoindre le point de rendez-vous ? Pourquoi ?
Formation - Dans quelle configuration et avec quels moyens aller vous faire le trajet ?
Pour ne rien oublier une fois là-bas, ce que vous rappelez une fois au point de rendez-vous avant de lancer les actions - SOIEC:
Situation - Description de la situation initiale sur le terrain dans lequel vous allez intervenir (ex: un champ privé d'agriculture au calme à quelques centaines de mètres de l'usine, ou dans le périmètre d'un bâtiment surveillé avec des manifestations autour et des forces de police.)
Objectif - Quels sont vos objectifs précis à atteindre ? (ex: 12 prélèvements d'eau à 3 endroits différents de la rivière + photos; ou 5 point de mesure de la qualité de l'air pendant 24h pour former une aire d'études en plus des données météorologiques.)
Idée à l'action - Techniques envisagées pour atteindre l'objectif ? Pour chaque besoin, quelles techniques décrites avec précision allez-vous mettre en œuvre ?
Exécution - Répartition des tâches, sectorisation. Dites clairement qui fait quoi, comment et où.
Commande - Comment vous communiquez, personnes à contacter en cas de problèmes, mesures de sécurité individuelles et collectives.
Exemple théorétique de préparation pour prélever des échantillons:
Sur la rivière polluée la semaine dernière, dans le champ de Monsieur X qui vous autorise à venir dessus sans rien abîmer, vous devez réaliser 12 prélèvements sur trois emplacements que vous avez marqué sur vos cartes. Les techniques de prélèvement sont décrites à coté de vos cartes. Vous vous organisez en trois équipes de trois personnes chacune. Chaque équipe a une personne désignée pour superviser les prélèvements et la sécurité.
Vous avez une heure pour travailler sur chaque emplacement, y compris pour prendre des photos. Les communications entre les équipes se font avec l'application Element/ex-Riot, chiffrement activés. Rapporter tout problème à la personne qui encadre votre équipe. Porter des masques respiratoires, des gants en latex et ne vous mettez pas en contact direct avec l'eau pour éviter la contamination des échantillons. Faire les prélèvements avec une perche et de petits flacons que vous placez ensuite dans les glacières.
Préparer votre protocole pour les échantillons
Concevoir une recette
Quand vous cuisinez, vous partez d'un besoin - de nourrir, puis d'un désir - de bien manger. Vous préparez votre idée dans la cuisine, en commençant par faire une liste des ingrédients que vous avez et/ou de ce que vous devez obtenir. Après, vous utilisez des outils pour essayer d'agréger, de rassembler, de compiler des morceaux et des éléments juste avant de commencer la cuisson qui est aussi une affaire en soi.
Rédiger des recettes de vos opérations de prélèvement pour la bio-investigation avant de vous rendre sur le terrain vous permettra d'oublier moins de détails, de retrouver les conditions de prélèvements, et de transmettre un contexte des échantillons (si vous donnez vos échantillons à d'autres organisations pour les analyser.)
La bio-investigation, comme la cuisine, est basée sur la recette. Vous avez besoin de recettes et les autres gens ont besoin des vôtres. Alors écrivez/documentez et partagez votre recette (conseil : sous licence libre) ; ce sera aussi très utile pour assurer la crédibilité de votre investigation et ses résultats.
Note :
Suggestion des options pour partager vos « recettes » d'investigation (après les avoir testées) avec les autres.
Le tutoriel qui est axé sur l'apprentissage, permet au nouveau venu de commencer comme une leçon. C'est semblable à l'acte d'apprendre à un individu à planter des légumes ou à cuisiner.
La forme axée sur les objectifs du guide pratique montre comment résoudre un problème spécifique, ainsi qu'une série d'étapes. C'est semblable à l'acte de cultiver des légumes ou une recette dans un livre de recettes.
Le formulaire d'explication, qui met l'accent sur la compréhension et l'explication, fournit des renseignements généraux et un contexte. Il est comparable à un article sur l'histoire sociale de la tomate ou sur l'histoire sociale culinaire.
La forme d'un guide de référence basé sur l'information décrit la conception réalisée. Il vise l'exactitude, donc la vérification et l'ajout de sources, et se veut complet. Il s'apparente à un article d'encyclopédie de référence.
Une bonne pratique consiste à faire lire vos recettes de protocole de prélèvement à des personnes de confiance pour leur demander les choses qu'elles comprennent et celles qu'elles ne comprennent pas. Vous pourrez ainsi améliorer l'utilisabilité de vos recettes.
Pour chaque opération de mesure et de prélèvements physique, chimiques, biologiques, météorologiques, etc., rédigez au préalable de toutes interventions une recette.
Vous entrez ici dans les pratiques de la métrologie - par l'investigation citoyenne usant de science de la mesure.
Schéma réalisé dans un bar avec des personnes qui voulaient s'entraîner à la bio-investigation. Une pyramide de tuiles raster aidant à symboliser les différentes zones à choisir pour bien définir les lieux de prélèvements de matériels biologiques et chimiques. Schéma et photo par Xavier Coadic.
La pyramide renversée reliée à la pyramide de base par le point rouge qui représente le prélèvement qu'il a été choisi d'effectuer représente la suite du processus d'investigation après l'opération sur le terrain. Schéma et photo par Xavier Coadic.
Votre état d'esprit (mindset en anglais) pour la bio-investigation s'articule ainsi :
repérer-découvrir des méthodes et outils,
inventorier des zones de prélèvements,
investiguer une situation particulière,
faire des relevés et des prélèvements sur le terrain,
analyser des échantillons ou des mesures dans cette situation sur des zones définies et décrites,
interpréter des analyses,
informer les autres (équipe, le public, etc.) au-delà de votre initiative.
Schéma de préparation qui représente l'état d'esprit à adopter avec les méthodes et les outils nécessaires pour les prélèvements sur le terrain. Schéma et photo par Xavier Coadic.
Développer votre protocole
Quand vous examinez votre environnement les protocoles comptent, il faut s'en occuper.
Vos protocoles seront influencés par les exemples que vous trouverez lors de vos recherches préparatoires, par les conseils que vous recevrez, par les conditions dans lesquelles vous travaillerez, et parfois même par les causes que vous poursuivrez.
L'important est de les considérer comme simples à reproduire, de les écrire clairement, de les tester, puis de les adapter et de les améliorer chaque fois que les circonstances l'exigent.
Établissez vos propres protocoles comme vous le feriez pour une recette. Quoi que vous fassiez, vous devez toujours appliquer 5 procédures :
géolocaliser vos échantillons,
carroyer et cartographier l'action de votre espace d'intervention,
prendre des photos ou des vidéos des étapes du travail,
décrire et commenter vos œuvres,
rendre publics vos protocoles et procédures si cette action ne vous pose pas des risques (pensez aux métadonnées et à la dépersonnalisation des données individuelles ou à l'anonymisation).
Astuce :
Votre recette doit aussi prendre en compte l'enchaînement de séquence primordiale de votre travail, qui est vitale pour la chaîne de sécurité et de confiance de vos prélèvements. Il s'agit de votre routine logistique.
C'est comme une enveloppe avec cachet de certification qui sert de capsule sur une partie de votre chaîne de vie du prélèvement (avec ses instructions). Une capsule par activité primordiale : prélèvement / mesure, mise en contenant, conservation contextualisation / indexation des informations, transport.
La qualité et l'intégrité de ces étapes encapsulées de votre routine sont importantes pour les probabilités d'analyses fiables et donc renforcent votre investigation (ou l'affaiblissent s'ils ne sont pas suffisamment élaborés dans le contexte spécifique.)
C'est un traitement spécifique qui doit être bien identifié (objet, nature, tâche, calcul, etc.) et conçu sur mesure pour chaque type de prélèvement. Un échantillon d'eau n'aura pas la même routine qu'un relevé d'empreinte morphologique, même si le traitement peut être similaire (étiquetage par exemple). Vous pouvez classer vos routines dans une bibliothèque pour les rendre disponible à d'autres projets tout en préservant leur intégrité dans leurs utilisations. Par exemple, notez tout dans un wiki, comme si c'était une recette de cuisine que vous voudriez transmettre avec les gestes, la compréhension des ingrédients et les données associées. C'est un processus à rendre visible et interprétable.
Schéma du cycle de vie et étapes d'un bioinvestigation avec progression de la documentation et de la quantité de données indexées et placées sous licence libre. Schéma et photo par Xavier Coadic.
Schéma de routine en bio-investigation et étapes pour la documentation et production des données. Schéma et photo par Xavier Coadic.
Pour parfaire la qualité de votre routine et documentation associée, vous pouvez utiliser l'approche d'Ishikawa correspondant à l'analyse des causes en utilisant le diagramme des causes à effets ou la règle des 5 M :
Matière : matériaux utilisés durant les processus.
Matériel : équipements disponibles et nécessaires.
Méthode : mode opératoire à suivre.
Main-d'œuvre : personnel disponible.
Milieu : environnement dans lequel se réalise le processus.
Cette méthode pourra vous être utile pour contrôler la qualité de votre routine.
Sélectionner des zones de prélèvements
Vous pouvez utiliser plusieurs méthodes et outils pour sélectionner des endroits intéressants et pertinents pour effectuer les prélèvements des échantillons pour votre bio-investigation. Nous allons ici vous donner de nouvelles manières de repérer des zones de collectes d'informations environnementales et de prélèvements physiques sur le terrain.
Astuce : Sélectionner des endroits pour prélèvements avec Overpass-turbo
Overpass-turbo est un site web qui permet en quelques cliques de construire des cartes en appelant des données disponibles dans les bases de données d'OpenStreet Map. Vous pouvez, si vous avez les compétences, également utiliser le code pour construire ces requêtes, créer une carte et récupérer facilement les données associées.
Si vous avez, par exemple, de repérer les points d'eau potable publics, ou les alentours d'une école, ou l'emplacement d'une usine :
Cliquez
Wizard / Assistant > search > school > build research > run
Ou
Wizard / Assistant > search > amenity=drinking_water > build research > run
Vous obtiendrez alors un ensemble standardisé tel que : Codes + sources + données + cartes.
Exemple de points d'eau potables. Source: https://overpass-turbo.eu/s/MG7
Écoles. Source: https://overpass-turbo.eu/s/MG4
Usines. Source: https://overpass-turbo.eu/s/MKM
Voilà une documentation sur comment se préparer pour sélectionner des zones de prélèvement.
Les infrastructures liées à l'énergie (pétrole, gaz, électricité) avec leurs installations (production, stockage, traitement, acheminement) ont un triple intérêt dans votre investigation :
elles vous permettent d'envisager un paysage en fonction de son maillage énergétique,
elles vous permettent de savoir où chercher de l'information dans des cas spécifiques de vos investigations,
elles ont une influence considérable sur l'environnement paysager et écologique.
Voici un exemple de carte, basée sur OpenStreetMap, accessible via un site web avec les données associées, ici zoomée sur la ville de Rennes en France:
Source : https://openinframap.org/#12/48.11283/-1.6717
Il existe de nombreuses possibilités de prélèvement d'échantillons ainsi que d'observations du vivant, certaines avec des protocoles simples et des matériaux de base, d'autres avec des méthodes plus élaborées. C'est comme vouloir faire un plat cuisiné avec des ingrédients similaires mais parfois légèrement différents et modifier de temps en temps les étapes de fabrication et les méthodes de préparation et de cuisson.
Voici ensuite quelques exemples inspirants et éprouvés qui peuvent servir de base à votre état d'esprit. C'est aussi pour l'entraînement. Vous trouverez de nombreuses autres possibilités et méthodes, plus ou moins sophistiquées, via internet. N'hésitez pas à le chercher vous-même. Même par Dorking (voire le guide de recherche avancée dans ce Kit) - concentrez-vous sur les résultats contenus dans les wikis sous licence libre avec des communautés de contribution. Le mieux est de rencontrer des personnes ayant des connaissances et une expérience artisanale (agriculture, jardinage, pêche, bricolage, biologie, hobby d'entomologiste, etc.) qui pourraient vous conseiller et aider spécialement au début.
Illustrations de 3 jours d'ateliers d'initiation à l'investigation dans l'environnement en 2017 avec des participant⋅e⋅s d'un programme d'insertion sociale. Photos par Xavier Coadic.
Prélever d'échantillons de sol
Créer un diagramme de la zone à tester
De nombreux jardins partagés fleurissent dans la ville. De nombreuses zones abandonnées sont réinvesties par les communautés, et les promoteurs immobiliers prennent le contrôle des plaines inondables pour construire de grands complexes de logements coûteux.
Les jardiniers amateurs et jardinières amatrices installé⋅e⋅s sur des terrains en jachère ou abandonnés, sont régulièrement confronté⋅e⋅s à la question de la pollution du sol du ces terrains, dont ils ignorent souvent l'histoire des intrants bio-chimiques. En plus, les analyses de sol effectuées dans des laboratoires professionnels coûtent plusieurs centaines d'euros.
La biodiversité invisibilisée des sols (faune et flore, micro-organismes, plancton, bactéries, etc.) n'est presque jamais prise en compte. On estime que plusieurs milliers d'espèces de bactéries et de champignons peuvent coexister dans un gramme de sol forestier tempéré. Chacune de ces espèces n'est pas représentée par un seul individu mais par une multitude d'individus. Dans notre gramme de sol, nous pouvons compter jusqu'à 1 milliard de bactéries et 1 million de champignons et protozoaires. Les exposer peut aider à défendre les causes environnementales et à sauvegarder les conditions vitales pour tous.
Voilà comment créer un diagramme de la zone à tester :
Source : http://aliceblogs.epfl.ch/years/y1_2018-19/studios/grandgirard/ferretti-lapo
Faites un schéma de la zone où vous voulez effectuer des analyses de sol et indiquez sur le schéma l'endroit où les échantillons ont été prélevés. Par exemple, inscrivez « X1 » pour les zones où l'activité humaine est élevée (les enfants y jouent souvent, par exemple) ou « X2 » pour les zones peu actives.
Source : https://recaa.mmsh.univ-aix.fr/1/Documents/1-6.pdf
Préparez votre carré sur le terrain.
Source : https://mieux-se-connaitre.com/2011/02/larcheologie-sauvetage-de-memoire/
Enlevez l'herbe, les pierres, les brindilles, etc. de la surface du sol que vous comptez creuser. À l'aide d'une spatule ou d'une bêche, creusez un trou de 15 cm de profondeur (vous aurez peut-être besoin de creuser plus profondément pour certains produits chimiques) et mettez ce morceau de sol de côté. Gratter la terre des côtés du trou à l'aide d'une cuillère (préférez une cuillère en plastique ou en verre, évitez le métal). Recueillez environ 28 grammes (approx. 1 once) de terre tout autour du puits.
À chaque prélèvement prenez une photo.
À chaque fois que vous rencontrer un insecte ou un végétal, prenez une photo.
Archivez vos prélèvements avec leur fiche de note associées (voire un exemple de fiche.)
Placez la terre recueillie dans un sac en plastique avec fermeture. Avec un marqueur permanent, inscrivez sur le sac le placement de l'échantillon « X1 » ou « X2 », votre nom, la date du test et les tests que vous voulez faire (exemple : arsenic et plomb). Scellez le sac. Lavez la cuillère avec de l'eau et du savon, rincer à l'eau distillée et utiliser une cuillère propre pour chaque échantillon.
Élargissez votre tâche - Recueillez un total de 4 à 6 échantillons des secteurs de votre zone à étudier, en utilisant le même protocole, chaque fois à l'aide d'un outil propre. Lorsque tous les échantillons ont été recueillis, étiquetés et scellés, placez-les dans un sac plus grand et conservez-les dans un contenant, avec le schéma de la zone investigué que vous avez créé.
Vous pouvez même remettre des échantillons au laboratoire pour analyse par une ONG, une association ou une université si vous avez établi une relation de confiance. Ou l'analyser vous-même.
Une fois votre travail de fouille, de prélèvements, d'archivage et de documentation terminé, compiler tout dans un dossier. Celui-ci pourra vous servir pour présenter la zone étudiée, y compris dans le cas de, par exemple, découverte de forte concentration de plomb suite à d'ancienne activité de cartoucherie militaire sur un site où il est prévu de construire une école. Ou, autre exemple, dans le cas de construction d'un complexe de plaisance portuaire, vous pourrez fournir des arguments de la présence d'une importante biodiversité et d'un fonctionnement écologique qui doit être préservé⋅e.
Exemple :
Vous pouvez aussi envisager d'utiliser l'art et la science pour diffuser au monde, impliquer les gens, construire une action écologique - comme, par exemple, la confection d'une colonne de Winogradsky à partir de tourbe provenant d'une zone à intérêt écologique sur laquelle un promoteur immobilier décide de construire des immeubles.
Exemple de recette d'organisation de marathon citoyen pour concevoir et tester des protocoles de prélèvements de tourbe en zones urbaines sujettes à des pressions immobilières. Photo par Xavier Coadic.
Photo par Xavier Coadic.
Photo par Xavier Coadic.
Avec la carte associée des zones de prélèvements (en vert) et de travail (épingles) dans la ville de Rennes en France. Source: https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/byodit_151971#14/48.1128/-1.6762
Source : https://schaechter.asmblog.org/schaechter/2018/08/how-to-build-a-giant-winogradsky-column.html
Avertissement : Notez qu'étudier le sol exige de prendre soin de ne pas se blesser et de se protéger contre les infections comme le tétanos ou la fièvre jaune, par exemple.
Utiliser les plantes comme marqueur
Les plantes qui poussent une zone définie peuvent vous aider à envisager de pistes d'investigation sur les évènements passés sur cette zone. En effet, les plantes, via le sol qui filtre les eaux et fourni les oligo-éléments, absorbent de nombreux éléments d'un passé plus ou moins proche de la vie écologique de l'environnement que vous désirer investiguer.
Note :
La biodiversité concerne l'ensemble des êtres vivants, leurs interactions entre eux et avec leur milieu. Les marqueurs de cette biodiversité sont des indications données par la présence en nombre et diversité d'organismes vivants.
Commencez par repérer un site avec un ensemble de plantes dont vous recherchez les potentiels de bio-indication et/ou de bioaccumulation. Vous pourrez alors vous concentrer sur la cartographie de l'emplacement de ces végétaux, puis sur le prélèvement de certains spécimens. Cette cartographie complétée avec les prélèvements après analyses (à un laboratoire ou par vous-même), pourra vous révéler des informations précieuses sur l'état de ce site et sur les activités humaines qui ont eu lieu avant que ces végétaux ne poussent
Plusieurs plantes dans votre environnement peuvent servir de réservoir d'informations lorsque vous vous intéressez à un terrain particulier qui, par exemple, est susceptible d'avoir reçu des métaux lourds lors d'activités humaines (usine, conflit armé, décharge sauvage. La présence de ces plantes ne signifie pas obligatoirement que des métaux lourds sont présent dans le sol. Cependant, si vous suspectez le sol d'un terrain d'avoir reçu des métaux lourds (plomb, arsenic, cadmium, nickel...), vous pouvez alors décider de collecter des plantes possédant des capacités d'absorption et de stockage de ces métaux afin de constituer des preuves après analyses. Par exemple, les fougères seront intéressantes à collecter pour votre investigation si vous avez des pistes que le terrain sur lequel elles poussent a pu être pollué à l'arsenic.
Astuces :
Voire cette liste de plantes bio-indicatrices à titre d'information seulement - cela peut dépendre de votre région écologique et vous devez vous adapter par vous-même.
L'encyclopédie des plantes bio-indicatrices permet ainsi, en identifiant plantes présentes sur un site donné, d'identifier quelle est la qualité agronomique du sol et quels sont les polluants qui y sont présents.
En cherchant sur internet ou prenant conseils au-près d'agricultrices, agriculteurs ou d'ONG spécialisées dans le domaine des plantes comme marqueurs de biodiversité, vous pourrez plus facilement établir une liste des plantes à identifier sur la zone d'intérêt et vous imprimer les photos de ces plantes avant d'aller sur le site pour la cartographie et les prélèvements.
Il peut être possible de suivre un processus analogue en analysant la (micro-)faune du sol, et animaux qui se nourrissant de celle-ci.
Note :
Les échantillons de plantes se dégradent assez vite après le prélèvement. En règle générale, il vaut mieux prévoir le prélèvement et acheminement au laboratoire (si vous avez ça dans le plan) dans la même journée.
Quelques règles de bonnes pratiques :
Emballer les échantillons dans du papier journal, qui va bloquer la photosynthèse et absorber la condensation de vapeur d'eau, et les conditionner dans des sacs plastiques fermés hermétiquement.
Stocker au froid (<10°C) 1 nuit maximum avant de les déposer au laboratoire. Dans le cas où on dispose d'une étuve ventilée, sécher les échantillons 24 heures à 70°C dans des récipients adaptés.
Ne pas dépasser cette température sous peine de perdre une partie des éléments volatils, notamment de l'azote.
Puis reconditionner en sachet plastique. Les échantillons se conservent alors plusieurs mois au sec.
Dans tous les cas, ne jamais fermer les sachets par des agrafes : en effet une seule agrafe perdue dans l'échantillon suffit à le contaminer en fer et peut endommager les broyeurs.
Les quantités à prélever sont en fonction des analyses demandées mais aussi de la matière sèche du végétal : l'analyse standard requiert au moins 50g de matière sèche pour pouvoir broyer l'échantillon de façon fiable.
Exercice théorique :
A partir de la liste des végétaux donnée ici, et de leur potentiel d'indication ou d'accumulation, essayez de réaliser en exercice dans un endroit sûr (assurez-vous de cela) près de votre maison ou ville, par exemple un chantier de construction abandonné ou un port industriel abandonné.
Faites une cartographie de ce site avec l'emplacement de ces végétaux, puis réalisez des prélèvements de spécimens végétaux pour chaque type de plante. Enfin, offrez vos échantillons au laboratoire d'analyses des sols et plantes (associatifs ou universitaire proche de ce site).
Mesurer le pH du sol : exercice d'investigation
Être capable de déterminer des qualités d'un sol peut se révéler important dans une investigation environnementale. Le fait de suivre les évolutions de certaines qualités de ce sol, en effectuant des analyses régulières, pourra vous aider à comprendre des changements dans l'environnement. La pHmétrie correspond à la mesure de l'acidité (pH) d'un milieu. Le potentiel hydrogène, noté pH, est une mesure de l'activité chimique des ions hydrogène en solution.
Il existe de nombreux tutoriels accessibles via internet pour l'analyse du pH du sol avec des sondes numériques ou des bandelettes de mesures.
Quelques étapes ci-dessous ont besoin d'outils spéciaux si vous voulez leur exécuter vous-mêmes a la maison. Nous vous donnons des exemples de fournisseurs pour de tels outils, mais nous n'endossons aucun vendeur particulier de ces produits.
Le pH est un coefficient qui caractérise l'acidité d'un sol, due à la présence d'ions H+. Il définit la concentration d'ions H+ dans la phase liquide du sol. Le pH varie de 0 à 14 et la neutralité est atteinte lorsque le pH est égal à 7. On peut classer les sols selon leur acidité de la manière suivante :
pH < 4,5 : sols très acides.
4,5 < pH < 6 : sols faiblement acides
6 < pH < 7 : sols équilibrés permettant une bonne alimentation minérale
pH > 7 : sols calcaires et /ou salés.
Le pH se mesure à l'aide d'un pH-mètre.
Protocole et étapes de travail
1. Préparation des solutions
Peser exactement 10,0g de sol A, B et C.
Verser chaque pesée dans un bécher que l'on notera A, B et C.
Ajouter 50 ml d'eau distillée.
Introduire un barreau d'agitation aimanté dans chaque bécher et agiter les solutions pendant 30 min à l'aide d'un agitateur magnétique.
2. Filtration des solutions
Placer un entonnoir sur un bécher haut.
Placer un filtre (par exemple, un filtre à café) sur l'entonnoir et filtrer la solution A.
Faire la même opération pour la solution B, puis pour C.
3. Mesure du pH
Régler le pH-mètre: le calibrage se fait avec une solution tampon à pH=7 et une à pH=4 (Il est disponible dans des kits pour aquariums ou pour piscines en magasin ou via Internet. Vous pouvez acheter des solutions tampons pour pH-mètre électronique - pH 4 et 7 en ligne, par exemple d'ici.)
Introduire la sonde pH-métrique dans une des solutions et relever la valeur du pH. Noter les différentes valeurs de pH mesurées.
Nettoyer le pH-mètre et mesurer le pH de la deuxième solution.
PH-mètre. Photo par Sergei Golyshev (AFK during workdays), CC BY-SA 2.0
Voici l'exercice d'investigation que nous vous proposons.
Des investigatrices, investigateurseurs veulent savoir d'où provient la terre trouvée sur le châssis d'une voiture. Elles et ils ont alors prélevé trois échantillons de terre:
échantillons A : sur le lieu de stationnement du véhicule.
échantillons B : sur le lieu de travail du propriétaire.
échantillons C : sur le lieu d'habitation du propriétaire. Puis elles et ils ont envoyé ces échantillons dans un laboratoire.
Votre travaille consistera à analyser ces échantillons de terre afin de déterminer la provenance de la terre trouvée sur le lieu du "crime".
Note : Nous décrivons ici une étude de la teneur en sels minéraux d'un sol en vue d'identifier la provenance de l'échantillon « A : sur le lieu de stationnement du véhicule. »
Protocole et exercice d'investigation
Pour identifier la présence d'ion en solution, on effectue des tests mettant en jeu une réaction chimique. Pour cela on verse une petite quantité de réactif approprié (voir le tableau ci-dessous) dans le tube à essais contenant la solution à tester. Ensuite vous observerez ce qu'il se passe et vous noterez vos observations.
Vous devez vous munir de réactifs : Soude( Na+; HO-); Soude( 2Na+; SO4²-); Nitrate d'argent (Ag+; NO3-) et Chlorure de baryum (Ba+; Cl-).
Tableau récapitulatif des tests caractéristiques d'identification des ions :
Ion à identifier | Réactifs utilisés | Observations |
---|---|---|
Fe2+ | Soude (Na+; HO-) | |
Fe3+ | Soude (Na+; HO-) | |
Ca2+ | Soude (2Na+; SO4²-) | |
Mg2+ | Soude (Na+; HO-) | |
Mn2+ | Soude (Na+; HO-) | |
Cl- | Nitrate d’argent (Ag+; NO3-) | |
SO42- | Chlorure de baryum (Ba+; Cl-) |
Introduire dans un tube à essais (éprouvette) environ 2ml de la solution contenant l'ion à caractériser à l'aide de la pipette.
Introduire ensuite quelques gouttes du réactif à l'aide d'une pipette. Observer et noter vos observations dans le tableau. Vous verrez des changements de couleurs, avec ou sans précipités (la formation d'une phase dispersée hétérogène dans votre tube à essai). Ces couleurs indiquent une réaction qui fait apparaître un composé chimique particulier présent dans votre échantillon de terre, ce qui au final donnera des indications importantes sur la composition globale d'un échantillon dont vous cherchez à retrouver la provenance.
Ainsi, 2 tubes avec des échantillons de 2 points de prélèvements différents ayant des résultats et observations identiques vous donneront une indication de haute probabilité d'un véhicule ayant fréquenté les deux lieux de prélèvements d'échantillons.
Source : http://www.clg-moulin-lepecq.ac-versailles.fr/IMG/pdf/Chap_4_Tests_de_reconnaissance_de_quelques_ions.pdf. Pour les ions Ca2+ précipité blanc https://webphysique.fr/test-identification-ion-calcium/
Tableau récapitulatif des tests des ions, télécharger ici au format pdf.
Cette étape vous sert de témoin par vos observations afin de déterminer la réaction pour la présence de chaque ion (première colonne).
Détermination de la présence d'ion dans les échantillons de terre
Introduire 2ml de l'échantillon a à tester dans 7 tubes à essais pour effectuer 7 tests comme décrit dans le tableau ci-avant.
Effectuer les tests de reconnaissance des ions.
Noter vos observations. Puis faites la même manipulation et les tests pour les échantillons B et C.
Comparaison de vos observation et conclusion
A l'aide des résultats précédents, vous pouvez maintenant déterminer la composition et la provenance de l'échantillon de terre prélevé sur la voiture. Qui de l'échantillon B ou de l'échantillon C aura les mêmes réactions observées que celui de l'échantillon A ?
L'échantillon, parmi tous ceux testés, qui vous donnera à voir les mêmes résultats de réactions avec couleurs ou précipités identiques vous indiquera la correspondance de composition avec votre échantillon terre prélevé sur la voiture. Ce sera une information importante qui vous aidera à remonter l'histoire du déplacement du véhicule. Comme toute information importante, elle devra être traitée avec d'autres procédés contradictoires.
Collecter des échantillons pour l'analyse ADN du sol
L'acide désoxyribonucléique, ou ADN, est le support de l'information génétique présent chez tous les organismes vivants. Il est spécifique pour chaque espèce et peut être unique pour chaque individu d'une espèce. Les sols sont le milieu de vie d'un grand nombre d'espèces vivantes. D'un point de vue écologique, le sol est l'un des plus importants réservoirs de diversité biologique de notre planète.
Un gramme de sol peut contenir plusieurs milliards de bactéries réparties dans plusieurs millions d'espèces. Les micro-organismes ont un rôle fondamental dans le fonctionnement du sol : dynamique des matières organiques, cycles du carbone et de l'azote, dégradation de polluants organiques, rétention de polluants métalliques, etc. Les communautés de micro-organismes permettent aussi d'aider à mesurer l'ensemble des stress environnementaux touchant le sol. Elles apparaissent à cet égard comme de bons indicateurs de l'évolution de la qualité des sols et des évènements passés liés à ce sol.
Des échantillons de sols collectés dans le cadre d'une investigation pourront servir de support d'informations parlantes et utiles à la suite d'analyses sommaires et aussi des génomes des micro-organismes.
Le protocole d'échantillonnage du sol pour évaluer la diversité microbienne du sol est semblable à celui des analyses physico-chimiques décrite ci-dessus.
Le prélèvement et le conditionnement des échantillons sont des phases critiques qui assureront la robustesse des analyses et des résultats sur la caractérisation des communautés de micro-organismes dans les échantillons de sols que vous avez prélevés. Comme pour la cuisine, la recette et les gestes sont presque plus importants que le plat final. L'objectif des protocoles est de passer de quelques kilogrammes de sol de la zone d'échantillonnage à une boîte à pilules (50 à 100 g) pour la conservation en s'assurant que ce « sous-échantillon » est représentatif. Voire plus de détails et tutoriels sure le site web du project EcoFinders, et spécialement cette video.
Note :
Si vous souhaitez aller plus loin dans vos investigations, vous pouvez télécharger le protocole utilisé pour votre extraction puis répéter cette explication du séquençage d'ADN (déterminer l'information génétique d'un organisme vivant), ou encore réutiliser cette documentation de précipitation de l'ADN. Si vous devenez passionné-e ou travaillez dans des projets financés, vous trouverez des kits pour analyses poussées sur des sites web comme the-odin.com de 99$ à 1,900$, aussi du matériel libre et des méthodes de travail sur diybio.org, ainsi qu'une carte des communautés de Do It Yourself Biology à travers le monde pour que vous puissiez nouer des collaborations.
Source: https://sphere.diybio.org/
Protocole pour prélever et conditionner des échantillons
Dans le cas où vous choisissez de transmettre vos échantillons à une ONG, un laboratoire ou une université pour réaliser des analyses avancées, voici un protocole qui pourra vous être utile. Nous distinguerons 2 types d'analyses sur les sols :
celles qui doivent être réalisées sur sol frais,
celles qui peuvent l'être sur sol sec.
Analyses à réaliser sur sol frais : humidité au prélèvement, nitrates / ammonium, test de minéralisation de l'azote et du carbone, biomasse microbienne, etc. Voici les étapes:
Conditionner l'échantillon de terre dans un sac plastique fermé hermétiquement (lien, nœud).
Étiqueter avec toutes informations nécessaires décidées dans votre routine.
Stocker au frais (<10°C) et à l'obscurité dès que possible (glacière sur le terrain puis frigo) et acheminer sous 2 à 3 jours vers le laboratoire.
Analyses à réaliser sur sol sec : analyse chimique de fertilité classique, métaux lourds. Voici les étapes:
Conditionner l'échantillon de terre dans un sac plastique épais non fermé.
Stocker à l'ombre en laissant les sachets entrouverts afin de commencer le séchage, en évitant toutefois les possibilités de contamination des échantillons (renversements du sac, animaux qui fouille le sac).
Dans ces conditions les échantillons peuvent se conserver 2 à 3 semaines avant acheminement vers le laboratoire.
Dans le cas où les 2 types d'analyses doivent être réalisées, on traitera l'échantillon comme pour du sol frais, le séchage sera alors réalisé sur une fraction de l'échantillon par le laboratoire. Les quantités à prélever vont de 1kg pour une analyse standard à 10kg dans le cas des tests de minéralisation.
Note :
Pour 1 gramme de sol on peut ainsi compter jusqu'à 1 milliard de bactéries et 1 million de champignons et de protozoaires. Voire: Nombre d'espèces dans le sol en forêt tempérée, d'après Torsvick et al. (1994), Hawksworth (2001), Schaefer et Schauermann (1990). Source : La diversité des organismes du sol.
Ces exemples de méthodes de travail pour le sol sont valables également pour de nombreux types de sols (vase, sable...). Ils permettent - par exemple, dans le cas d'un important incendie d'une usine dont le panache de fumée parcours de centaines de kilomètre - de réaliser des échantillonnages sur plusieurs sites, pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Ces méthodes sont aussi et surtout facile d'enseigner à d'autres personnes en créant des activités de groupes (à l'image des activités collectives de cuisine).
Prélever d'échantillons d'eau
Les sols reçoivent et filtrent l'eau de pluie ou des activités humaines, l'eau poursuit ensuite son cycle et nous pouvons l'observer dans plusieurs configurations (nappe phréatique, rivières, marre, mer et océans). Tout comme les plantes ou les sols, les différentes eaux peuvent nous aider à révéler de nombreuses informations dans notre environnement.
Prélever l'eau de la rivière
Stérilisez votre contenant de récupération :
au four à 170°C pendant 1 heure,
à l'autoclave à 120°C pendant 20 min, ou
dans une cocotte minute contenant un peu d'eau pendant 40 minutes après la mise en rotation de la soupape.
Avertissement :
Si vous suivez cette procédure assurez-vous de n'utiliser que des récipients en verre qui supporte ce traitement. Si vous n'avez pas ce type de verrerie, nous vous décrirons à la suite de cette méthode les moyens pour réaliser des prélèvements avec de bouteilles en plastiques. Garder l'esprit que c'est la documentation de votre protocole et les informations précises sur les conditions de prélèvements qui comptent plus que les tentative de stérilisation du matériel. Un laboratoire d'analyses pourra traiter vos échantillons si et seulement si vous êtes rigoureuses, rigoureux sur ces points. Si vous réalisez vous-même des analyses, elles n'auront de valeur que par la rigueur qui vous aurez investie sur ce point de documentation et d'informations précises.
Transportez votre matériel emballé pour le protéger dans un sac isotherme ou une glacière jusqu'au lieu choisi pour les prélèvements.
Pour des prélèvements en eau de rivière, de puits, etc. : attachez la bouteille stérile à une corde, lestez votre dispositif pour qu'il s'immerge sous la surface. Maintenez la bouteille dans l'eau à l'aide de la perche afin d'éviter que votre corps soi en contact de l'eau de rivière.
Les échantillons d'eau doivent être prélevés dans des bouteilles ou des flacons stériles à usage unique (nettoyés avec désinfectant si nécessaire). Les flacons contenant les échantillons destinés aux analyses ne sont pas remplis entièrement, au 3/4 sera suffisant. Les échantillons sont conservés jusqu'au moment de l'analyse entre 2° et 5 °C. Lorsqu'une glacière est utilisée sur le site de travail, éviter de l'exposer au soleil. Assurer la traçabilité de l'échantillon (identification du flaconnage : date, heure, nom de votre mission, initiales des personnes, référence du protocole appliqué, coordonnées GPS du lieu de prélèvements). Les échantillons doivent être analysés de préférence dans les 8 heures qui suivent le prélèvement, sinon impérativement dans les 24 h.
Note : Voici un exemple de fiche pour prélèvements en milieu aquatique.
Sur un carnet, notez tout ce que vous faites et comment vous le faites. Vous pouvez également vous équiper d'une mallette de test pour aquariophilie et effectuer des tests de pH, dioxyde de carbone, fer, etc. dans le cours d'eau afin de rendre encore plus de précision contextuelle à vos opérations.
Vous pouvez aussi vous munir d'un thermomètre et d'un disque de Secchi.
Image d'un disque Secchi. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Disque_Secchi
Si vous n'avez pas de matériel en verre pour les prélèvements, vous pouvez utiliser des contenants en plastique, des bouteilles stériles que vous pouvez, par exemple parmi d'autres possibilités, vous procurer sur des sites web comme DeltaLab.
Astuce :
Pour réduire les coûts d'acquisition de matériels et aussi pour provoquer des rencontres qui pourront être autant de collaboration ou d'aide de vos investigations, vous pouvez aller demander des dons de matériels (bouteilles, contenant en verre, seringue, pipette, kit pH, gant en latex...) dans les pharmacies ou les services de pompiers ou une infirmerie près de chez vous. Vous trouverez certainement des personnes prêtes à vous aider.
Ces institutions ont souvent des kits de travail professionnel soumis à réglementation très stricte, dont la date d'utilisation a expiré. Les kits sont emballés sous plastique permettant de conserver la stérilité pendant un temps donné. Les laboratoires sont soumis à des règles très strictes pour l'utilisation des kits emballés. Même si les professionnels ne peuvent plus les utiliser après la date d'expiration, vous pouvez le faire si l'emballage n'a pas été ouvert. En effet, les laboratoires effectuent également des analyses d'échantillons prélevés par des citoyens et stockés dans des bouteilles d'eau minérale. Le fait d'utiliser des kits encore stériles mais dont la date est dépassée simplifie le travail d'analyse pour eux, bien plus qu'avec une bouteille d'eau.
Comme pour le sol, il est possible d'envisager que les prélèvements que vous aurez effectués de l'eau soit utilisés pour détecter la présence de métaux dissous. Pour un guide détaille, voire le Protocole d'échantillonnage de l'eau de surface pour l'analyse des métaux par le Ministère du Développement Durable, de l'Environnement et de la Lutte Contre les Changements Climatiques en Québec, et aussi cette vidéo démonstrative sur la technique de prélèvement d'eau en rivière. Vous pouvez également rédiger un protocole de recensement des déchets en rivières et sur les berges en vous inspirant de Riverine Input de la Surfrider Foundation Europe.
La sécurité avant tout !
Pour votre sécurité et celles de personnes avec lesquelles vous travaillez, pensez, que par exemple, dans un cas extrême de suspicion de radioactivité dans l'eau ou de polluant mortel pour l'humain, vous devez prévoir des moyens de collecte adaptés, voire automatisés et sécurisés.
Source : Eau, Radioactivité et Environnement. Journées SFRP / Section Environnement, 3 et 4 décembre 2014, « Prélèvements d'eau dans l'environnement: de la théorie a la pratique », Fabrice Leprieur, Benoît Philippot et all.:https://www.sfrp.asso.fr/medias/sfrp/documents/S4b-Fabrice_LEPRIEUR.pdf
Utiliser les végétaux de rivières comme marqueur
Lors du prélèvement d'échantillons d'eau ou de plantes dans des rivières ou des berges, vous devez agir avec prudence et méthode. Les plantes dans ces milieux peuvent vous servir pour de nouvelles pistes d'investigation, ou comme preuve de faits plus ou moins éloignés du passé.
La sécurité avant tout !
Attention car certaines plantes peuvent également être dangereuses (comme nuisibles, provoquant des irritations / allergies) pour vous lors du prélèvement d'échantillons sur le terrain. Cette ambivalence est valable dans toutes les situations et dans tous les différents théâtres d'opération (rue, champs, arbres, rivières, etc.) lors de l'investigation de terrain et du prélèvement d'échantillons. Par exemple, l'Hydrocotyle ranunculoides (Hydrocotyle fausse-renoncule) est une plante d'eau invasive, potentiel toxique pour les mammifères et contient de la saponine qui amène parfois des solutions moussantes en surface l'eau.
Alors qu'une autre plante non toxique peu présenter également un intérêt dans vos recherches - Renoncule des rivières (Ranunculus fluitans) herbier aquatique, ici en fleurs (de juin à mi-août) sur la Dordogne.
Photos par Xavier Coadic sur la Dordogne
Elle atteint de 1 à 6m de long.
Les renoncules de rivières ont un intérêt écologique, elles nous fournissent des indications sur l'état de santé et le fonctionnement récent de la rivière. Elles participent à l'épuration : assimilent une partie des nitrates et phosphates et oxygènent l'eau.
Les renoncules sont un lieu de vie de nombreux insectes (ponte de libellules par ex.), refuge des alevins, frai pour certains poissons - ce qui représente une niche dans laquelle nous pouvons trouver d'autres indicateurs concernant la rivière et sont environnement.
Lorsque les renoncules recouvrent presque totalement la rivière, cela nous donne des indices comme :
un état d'absence de crue depuis plusieurs années, qui remanie les fond de la rivière,
faible niveau de l'eau et haute température de l'eau,
présence de nitrates dans l'eau.
Ces indications vous offrent un début de panorama qui peut s'avérer précieux concernant le passé proche d'une rivière, les conditions environnementales et les activités humaines sur le bassin versant de cette rivière - par exemple la pollution de l'eau par les nitrates.
Exemple :
Voici un projet pour rapprendre la collecte d'élément en rivières - Hack The Panke:
« Le microbiologiste D. Lammel et le biochimiste et illustrateur E. Morrison du collectif d'artistes et de scientifiques DIY Hack the Panke guideront les participants le long de la rivière Panke à Berlin lors du mariage, en discutant de l'interaction entre eau, sol et atmosphère du niveau moléculaire et comment cela affecte et est affecté par les organismes jusqu'au niveau écologique supérieur. »
Dans le cas de pollutions des cours d'eau en milieu rural, essayez de vous organiser en tiers-lieux en allant à la rencontre des agricultrices et agriculteurs de la zone concernées et des personnes qui pourraient vous apprendre beaucoup de nouvelles méthodes de reconnaissance et prélèvements de sols, de l'eau ou des végétaux. Voire une documentation concernant des activités autour d'une rivière qui traverse la ville de Rennes.
6.3 Réserves d'eau, mares
Appliquez les mêmes méthodes et procédures qu'en rivière. Pensez que si la réserve d'eau, la mare, sont situées sur un terrain privé, vous devez obtenir l'accord préalable des personnes qui possèdent ce terrain.
De plus, vous pouvez trouver sur le web des cartes avec de données sur la qualité des eaux souterraines, comme par exemple ici pour la France
Source: Brgm // Infoterre http://infoterre.brgm.fr/viewer/MainTileForward.do et d'autres sites avec des données pour le Royaume-Uni et l'Australie: https://rivieres-pourpres.frama.wiki/documentation:outil:cartographie
Mer et Océan
Si vous voulez réaliser des prélèvements en vue d'analyser la qualité de l'eau de mer, les bouteilles que vous utilisez doivent être maintenues en position fermée lorsqu'elles ne sont pas utilisées. Elles ne doivent pas être lavées à l'eau du robinet mais rincées « in situ » avec l'eau de mer avant chaque prélèvement. Cela évitera d'avoir des traces de produits ou d'autres éléments provenant de l'infrastructure de l'eau du robinet dans vos échantillons d'eau de mer. La méthode est ensuite la même que celle décrite pour les rivières.
Pour la qualité des eaux de baignade en mer, la Surfrider Foundation a établi un protocole de prélèvements que vous pouvez utiliser. Surfrider Foundation réalise aussi des analyses des eaux de baignades et publie régulièrement les données de ces analyses ainsi que des petits cours pour apprendre les méthodes de surveillance du milieu maritime côtier.
Le Plancton
Les planctons sont des micro-organismes présents dans les sols, dans l'eau de rivière ou l'eau de mer. Ils sont des indicateurs écologiques du milieu de prélèvements. Il intéresse beaucoup de programme de sciences citoyennes, de sciences universitaires ou d'observation éco-activiste. La collecte de plancton représente également de nombreuses opportunités de prélever d'autres éléments dans le même dispositif de pêches (micro-plastique, algues, crevettes...), ainsi que le prétexte à des collaborations dont vous pourrez avoir besoin dans vos investigations.
Exemple :
Le programme mis en ouvre et documenté à Concarneau vous permet d'acquérir toutes les bases nécessaires à réunir des plaisanciers, des pêcheurs et pêcheuses, des citoyen⋅ne⋅s et de scientifiques, et de fabriquer des filets à plancton à partir de rideau du commerce et de tube PVC pour travaux. Vous pourrez alors mener des investigations et des sciences participatives et citoyennes en réutilisant les documentations, protocoles et prototypes, et aussi les données collectées, par ces programmes qui utilisent des licences libres.
Captures d'écran, source : https://www.notion.so/Programme-Objectif-Plancton-Concarneau-e367dc4bf5434766826c30ef9370da50
Vous trouverez plusieurs autres initiatives comparables grâce à vos recherches internet. Ce qui vous permettra de comparer les méthodes et outils et de nouer des relations.
Les déchets plastiques sur les côtes
Lors de vos bio-investigations vous pouvez cartographier ou demander des analyses sur des déchets que vous trouverez en rivières et en façade côtière. Dans la même intention de partager des recettes de cuisine, vous pouvez vous servir des outils, méthodes et données d'autres personnes pour nourrir vos investigations et même réaliser vos propres bio-investigations, aussi en contribuant à des bases de données plus large que celle de la zone qui vous intéresse.
Astuce :
Ocean Plastic Tracker est une application Web pour gérer et visualiser les rapports de déchets géolocalisés:
Capture d'écran, source: https://oceanplastictracker.com/
Vous pouvez associer vos efforts de pistage des déchets plastiques et leur analyses, avec celles de vos prélèvements de micro-organisme dans l'eau, d'analyses de l'eau, de terre et de végétaux. Vous aurez alors la possibilité de produire des données et des dossiers solides pour, par exemple, révéler un événement de pollution, informer un plan de lutte contre un projet de construction immobilier, soutenir un projet collectif de préservation d'un site, ou encore pour alimenter votre investigation sur les chaînes logistiques.
Astuce :
C'est une étape qui n'est pas obligatoire dans votre processus d'investigation, cependant le fait d'enregistrer l'activité sonore lors de de vos opérations de prélèvements d'observation et de mesure dans l'environnement pourra vous aider à contextualiser vos informations, et pourra même être utilisé lors de la présentation, publication ou exposition de vos recherches.
Cela demande du temps et de savoir-faire, du matériel spécifique, pour enregistrer les sons, par exemple autour du ruisseau ou le parc dans lequel vous aller réaliser des investigations ou encore au cœur de la friche industrielle que vous investiguez.
Il convient à chaque personne ou groupe de travail d'évaluer si cet investissement de moyens et de temps fait sens dans l'objectif final visé par l'investigation.
Monitorer l'air
Il existe de plus en plus de programmes de sciences citoyennes visant à monitorer et cartographier la qualité de l'air. Il s'agit d'effectuer des mesures de certaines particules présentes dans l'air et non pas comme précédemment faire des prélèvements. Ces particules peuvent provenir des activités industrielles, ou encore des phénomènes de pollinisation, des incendies de végétation, des catastrophes technologiques, ou des conflits armés.
Appareils de bricolage et action citoyenne avec cartographie
Nous choisissons ici de vous présenter l'usage d'un appareil à monter soi-même, Lufdaten, et quelques cartes de mise à disposition des données de qualité de l'air, ainsi que des exemples d'ateliers citoyens sur la qualité de l'air et la métrologie.
La partie matérielle électronique ainsi que les protocoles de mesures étant bien documentés en plusieurs langues, nous insisterons alors sur la cartographie et surtout sur les possibilités de s'organiser en petit groupes d'investigations qui peuvent collaborer ensemble à plus grande échelle.
Capture d'écran, source : https://luftdaten.info/fr/accueil/
Capture d'écran, source : https://luftdaten.info/fr/accueil/
Le projet AirBeam et son application mobile associée - pourra vous être utile.
Par exemple, en France à Rennes, des citoyens ont créé en 2018 le groupe « Capteurs citoyens & qualité de l'air », se réunissant aux Les Champs Libres dans le cadre des RDV 4C, (Créativité - Collaboration - Connaissances - Citoyenneté), chaque premier jeudi du mois. Leur action se fait en concertation, mais de façon indépendante, avec l'opération Ambassad'Air (mesure citoyenne de la qualité de l'air, sur la seule commune de Rennes). Voir la documentation et les comptes rendus d'ateliers associés, et un guide d'usage d'AirBeam en Français.
Source: http://www.wiki-rennes.fr/Capteurs_Air_Beam
Exemple : résultats des micro-capteurs de mesure citoyenne
Les micro-capteurs de mesure citoyenne luftdaten voient aussi le niveau élevé de particules fines (PM2,5) sur l'ensemble des quartiers de la ville de Rennes en Bretagne, France ainsi qu'alentour : Pacé, Vezin, Bruz, Servon.
Le 4 décembre 2019:
Source : luftdaten https://archive.is/saMD0
Puis au 17 janvier 2020:
Source : https://rennes.maps.sensor.community/#12/48.1031/-1.6867
Recueillir des échantillons complémentaires
La mesure de qualité de l'air, depuis un dispositif fixe ou mobile, peut vous indiquer des évènements probables survenus au moment et sur le lieu de la mesure (un incendie par exemple) ou avant la mesure sur un site géographique éloigné. Un dégazage d'une cheminée industrielle à plusieurs dizaines de kilomètres pourra être affiché sur un capteur ou sur une carte plusieurs dizaines de minutes ou heures après l'évènement par l'influence des vents et d'autres paramétrés environnementaux comme l'humidité, le relief, etc.
En prenant grand soin de vous protéger de sur-accident et de contamination, n'hésitez pas à compléter ces mesures de l'air avec des prélèvements au plus proche dans la chronologie des faits avec les méthodes décrites ci-avant. Vous pourrez compléter ces échantillons avec des collectes de suies, de boues, de cendres, de boulettes de pétrole (que vous pourrez par exemple gratter avec un couteau sur un lampadaire), un toit de maison. Vous placerez tout cela dans des contenants propres et étanches avec rigueur, protection et fiches de notes avec l'état d'esprit que nous tentons de vous décrire ici.
La sécurité avant tout !
Que vous travaillez seul⋅e ou en groupe, le fait d'aller investiguer votre environnement et de réaliser des prélèvements fera de vous un objet de curiosité dans la population, y compris auprès de personnes que ne partagent pas vos idées et intentions. Vous aller attirer l'attention. Essayez de rester discrèt⋅e.
De plus, le fait de transporter du matériel de prélèvement, de biologie et de chimie pourra vous attirer les considérations de la police ou des personnes de sécurité privée. En France par exemple, depuis 2015 et la généralisation de l'état d'urgence après des attentats terroristes, les services de police prennent de plus en plus de liberté de fouiller et saisir pour détruire du matériel pour des raisons de plus en plus floues. Transporter vos outils et matériel dans un sac à dos peut vous valoir un contrôle de la police, la saisie ou destruction immédiate de votre matériel. Dans les gares et les aéroports cela peut aller encore plus loin, avec une arrestation.
Dans plusieurs coins du Monde le simple fait d'arborer un sticker libriste sur son ordinateur ou un écusson cousu sur votre sac peut attirer l'attention des services de police ou de sécurité privée. Dans certain Pays, le fait d'utiliser le navigateur Tor ou le système d'exploitation live Tails peut faire de vous une cible de répression.
Dans ce kit, au travers de chaque chapitre, des conseils de sécurité vous sont donnés et répétés. Vous avez même un guide pour apprendre à vous comporter sur le terrain: Loin de Votre Ecran, Sur le Terrain.
Ce genre de package ostensiblement marqué politiquement peut vous valoir des ennuis. Source d'image : Xavier Coadic.
Vous pourrez voir des personnes, y compris des policiers, vous affubler de l'étiquette « écoterroriste ». Il faudra beaucoup de patience et de force morale pour expliquer que vos démarches n'ont rien à voir avec aucune forme de terrorisme. Il est difficile de se préparer à cela mais vous devez très sérieusement le faire. Il faudra aussi penser à préserver votre entourage des répercussions de telles allégations.
En France, fin octobre 2019, un biologiste, également professeur, qui enquête sur les effets des gaz lacrymogènes utilisés par la police face aux mouvements sociaux a été arrêté et placé en garde à vue pour 48 heures, et son domicile a été perquisitionné pendant sa garde à vue. Sur son compte personnel de Facebook, le professeur a listé les éléments qui ont été perquisitionnés à son domicile, ainsi que dans son véhicule. Parmi ceux-là, son ordinateur portable, des clés USB contenant ses cours et ses travaux sur les gaz lacrymogènes, plusieurs livres sur la police ou l'histoire du gaz lacrymogène, plusieurs grenades lacrymogènes vides.
Dans le cadre de votre bio-investigation vous serez certainement amené⋅e⋅s à revenir plusieurs fois à revenir sur un site pour réaliser des observations, des prélèvements et des mesures, parfois sur plusieurs mois voir plusieurs années. Cette répétition d'action de bio-investigation renforce l'effet de curiosité et l'intérêt que peuvent vous porter telle population ou telle organisation.
Autres marqueurs et données dans votre environnement
Pour compléter vos bio-investigations vous pouvez utiliser des éléments dans un ensemble du paysage qui porte une symbolique importante pour un public plus large que celui qui pourrait être intéressé par le thème de votre investigation.
Par exemple, dans le cas d'un terrain en friche sur lequel il y a un projet de construction d'un centre commerciale qui fait le sujet de votre investigation, vous pouvez prendre un arbre remarquable comme totem iconique de votre travail de bio-investigation. Cela peut fournir à la fois des opportunités de relever de nombreuses données qui seront utiles à votre investigation et aussi des opportunités de médiation à votre travail et à l'environnement écologique.
Schéma dessiné à la main pour illustrer les procédés de travail en bio-investigation sur et autour d'un arbre pris comme totem iconique. Source : Xavier Coadic
À partir de ce schéma de travail, réalisez un schéma d'implantation de l'arbre avec un carroyage, comme indiqué précédemment dans ce chapitre. Indiquez les coordonnées GPS sur votre schéma et l'orientation Nord/Sud. Notez l'espèce de l'arbre si vous la connaissez ou simplement une description détaillée, notez la circonférence, la localisation GPS ainsi que sa proximité à un bâtiment ou à une autre construction humaine remarquable. Prenez des photos du tronc, des feuilles, du sol qui l'entoure, et des insectes que vous trouverez.
Munissez-vous de fiches de notes pour prélèvements similaires à l'exemple fourni dans ce chapitre. Réalisez des prélèvements de sols, d'eau s'il y en a à la surface du sol, de végétaux présents sur le sol à proximité de l'arbre, des feuilles de l'arbre. Remplissez vos fiches de prélèvements au fur et à mesure. Annotez et conditionnez rigoureusement tous vos prélèvements.
Repérez les mousses et les lichens présents, s'il y en a, à la surface du tronc de l'arbre.
Source: Université Paris Sorbonne: https://www.particitae.upmc.fr/_resources/doc/
Les lichens comme marqueurs
Les lichens sont présents absolument partout dans notre environnement : en montagne, au bord de la mer, en ville, sur la pierre, sur le bois, sur le métal. Aussi les champignons lichénisés ou champignons lichénisants, sont des organismes composites résultant d'une symbiose entre au moins un champignon hétérotrophe et des cellules microscopiques possédant de la chlorophylle (algue verte ou cyanobactérie autotrophe pour le carbone.)
Les lichens poussent très lentement. En moyenne, la croissance annuelle est de 0,5 à 2 mm pour les lichens crustacés, de 0,5 à 4 mm pour les lichens foliacés et de 1,5 à 5 mm pour les lichens fruticuleux.
Ils peuvent représenter d'excellents marqueurs de l'état de santé de l'environnement dans lesquels ils se trouvent. Il n'est pas nécessaire d'être spécialiste en lichens, ni de savoir parfaitement les identifier, pour en réaliser un inventaire et en faire des prélèvements dans le cadre de bio-investigation. Nous allons vous donner quelques inspirations pour débuter cela.
Note :
Les lichénologues distinguent plusieurs types de lichens selon l'aspect global de leur thalle (appareil végétatif d'une plante, dépourvu de vaisseaux conducteurs et ne formant, de ce fait, ni racines, ni tiges, ni feuilles au sens strict). Voici une liste compréhensive publiée sur Wikipedia:
lichen crustacé ou incrustants (90 % des lichens) présentant un thalle hétéromère (constituée d'éléments qui ne sont pas tous identiques) fortement plaqué au support, formant une croûte incrustée dans le support sur lesquels ils poussent;
lichen crustacé lobé au pourtour, ex : Fulgensia fulgens, Solenopsora candicans;
lichen crustacé non lobé au pourtour, ex : Rhizocarpon geographicum, Acrocordia conoidea, Aspicilia farinosa, Rinodina confragosa, Lecidella carpathica;
lichen foliacé présentant un thalle hétéromère non soudé sur toute sa surface (se détachant facilement du substrat), formant des lames souvent lobées comme de petites feuilles qui s'écartent un peu du support, présence d'haptères (crampons) ou de rhizines (fausses radicelles) sur leur face inférieure pour adhérer au substrat;
lichen foliacé ombiliqué : dépression dénommée ombilic sur la face supérieure, ex : Umbilicaria grisea, Umbilicaria polyphylla;
lichen foliacé non ombiliqué / pas d'ombilic, lobes à disposition radiée, ex :les Xanthoria, les Parmeliaceae;
lichen fruticuleux, présentant un thalle adhérent au substrat par une surface réduite et formant des prolongements redressés, pendants ou étalés. Ces prolongements plus ou moins longs présentent trois formes : tiges rondes plus ou moins ramifiées (ex : Alectoria ochroleuca, Usnea florida, Thamnolia vermicularis), lanières plates parcourues par des cannelures (ex : Ramalina fraxinea);
lichen squamuleux : squamules (petits compartiments ressemblant à des écailles) à la surface supérieure, ex : genres Lecanora, Toninia, Rhizoplaca);
lichen complexe ou lichen composite présentant un thalle primaire plus ou moins foliacé étalé sur le substrat, et sur lequel se développe un thalle secondaire fruticuleux, formé d'éléments (ramifiés ou en forme de trompette, type podétion) se développant perpendiculairement au substrat (genre Cladonia et Stereocaulon vulcani);
lichen gélatineux présentant un thalle à cyanobactérie (thalle foliacé, squamuleux, crustacé ou fruticuleux), noir et cassant à l'état sec, devenant gélatineux sous l'action de l'eau, ex : genres Thyrea et Leptogium, Collema subnigrescens.
Pour les besoins de vos investigations concentrez-vous sur trois grands types de lichens, trois distinctions morphologiques du thalle :
Lichens Crustacés : que vous pouvez noter C dans fiches inventaires,
Lichens Foliacés : que vous pouvez noter Fo,
Lichen Fruticuleux : que vous pouvez noter Fr dans vos inventaires.
Nécessaires :
Un appareil photo,
Un appareil fournissant les coordonnées GPS (par exemple, un téléphone mobile avec GPS),
Une petite loupe, ×30 minimum,
De la curiosité,
De quoi prendre de notes,
Une règle,
Un morceau de grillage dont vous avez marqué les dimensions du carreau.
Exemple de lichen crustacé sur une barrière en pierre à proximité d'un crématorium. Source : Xavier Coadic
Les lichens fruticuleux sont plutôt sensibles à la pollution atmosphérique et sont donc rares en ville. Avec vos appareils photos, vos fiches de prélèvements et d'inventaires, vous pouvez réaliser des notes d'observation comme l'indication d'hauteurs au sol, l'orientation Nord/Sud, des photos avec la loupe. Refaire cela plusieurs fois dans les temps, y compris en marquant, par exemple, des évènements de pollution ou des catastrophes importantes qui seraient survenus juste avant votre dernière opération d'investigation.
Exemple avec un lichen crustacé sur un arbre. Inventorier et situer les lichens au bord de mer en détournant un déchet plastique sur lequel est indiqué au feutre le diamètre du cercle, les 4 points cardinaux orientés correctement. Photo : Xavier Coadic. Chemin des douaniers. Cancale
Vous pouvez ensuite multiplier les repérages en ville, concevoir un dossier d'inventaire rigoureux avec toutes les informations de contextes (Emplacement GPS, hauteur au sol, météo, date…) et confectionner un dossier ou compléter le schéma de travail autour de l'arbre comme décrit avant sans être un⋅e expert⋅e en lichen.
Exemple de lichen fruticuleux (en jaune et orange) sur un branche de buisson en bord de mer en Bretagne. Photo Xavier Coadic
Exemple de lichen foliacé sur rocher en bord de mer en Bretagne, Xanthoria parietina, lichen c.a.d symbiote champignons et algues, thalle jaune et apothécies orange. Parmélie des murailles. Photo Xavier Coadic
N'ayez pas peur de vous tromper. C'est comme la cuisine, c'est en pratiquant que l'on apprend, c'est en documentant que l'on comprend.
Note :
Certains organismes connus pour accumuler des polluants sont utilisés ou pourraient l'être comme bioindicateur ou pour la bioévaluation environnementale (biomonitoring). Par exemple :
les lichens accumulant les polluants permettent une analyse rétrospective de leur exposition aux métaux lourds ou aux radionucléides ;
la moule zébrée (moule d'eau douce) (Dreissena polymorpha) accumule des éléments métalliques dans les canaux ;
les champignons se prêtent aussi au biomonitoring, pour les métaux notamment. (Source Wikipedia: Bioaccumulation.)
Fleurs et levures
Toujours dans votre environnement direct, vous pouvez trouver des opportunités surprenantes pour mener des parties de vos bio-investigations, tout en vous laissant la liberté de collaborer en même temps à d'autres programme de sciences et d'écologie. Cela signifie pour vous recueillir encore plus d'informations et de données intéressantes et fiables tout en continuant à apprendre plus. Même parfois en suscitant chez vous de l'émerveillement.
Au printemps et à l'été, il y a probablement partout autour de chez vous des fleurs dans les arbres et les buissons. Sachez que nombreuses de ces fleurs sont couvertes naturellement de levures qui intéressent grandement des scientifiques, des boulangers, de fabricant⋅es de bières amat⋅eurs⋅rices ou professionnelles. Ces fleurs contiennent également bien d'autres informations sur la qualité de l'environnement, sur la génétique, sur la biodiversité, sur le patrimoine végétal de la région. Autant d'informations et des données qui pourront facilement s'intégrer dans vos besoins lors d'investigations.
Voici l'exemple de BrewLab qui vous explique comment capturer des levures sauvages, comment les cultiver, comment obtenir ou fabriquer votre matériel et qui propose même d'aller plus en loin avec l'identification précise de ces levures par analyses génétiques. Bien que les chercheurs de BrewLab expérimentent de nouveaux types de bière à partir de plantes sauvages, leurs recherches et astuces sont très utiles comme ressource d'apprentissage pour les bio-investigations dirigées par les citoyens. Vous trouverez également une page wiki pour vous accompagner dans cette aventure. Ou encore réaliser des opérations similaires à partir de pommes de terre, qui sont très présentes dans la consommation alimentaire courante et dans l'agriculture.
Les produits que vous consommez
Investiguer sur les ingrédients présents dans les produits de grande distribution este possible avec OpenFoodFact, une application mobile qui s'appuie sur les codes barres pour vous donner accès à des bases de données libres.
Source: https://fr.openfoodfacts.org/decouvrir
Ces informations et ces données peuvent vous aider dans vos bio-investigations, notamment si vous pouvez déterminer les lieux de transformation ou d'élevages - partie des chaînes d'approvisionnement - de ces produits ou leurs ingrédients et puis utiliser les protocoles de prélèvements et de mesures que nous avons parcouru précédemment. Voir plus des détails sur la recherche de produits et leur chaînes d'approvisionnement dans le chapitre Investiguer des Chaînes d'Approvisionnement dans ce Kit.
Analyser ou partager vos échantillons
Nous avons des morceaux de nous-mêmes à récupérer et à réagir politiquement ainsi que des Bits (unités d'information) et des Bits (morceaux) de Vie à récupérer. C'est que vous constaterez lors des rencontres qui jalonneront vos investigations sur le terrain.
Les analyses des échantillons que vous avez prélevés, les mesures et les observations que vous faites, lors de vos opérations de terrain dans le cadre plus large de la thématique de votre investigation participent à cette reconstruction d'un récit et de réappropriation de morceaux de vie.
Il vous reste à choisir si vous déléguez ou pas ce qui concerne les analyses des morceaux d'informations, avec qui et dans quelles conditions.
Partager vos échantillons pour que d'autres réalisent des analyses
Une fois vos opérations sur le terrain terminées, vous aurez besoin que des données soient extraites de vos prélèvements, que vos mesures soient analysées, puis d'une phase de qualification de ces données et enfin d'interprétation. C'est une étape très important pour transformer vos efforts en matière exploitable dans le but de votre investigation.
Nous avons évoqué les possibilités d'organisations potentiellement intéressées par vos travaux qui pourraient avoir des intérêts différents de votre et donc utiliser ces données pour servir un tout autre objectif que le vôtre.
Lorsque vous êtes amené⋅e⋅s à choisir une tierce partie pour réaliser une partie ou toutes les analyses dont vous avez besoin, vous devez garder ces risques en tête.
Vous pouvez choisir de travailler avec des hackerspaces ou des biohackerspaces (une liste est par exemple disponible ici), ou des ONGs ou autres associations qui ont les capacités d'analyses et de traitement spécifique à votre thématique et à vos échantillons, ou encore des laboratoires universitaires, d'État ou des entreprises privées.
Tous les laboratoires ou espaces communautaires n'ont pas les mêmes capacités et compétences d'analyses. Vos choix seront aussi guidés par ces possibilités ou impossibilités.
Ces analyses peuvent être gratuites ou payantes, parfois très chères. Cette importance du coût des analyses ne doit jamais être utilisée comme moyen de chantage sur vous et vos objectifs. Si cela arrive, ne collaborez pas avec l'organisation qui vous fait subir cela.
Dans tous les cas, essayez de vous faire accompagner par un conseil juridique, établissez un contrat clair de collaboration, quelle que soit ça forme, contenant vos droits et devoirs, le prix ou la gratuité explicite des analyses, les droits et devoirs de votre partenaire(s) de travail et surtout les conditions claires de confidentialité et d'exploitation des données qui seront issues de ces analyses.
Vous n'êtes jamais obligé⋅e⋅s de donner l'intégralité de vos notes, observations, prélèvements et mesures à une seule et unique organisation. Vous pouvez même répartir celles-ci entre plusieurs organisations afin d'avoir de la matière d'information à comparer et aussi de garder une partie de celles-ci pour réaliser vous-même des analyses similaires ou différentes.
La Bio-investigation comme acte communautaire
Il peut sembler long et fastidieux de se préparer puis de réaliser de la bio-investigation mais c'est un processus qui vous donne beaucoup de satisfactions lorsque vous avancez dans vos méthodes et votre apprentissage. Toute comme la cuisine, vous souvenez-vous de cette comparaison?
Vous pouvez, par exemple, mettre en place des cafés de biologie populaire dans un bar d'un quartier sous pression immobilière pour apprendre à plusieurs à s'organiser en petit groupe de travail et de découvrir d'autres méthodes de travail et de prélèvements avec des personnes concernées par les questions de l'environnement. Voire cet exemple par l'auteur - Ateliers de Biologie à Rennes.
La bio-investigation et ses méthodes peut facilement devenir un état d'esprit et une actione communautaire, spécialement quand vous devez agir pour changer une situation. La bio-investigation vous permet de connaître votre environnement local et les éventuels problèmes auxquels il est confronté. Ce sont aussi vos problèmes, les problèmes de votre communauté. Mobilisez-vous.
Remerciements :
Ce guide n'est possible que par des rencontres, des collaborations, d'entraides, et de la confiance depuis de nombreuses années et encore aujourd'hui. Bien qu'il soit écrit par un seul individu, il est le fruit de plusieurs personnes qui y ont contribué d'une manière ou d'une autre. Ces sincères remerciements pour leurs contributions sont alors adressés à : Mily1000V, Laura, Wael, Hackorn, Emmanuel Poisson-Quinton, Jacques Le letty, Rieul Techer, Yann Heurtaux, Asso Ping à Nantes, Ewen, Jaxom, Sylvia Fredriksson, Le Biome HackLab à Rennes, La Myne à Lyon.
publié en juillet 2020
Ressources
Articles et Guides
Accueillir les Non-Humains dans les Communs (Introduction), par Lionel Maurel.
Alabama Environmental Investigation and Remediation Guidance. Par The Alabama Department of Environmental Management.
Analyse du sol à faire soi-même. Un kit d'analyse du sol à bas coût et fiable à destination des jardiniers. Par PING Nantes sur Fablabo.
Capter et (co)produire des savoirs sous contraintes : le tournant expert de Surfrider Foundation Europe. Par Julien Weisbein.
Comment composer avec le monde « non-humain » ?, par Philippe Descola. France Culture, 3 janvier 2015 [En ligne].
DNA Sequencing. Par Open Food Repo DNA.
Échantillonnage et analyse des sols pollués. Grille de lecture par l' Institut de veille sanitaire, France.
Guide pratique pour la description des sols en France. Par le Conservatoire d'espaces naturels de Bourgogne, France.
Guide d'échantillonnage à des fins d'analyses environnementales. Par le Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec. (copie archivée sur Wayback Machine est disponible ici.)
Hazardous materials investigation, sampling, & documentation. Par The Washington State Department of Transportation.
Lichen, Agent de la qualité de l'air. Par Mathias Roth.
Manuel des Protocoles d'Échantillonnage pour l'Analyse de la Qualité de l'Eau au Canada. Par le Conseil canadien des ministrés de l’environnement, 2011.
Méthodologie de diagnostic des sols pollués par Hafid Baroudi (Séminaire ”Sols Pollués”, Jun 1997, Paris, France. pp.3-7. ffineris-00972099f.)
Protocole d'échantillonnage de la qualité de l'eau.. Par le Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) et Conseil régional de l’environnement des Laurentides (CRE Laurentides), 2017.
Reconnaître et caractériser les zones de forge sur surface décapée. Apport de la géophysique à l'étude paléométallurgique. Par G. Hulin, B. Jagou, M. De Muylder et all.
Recette frugale d'hackathon citoyen open source: en 32 jours et sans budget.
Stratégie et technique d'échantillonnage des sols pour l'évaluation des pollutions. Par L. Belkessam, B. Lemiere – CNRSSP.
Successful Microbiological Investigations. Par Scott Sutton.
Archeograph.com. Un ensemble de tutoriels, de ressources graphiques et cartographiques destinées aux infographistes et aux archéologues.
Outils et Bases de Données
OpenStreet Map. Une carte du monde, créée par des personnes grâce au crowdsourcing. Il est gratuit à utiliser sous une licence ouverte.
Overpass-turbo. Un site web qui permet en quelques cliques de construire des cartes en appelant des données disponibles dans les bases de données d'OpenStreet Map.
Glossaire
term-adn
ADN - L'acide désoxyribonucléique (ADN) est une macromolécule biologique présente dans toutes les cellules des organismes vivants, aussi chez certains virus. L'ADN contient toute l'information génétique, appelée génome, permettant le développement, le fonctionnement et la reproduction des êtres vivants. L'ADN est composé de nucléotides (ACGT.)
term-becher
Bécher - Récipient utilisé pour de nombreuses applications de laboratoire, notamment en chimie, physique, biologie et pharmacie.
term-bioindication
Bio-indication - Information fournie par une espèce végétale, fongique ou animal pour par un groupe d'organisme vivant concernant l'état de l'environnement et/ou de son passé, y compris sur l'incidence de certaines pratiques humaines.
term-bioaccumulation
Bioaccumulation - Certains organismes (végétaux, animaux, fongiques, microbiens) ont la capacité d'absorber et de concentrer dans tout ou une partie de leur organisme (partie vivante ou inerte telle que l'écorce ou le bois de l'arbre, la coquille de la moule, la corne, etc.) certaines substances chimiques, éventuellement rares dans l'environnement. C'est le principe de bioaccumulation.
term-biodiversite
Biodiversité - Désigne la variété des formes de vie sur la Terre, peut aussi être considérée comme la variété des organismes vivants présents dans une zone plus spécifique.
term-chainelog
Chaîne d'approvisionnement logistique - un ensemble d'étapes que les produits de base (biens ou matières premières) doivent franchir avant de devenir des produits utilisés par les consommat⋅rices⋅eurs ou l'industrie.
term-communs
Communs - La notion de Communs (ou de biens communs) [Elianor Ostrom] s'applique dans, par exemple, la gestion de la nature et dans d'autres champs (Communs de la Connaissance, Communs numériques, Communs sociaux, Communs urbains, etc.). Un commun est un existant effectif autour duquel s'assemblent en convivialité des personnes qui entretiennent cet existant en responsabilité partagée avec des règles de gouvernance délibérées.
term-combiotique
Communauté biotique - Correspond à l'ensemble des êtres vivants et non-vivants (roches, cendres, outils) qui vivent en interdépendance dans une même zone délimitable.
term-carroyer
Carroyer - Effectuer un dessin de carré qui divise précisément la zone physique de prélèvement afin de référencer chaque carré par une taille, une abscisse et une ordonnée.
term-cartocarroyage
Cartographier le carroyage - Inscrire le carroyage dans une carte géographique, avec topographie si nécessaire.
term-codebarre
Code à barres (CAB) - Symboles (séries de petites lignes / barres) appliques sur les produits de consommation utilisés pour identifier le fabricant, ainsi que des informations supplémentaires sur le produit / son origine.
term-eaudistilee
Eau Distillée - Terme générique recouvrant plusieurs méthodes de purification de l'eau pour par exemple en retirer des sels minéraux ou des composés biologiques.
term-echantillon
Échantillon - en bio-investigation, fragments ou éléments d'objets dans une zone définie (sons dans un enregistrement, feuilles sur un arbre, les eaux d'une rivière.) Un échantillon est représentatif de la population ou de la zone où il a été prélevé.
term-echantillonage
Échantillonnage - Actions de prélever et de répertorier des prélèvements sur des objets d'une zone définie (sons dans un enregistrement, feuilles sur un arbre, eaux dans une rivière.)
term-empreintemorpho
Empreinte morphologique - Caractère spécifique par la forme et par la structure d'un corps (visage humain, empreinte de doigts ou de pattes animales, fossiles.
term-iot
IOT - Internet Of Things, désigne un objet connecté qui par un protocole donné permet de s'opérer dans un réseau de réseaux.
term-metrologie
Métrologie - Technique de mesure appliquée à un domaine particulier.
term-mnemotech
Moyens mnémotechniques - Méthode visant à faciliter la mémorisation de l'information.
term-oligoelement
Oligo-éléments - Substance minérale, dont notre organisme a besoin pour fonctionner. Ils sont présents dans l'eau, sur les sols, dans les plantes et les animaux.
term-pHmetrie
pHmétrie - Correspond à la mesure de l'acidité (pH) d'un milieu. Le potentiel hydrogène, noté pH, est une mesure de l'activité chimique des ions hydrogène en solution.
term-photosynthese
Photosynthèse - Réaction biochimique énergétique qui se déroule chez les organismes vivants (plantes, algues, bactéries, etc.) qui participe à la création d'énergie, directement à partir de composés minéraux à l'aide de l'énergie lumineuse fournie par le soleil, nécessaire à la vie de l'organisme.
term-routine
Routine - Ensemble de règles précises et répétitives mises ne œuvre dans une durée au sein d'une activité.
term-seqadn
Séquençage ADN - Le séquençage de l'ADN, consiste à déterminer l'ordre d'enchaînement des nucléotides d'un fragment d'ADN. La lecture de cette séquence obtenue permet d'étudier l'information biologique contenue par celle-ci.
term-totem
Totem iconique - Représentation symbolique qui sert d'emblème démonstrative visant à rendre identifiables des phénomènes peu visibles.